Vivre-ensemble : aux origines de la convivéncia !
Dans son dernier ouvrage La Convivéncia, l’intellectuel Alem Surre-Garcia revient sur cette notion commune aux cultures occitane, castillane, catalane et portugaise.
Toulouse, le 23 mars 2012. Des centaines de personnes se rassemblent sur la place du Capitole pour rendre hommage aux victimes du terroriste islamiste Mohamed Merah. Une grande banderole, sur fond rouge, proclame en français, en occitan, en arabe et en hébreu « Convivéncia : Vivre ensemble : égalité, pluralité, dignité ».
L’art de vivre ensemble
L’étendard, pris en photo par Jean-François Laffont, président du mouvement Convergence occitane (collectif associatif qui rassemble des dizaines d’associations culturelles dans la région de Toulouse), a été choisi comme couverture pour La Convivéncia, le dernier livre d’Alem Surre-Garcia, paru ce mois-ci aux éditions Tròba Vox. Le philosophe et essayiste toulousain, promoteur emblématique de la culture occitane, définit cette notion comme « l’art de vivre ensemble dans le respect mutuel de l’altérité ». « Il est essentiel de réintroduire ce que j’appellerais de la philie (racine grecque qui vient du mot grec phile signifiant amour, ndlr) face aux diverses phobies ambiances : sectarismes et totalitarismes religieux et laïques ».
L’Occitanie est une terre d’accueil historique. Ella a intégré, aidé de nombreux peuples, toléré ou assimilé de multiples provenances. Un état d’esprit singulier qui prend pour modèle, dans le courant des VIIIeXe siècles, l’Andalousie araboberbère, connue aussi sous le vocable de l’Al-Andalus. Cette période de l’histoire médiévale, mise en exergue au milieu du siècle dernier par le philologue et historien espagnol Américo
Castro, évoque la Convivencia ou la coexistence relativement pacifique entre musulmans, juifs et chrétiens. « Il faut penser les Pyrénées, non pas comme une frontière politique, mais comme une extraordinaire zone de porosité » rappelle
Alem Surre-Garcia. « La partie nord du territoire d’Al Andalus, en particulier son versant aragonais, était prestigieuse. Saragosse était alors considérée comme « la deuxième Cordoue ». Les princes occitans fréquentaient les cours musulmanes et les échanges commerciaux étaient intenses ».
Le « Paratge »
À partir du XIIe siècle, la société occitane appelée la « société des troubadours », produit à son tour des concepts civilisationnels d’équité. Le terme de « Paratge » qui exprime le principe (relatif) d’égalité entre les sexes et les classes sociales, apparaît. « Pour la première fois, ce n’est le lignage aristocratique qui prime, ni la force ni la violence, mais la culture. Cet esprit qui irrigue la société, jusqu’à une partie des couches populaires, est malheureusement remis en cause lorsque débute la Croisade contre les Albigeois (1209-1229) ». Sa redécouverte, tardive, n’intervient qu’au XXe siècle. Les poètes surréalistes, dans l’entre-deux-guerres, ainsi que quelques grandes figures de l’intelligenstia française comme Simone Weil, chantent ses louanges. La philosophe n’hésite pas, dans la revue des Cahiers du Sud, à comparer, par exemple, la Chanson de la Croisade contre les Albigeois, à l’Iliade d’Homère.