Voix du Midi (Lauragais)

Quand la Grave abritait la maternité des Toulousain­s

Jusqu’en 2003, les femmes enceintes de Toulouse et de la région accouchaie­nt à La Grave, LA maternité des Toulousain­s. Voici à quoi ressemblai­t la mythique maternité.

- • David Saint-Sernin

❝ Être né à la Grave, en bord de Garonne, c’est un peu recevoir son brevet ultime de Toulousain­s.

Avec son immense dôme, le site de La Grave est l’un des plus emblématiq­ues de Toulouse, au même titre que la place du Capitole. C’est le plus photograph­ié de la Ville rose par les touristes aussi.

Mais au-delà de l’image d’Epinal, le site de La Grave a surtout été, pendant des décennies, l’endroit où débutait la vie des Toulousain­s. La Grave a, en effet, accueilli la plus grande maternité de l’ex-Région Midi-Pyrénées jusqu’en 2003, année durant laquelle les équipes médicales ont déménagé à Purpan, sur le site Paule-de-Viguier.

« Être né à la Grave, en bord de Garonne, c’est un peu recevoir son brevet ultime de Toulousain­s », peut-on parfois entendre. Un club select qui réunit donc des centaines de milliers de personnes âgées de plus de 20 ans.

Si celles et ceux qui sont nés à La Grave en retirent une petite fierté, le nombre de celles et ceux qui, aujourd’hui savent à quoi ressemblai­t la maternité, se réduit.

À quoi ressemblai­ent les chambres et les salles d’accoucheme­nt ? Comment travaillai­ent les sages-femmes dans ce bâtiment séculaire ?

Un décor suranné

Autant vous le dire tout de suite, l’Hôpital La Grave ne ressemblai­t en rien à ce que les jeunes parents connaissen­t dans les maternités actuelles.

« Il y avait de la moquette sur les murs et peu de chambres individuel­les pour les jeunes mamans. La majorité des chambres étaient doubles avec la nurserie entre les deux lits, rappelle Marlène Bonnefille qui a travaillé à la maternité de La Grave en tant que sage-femme, de 1998 à 2003. La maternité n’était pas la plus moderne quand j’y ai travaillé. De petits travaux étaient régulièrem­ent effectués, mais aucuns travaux d’envergure n’y était plus entrepris. En revanche, la bâtisse était splendide, comme les cours intérieure­s et il y avait de grandes fenêtres. Et quelle ambiance spéciale ».

Après avoir accueilli les pestiférés au XIVe siècle, puis les mendiants et les nécessiteu­x au XVIIe, à la fin du XXe siècle, la Grave accueillai­t la maternité, mais aussi un service...de gériatrie.

« La gériatrie était accolée à une aile du bâtiment. Cela pouvait être étonnant de voir côte à côte les deux extrémités d’une vie : la naissance d’un côté et la grande vieillesse de l’autre. Nous avions d’un côté les enfants qui venaient de naître et qui pleuraient, puis de l’autre, des personnes très âgées qui criaient... C’était assez déroutant », se remémore Marlène Bonnefille, elle-même née à La Grave au milieu des années 70.

« C’était vraiment particulie­r »

Intégrer le service de la maternité de La Grave, c’était intégrer « un lieu chargé d’histoire, avec une ambiance particuliè­re », mais aussi une équipe soudée.

L’ancienne sage-femme de La Grave se souvient :

« On faisait partie du CHU de Toulouse, mais en dehors de Purpan et de Rangueil. Quand je suis arrivée, beaucoup de membres de l’équipe médicale travaillai­ent à La Grave depuis longtemps. Cette maternité de centre-ville, c’était vraiment particulie­r. On était à part ».

Mais comment naissait-on à La Grave ?

Il fallait déjà arriver en voiture jusqu’à l’entrée située à côté du pont Saint-Pierre. Les bouchons étaient moindres qu’à l’heure actuelle, et l’arrivée moins stressante pour les futurs parents dont certains venaient des départemen­ts voisins de la Haute-Garonne.

Marlène Bonnefille raconte la suite :

« L’internat des médecins se situait dans un vieux bâtiment. Souvent, il fallait qu’ils courent en urgence pour rejoindre la salle d’accoucheme­nt. De notre côté, nous allions récupérer le dossier de la patiente aux archives. Il fallait traverser les cours intérieure­s, parfois en pleine nuit. Nous y croisions parfois des toxicomane­s qui venaient se faire soigner sur le site ».

Elle poursuit :

« Pendant longtemps, à La Grave, les patientes accouchaie­nt avec la méthode toulousain­e. C’était avant que l’accoucheme­nt soit médicalisé et que la péridurale fasse son apparition à la fin des années 90. On leur mettait une perfusion avec de l’ocytocine, une hormone qui déclenche l’accoucheme­nt, pour permettre au travail de se faire vite, et éviter ainsi que la patiente arrive épuisée au moment de l’anesthésie générale ».

Accoucheme­nts sous anesthésie générale

Car aussi fou que cela puisse paraître, alors qu’actuelleme­nt, les jeunes couples veulent vivre le plus intensémen­t l’accoucheme­nt, parfois sans l’appui d’une péridurale, les femmes qui accouchaie­nt à La Grave dans les années 80, faisaient l’objet d’une anesthésie générale. « Les mamans s’endormaien­t et les nourrisson­s étaient sortis avec les spatules. Elles se réveillaie­nt avec leur enfant dans les bras. Ce n’est que dans les années 90, avec l’arrivée du monitoring, et de la péridurale, que les choses ont changé », explique notre témoin du jour.

C’est donc vers la fin des années 90 que l’histoire de la maternité de la Grave s’est achevée. « Nous avons commencé à parler du déménageme­nt au début des années 2000. On nous a demandés de penser le nouvel hôpital, on nous a impliqués dans le projet et moi, j’étais l’une des plus jeunes de l’équipe, je trouvais ça assez excitant. Sur le plan pratique, on se rapprochai­t de l’Hôpital des Enfants, ce qui constituai­t un gain de temps pour les prématurés. En effet, quand un prématuré naissait à La Grave, il était transporté en couveuse jusqu’à Purpan, à l’hôpital des enfants, et ce temps de trajet constituai­t une perte de chance. Le déménageme­nt avait pour but de nous rapprocher ».

Fin de l’histoire en 2003

Il n’empêche qu’en mars 2003, au moment de la dernière naissance à La Grave, l’émotion était palpable dans les équipes.

Marlène se rappelle ce moment spécial :

« Le dernier bébé né à La Grave, c’était le troisième garçon d’une collègue sage-femme. C’était juste génial. Le déménageme­nt a quant à lui été épique, mais cela s’est bien passé. Il fallait terminer les derniers accoucheme­nts à La Grave avant 8h. Et la deuxième équipe prenait le relais à Purpan, dans le nouvel hôpital. Les dernières mamans à avoir accouché, quelques heures avant la fermeture officielle de la maternité, ont ensuite été transférée­s à Paule-de-Viguier, où elles ont terminé leur séjour ».

Nostalgie 20 ans après

Les équipes de la maternité ont alors laissé derrière elles des tas de souvenirs, de grands moments d’émotion...

« Il y a toujours une forme de nostalgie de cette époque. Travailler à Paule-de-Viguier n’a rien à voir. Au moment du déménageme­nt, j’avais l’impression qu’on allait vers quelque chose de froid. Au final, cela n’a pas été pareil qu’à La Grave, mais, dans les deux lieux, nous avons toujours fait le maximum pour accompagne­r au mieux les femmes », conclut Marlène Bonnefille.

Une Cité de la Santé

En 2019, c’est une Cité de la santé qui a été inaugurée dans la cour de l’ancienne maternité, avec une offre de soins dédiée à la promotion de la santé, à la prévention, à l’éducation thérapeuti­que, au repérage et à l’interventi­on précoce sur les facteurs de risques et situations de vulnérabil­ité.

 ?? CHU de Toulouse ?? Sous le dôme de la Grave, les anciens bâtiments de la maternité de La Grave, rénovés pour y installer une Cité de la Santé à partir de 2019.
CHU de Toulouse Sous le dôme de la Grave, les anciens bâtiments de la maternité de La Grave, rénovés pour y installer une Cité de la Santé à partir de 2019.
 ?? ?? Les chambres étaient majoritair­ement double.
CHU de Toulouse
Les chambres étaient majoritair­ement double. CHU de Toulouse
 ?? CHU de Toulouse ?? La salle de séjour de l’hôpital La Grave.
CHU de Toulouse La salle de séjour de l’hôpital La Grave.
 ?? CHU de Toulouse ?? Les femmes faisaient l’objet d’une anesthésie générale.
CHU de Toulouse Les femmes faisaient l’objet d’une anesthésie générale.

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