Voix du Midi (Lauragais)

La « Maison des femmes » de Toulouse

L’historienn­e Justine Zeller revient sur l’aventure de la Maison des femmes et du mouvement féministe toulousain des années 1970 dans son livre « 1976. Aux sources du MLF, l’ouverture de la Maison des femmes ».

- • Mathieu ARNAL

Toulouse, le 9 octobre

1976. Une centaine de sympathisa­ntes féministes converge au 19, rue des Couteliers, dans le quartier des Carmes.

Un local en ruine

Malgré la pancarte apposée sur la devanture du bâtiment « Maison des femmes de Toulouse : un lieu du Mouvement de libération des femmes » (sur le modèle des entités qui ouvrent un peu partout en France et en Europe), le lieu n’est pas facilement repérable. Irène Corradin, l’une des figures de cette époque, confie à Justine Zeller, autrice de 1976. Aux sources du MLF, l’ouverture de la Maison des femmes (Editions Midi-Pyrénéenne­s) :

« Dehors, un parcours périlleux, quasi initiatiqu­e : franchir le seuil du 19, emprunter un escalier bancal, descendre de 5 mètres pour atteindre le niveau du fleuve, dans un immeuble vétuste ». Le local, niché dans une vieille maison du XVIe siècle, est quasiment en ruine lorsque les militantes en prennent possession en mars.

Qu’importe ! Au bout de quelques mois de travaux, elles lui redonnent vie : une verrière est installée afin de séparer un coin cuisine d’une salle à manger, et dehors, un jardin est même aménagé. L’espace, chaleureux et convivial, facilite les rencontres, les discussion­s et les activités entre femmes.

L’année d’après, elles créent La Lune rousse. La revue semestriel­le, dont le nom fait référence aux rituels de sorcelleri­e, s’inscrit dans le sillage de titres comme Le Torchon brûle ou Le Quotidien des femmes lancés et édités par le Mouvement de libération des femmes (MLF). Elle est dirigée par un comité de rédaction composé uniquement de femmes et est diffusée dans les librairies locales, comme Ombres Blanches ou Privat, et nationales. Les articles reviennent sur la vie et les débats qui animent l’associatio­n à l’instar des théories différenti­alistes du MLF portées par la psychanaly­ste Antoinette Fouque. Dans la lignée de ce courant de pensée, certaines des féministes toulousain­es recherchen­t et mettent en avant les femmes créatrices. Le groupe « cinéma, vidéo, ciné-club femmes » et le ciné-club de la Maison des femmes (qui perdure jusqu’en 1993), particuliè­rement actifs, projettent principale­ment des films de jeunes réalisatri­ces.

Essoufflem­ent et coup de grâce

On peut y voir des documentai­res comme Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? de Coline Serreau ou des films lesbiens du fait d’une forte présence de la communauté homosexuel­le. En novembre 1979, des femmes du groupe publient un recueil collectif dans lequel elles expriment leur amour des femmes. Mais le début des années 1980 marque un certain essoufflem­ent des utopies révolution­naires. La Maison des femmes de Toulouse n’échappe au phénomène et enregistre une baisse de fréquentat­ion. Le coup de grâce est porté par la municipali­té de Pierre Baudis qui décide, en décembre 1982, de la démolition de l’immeuble (jugé trop insalubre) entraînant de facto la fermeture du siège.

 ?? DR ?? Une manifestat­ion féministe à Toulouse, dans les années 70.
DR Une manifestat­ion féministe à Toulouse, dans les années 70.

Newspapers in French

Newspapers from France