Quand la Grave abritait la maternité des Toulousains
Jusqu’en 2003, les femmes enceintes de Toulouse et de la région accouchaient à La Grave, LA maternité des Toulousains. Voici à quoi ressemblait la mythique maternité.
❝ Être né à la Grave, en bord de Garonne, c’est un peu recevoir son brevet ultime de Toulousains.
Avec son immense dôme, le site de La Grave est l’un des plus emblématiques de Toulouse, au même titre que la place du Capitole. C’est le plus photographié de la Ville rose par les touristes aussi.
Mais au-delà de l’image d’Epinal, le site de La Grave a surtout été, pendant des décennies, l’endroit où débutait la vie des Toulousains. La Grave a, en effet, accueilli la plus grande maternité de l’ex-Région Midi-Pyrénées jusqu’en 2003, année durant laquelle les équipes médicales ont déménagé à Purpan, sur le site Paule-de-Viguier.
« Être né à la Grave, en bord de Garonne, c’est un peu recevoir son brevet ultime de Toulousains », peut-on parfois entendre. Un club select qui réunit donc des centaines de milliers de personnes âgées de plus de 20 ans.
Si celles et ceux qui sont nés à La Grave en retirent une petite fierté, le nombre de celles et ceux qui, aujourd’hui savent à quoi ressemblait la maternité, se réduit.
À quoi ressemblaient les chambres et les salles d’accouchement ? Comment travaillaient les sages-femmes dans ce bâtiment séculaire ?
Un décor suranné
Autant vous le dire tout de suite, l’Hôpital La Grave ne ressemblait en rien à ce que les jeunes parents connaissent dans les maternités actuelles.
« Il y avait de la moquette sur les murs et peu de chambres individuelles pour les jeunes mamans. La majorité des chambres étaient doubles avec la nurserie entre les deux lits, rappelle Marlène Bonnefille qui a travaillé à la maternité de La Grave en tant que sage-femme, de 1998 à 2003. La maternité n’était pas la plus moderne quand j’y ai travaillé. De petits travaux étaient régulièrement effectués, mais aucuns travaux d’envergure n’y était plus entrepris. En revanche, la bâtisse était splendide, comme les cours intérieures et il y avait de grandes fenêtres. Et quelle ambiance spéciale ».
Après avoir accueilli les pestiférés au XIVe siècle, puis les mendiants et les nécessiteux au XVIIe, à la fin du XXe siècle, la Grave accueillait la maternité, mais aussi un service...de gériatrie.
« La gériatrie était accolée à une aile du bâtiment. Cela pouvait être étonnant de voir côte à côte les deux extrémités d’une vie : la naissance d’un côté et la grande vieillesse de l’autre. Nous avions d’un côté les enfants qui venaient de naître et qui pleuraient, puis de l’autre, des personnes très âgées qui criaient... C’était assez déroutant », se remémore Marlène Bonnefille, elle-même née à La Grave au milieu des années 70.
« C’était vraiment particulier »
Intégrer le service de la maternité de La Grave, c’était intégrer « un lieu chargé d’histoire, avec une ambiance particulière », mais aussi une équipe soudée.
L’ancienne sage-femme de La Grave se souvient :
« On faisait partie du CHU de Toulouse, mais en dehors de Purpan et de Rangueil. Quand je suis arrivée, beaucoup de membres de l’équipe médicale travaillaient à La Grave depuis longtemps. Cette maternité de centre-ville, c’était vraiment particulier. On était à part ».
Mais comment naissait-on à La Grave ?
Il fallait déjà arriver en voiture jusqu’à l’entrée située à côté du pont Saint-Pierre. Les bouchons étaient moindres qu’à l’heure actuelle, et l’arrivée moins stressante pour les futurs parents dont certains venaient des départements voisins de la Haute-Garonne.
Marlène Bonnefille raconte la suite :
« L’internat des médecins se situait dans un vieux bâtiment. Souvent, il fallait qu’ils courent en urgence pour rejoindre la salle d’accouchement. De notre côté, nous allions récupérer le dossier de la patiente aux archives. Il fallait traverser les cours intérieures, parfois en pleine nuit. Nous y croisions parfois des toxicomanes qui venaient se faire soigner sur le site ».
Elle poursuit :
« Pendant longtemps, à La Grave, les patientes accouchaient avec la méthode toulousaine. C’était avant que l’accouchement soit médicalisé et que la péridurale fasse son apparition à la fin des années 90. On leur mettait une perfusion avec de l’ocytocine, une hormone qui déclenche l’accouchement, pour permettre au travail de se faire vite, et éviter ainsi que la patiente arrive épuisée au moment de l’anesthésie générale ».
Accouchements sous anesthésie générale
Car aussi fou que cela puisse paraître, alors qu’actuellement, les jeunes couples veulent vivre le plus intensément l’accouchement, parfois sans l’appui d’une péridurale, les femmes qui accouchaient à La Grave dans les années 80, faisaient l’objet d’une anesthésie générale. « Les mamans s’endormaient et les nourrissons étaient sortis avec les spatules. Elles se réveillaient avec leur enfant dans les bras. Ce n’est que dans les années 90, avec l’arrivée du monitoring, et de la péridurale, que les choses ont changé », explique notre témoin du jour.
C’est donc vers la fin des années 90 que l’histoire de la maternité de la Grave s’est achevée. « Nous avons commencé à parler du déménagement au début des années 2000. On nous a demandés de penser le nouvel hôpital, on nous a impliqués dans le projet et moi, j’étais l’une des plus jeunes de l’équipe, je trouvais ça assez excitant. Sur le plan pratique, on se rapprochait de l’Hôpital des Enfants, ce qui constituait un gain de temps pour les prématurés. En effet, quand un prématuré naissait à La Grave, il était transporté en couveuse jusqu’à Purpan, à l’hôpital des enfants, et ce temps de trajet constituait une perte de chance. Le déménagement avait pour but de nous rapprocher ».
Fin de l’histoire en 2003
Il n’empêche qu’en mars 2003, au moment de la dernière naissance à La Grave, l’émotion était palpable dans les équipes.
Marlène se rappelle ce moment spécial :
« Le dernier bébé né à La Grave, c’était le troisième garçon d’une collègue sage-femme. C’était juste génial. Le déménagement a quant à lui été épique, mais cela s’est bien passé. Il fallait terminer les derniers accouchements à La Grave avant 8h. Et la deuxième équipe prenait le relais à Purpan, dans le nouvel hôpital. Les dernières mamans à avoir accouché, quelques heures avant la fermeture officielle de la maternité, ont ensuite été transférées à Paule-de-Viguier, où elles ont terminé leur séjour ».
Nostalgie 20 ans après
Les équipes de la maternité ont alors laissé derrière elles des tas de souvenirs, de grands moments d’émotion...
« Il y a toujours une forme de nostalgie de cette époque. Travailler à Paule-de-Viguier n’a rien à voir. Au moment du déménagement, j’avais l’impression qu’on allait vers quelque chose de froid. Au final, cela n’a pas été pareil qu’à La Grave, mais, dans les deux lieux, nous avons toujours fait le maximum pour accompagner au mieux les femmes », conclut Marlène Bonnefille.
Une Cité de la Santé
En 2019, c’est une Cité de la santé qui a été inaugurée dans la cour de l’ancienne maternité, avec une offre de soins dédiée à la promotion de la santé, à la prévention, à l’éducation thérapeutique, au repérage et à l’intervention précoce sur les facteurs de risques et situations de vulnérabilité.