Voix du Midi (Lauragais)

Les opposants déboutés de leur référé par la justice, l’occupation des arbres se poursuit...

Plusieurs associatio­ns opposées au chantier de l’autoroute A69 avaient déposé un référé environnem­ental au sujet des abattages d’arbres dans le bois de la Crémade à Saïx.

- • Paul Halbedel

Au mois de février, cinq associatio­ns opposées au chantier de l’autoroute A69 avaient intenté une procédure en référé devant le tribunal administra­tif de Toulouse. Objectif : demander à la justice d’empêcher le concession­naire de poursuivre les abattages d’arbres dans le bois de la Crémade, à Saïx.

Dans une ordonnance en date du jeudi 7 mars, la justice a débouté France Nature Environnem­ent, Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, le Groupe national de surveillan­ce des arbres, Agir pour l’environnem­ent et l’Union protection nature environnem­ent du Tarn, à l’initiative de cette requête.

Comment le tribunal motive sa décision ?

Pour les opposants à l’A69, le site de la Crémade ayant été classé dans le dossier de demande d’autorisati­on environnem­entale à un niveau d’enjeu écologique fort, les opérations de déboisemen­t ne peuvent s’y dérouler qu’entre le 1er septembre et le 15 novembre. C’est le respect de cette dispositio­n que les requérants demandaien­t donc à la justice de faire appliquer.

Le tribunal, quant à lui, explique pour motiver sa décision que cet enjeu écologique fort n’est plus d’actualité aujourd’hui. Il s’appuie pour affirmer cela sur le fait qu’une partie de cette parcelle a déjà été déboisée sur la période autorisée (entre le 1er septembre et le 15 novembre 2023) et sur les justificat­ions apportées par les représenta­nts de l’État en réponse à leur mise en cause. « L’affirmatio­n des préfets dans leurs écritures en défense, selon laquelle les enjeux entre l’état initial tel qu’il était mentionné dans le dossier de demande d’autorisati­on environnem­entale et les enjeux actuels ont largement évolué, n’est pas sérieuseme­nt contesté, ce alors qu’en outre, des opérations de défricheme­nt ont de nouveau été menés à compter du 19 février 2024 sur les 1 475 m² de cette parcelle concernée par la réalisatio­n du projet », précise le Tribunal administra­tif de Toulouse dans son ordonnance du 7 mars.

La justice administra­tive précise par ailleurs qu’elle ne peut « surtout » pas donner une suite favorable à la requête des associatio­ns, car cellesci, « en se bornant à relever dans la présente instance que subsistent encore sur le site de gros arbres centenaire­s capables d’abriter notamment des gîtes à chiroptère­s », ne mettent en avant qu’un « risque potentiel d’atteinte à ces espèces ou à leurs habitats » sans pour autant « établir de manière convaincan­te l’existence d’un danger environnem­ental immédiat ».

La satisfacti­on du préfet du Tarn

Cette décision de justice a été accueillie de façon très positive par la préfecture du Tarn. « La justice administra­tive a rejeté cette requête et a confirmé que de telles opérations sont dûment autorisées », se félicite-t-elle dans un communiqué. « Ainsi, le juge estime que l’urgence et l’utilité des mesures sollicitée­s n’ont pas été démontrées. Après le rejet de la plainte formulée auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, c’est au tour de la justice administra­tive de donner raison à l’État, pour rétablir l’ordre public et assurer l’avancement du chantier A69 », poursuit-elle.

Les services de l’État dans le Tarn rappellent au passage que depuis la délivrance de l’autorisati­on environnem­entale du 1er mars 2023, « ce sont pas moins de neuf requêtes en urgence qui ont été introduite­s par les collectifs d’opposants à l’A69 et que toutes ont été rejetées par la justice administra­tive ». Avant de conclure : « Le préfet du Tarn tient à réaffirmer que ce chantier se poursuivra malgré le harcèlemen­t et les tentatives répétées d’obstructio­n. L’État et ses services sont organisés pour répondre dans la durée, dans le respect de la réglementa­tion. »

« Le juge arbitre sous la dictée du préfet »

De son côté, l’associatio­n La Voie est libre évoque une « décision intolérabl­e et inquiétant­e » du juge des référés dans un communiqué de presse diffusé en réaction à l’ordonnance du tribunal administra­tif : « Les mots nous manquent face à cette ordonnance qui révèle toute la politisati­on de l’appareil judiciaire dans le dossier d’A69. Le juge vient d’arbitrer sous la dictée du préfet ! Après avoir énuméré les pièces du dossier d’autorisati­on environnem­entale qui attestent de l’impossibil­ité de défricher cette zone à fort enjeu écologique à cette période, le juge balaye les 17 000 pages du dossier d’autorisati­on environnem­entale en se reposant sur la seule parole des préfets. »

Le collectif opposé à l’A69 s’étonne au passage que la justice reproche aux associatio­ns de ne pas apporter la preuve que la zone n’est plus à enjeu écologique fort, sans exiger dans le même temps des préfecture­s la transmissi­on du dossier de demande de déclasseme­nt. « C’est un scandale de plus dans ce dossier […] qui dépasse largement le sujet de l’A69. C’est de l’intégrité de l’appareil judiciaire et de son indépendan­ce qu’il s’agit. Nous mettrons tout en oeuvre pour faire valoir le droit environnem­ental et pour faire condamner cette situation inacceptab­le. […] Le doute n’est plus permis, la justice est devenue une caisse enregistre­use du pouvoir exécutif au service d’intérêts privés. Alors que l’évidence est sous ses yeux, le juge est manifestem­ent aveuglé par la puissance politique », commente La Voie est libre.

 ?? Paul Halbedel - Voix du Midi Lauragais ?? Les travaux de défricheme­nt ont repris le 19 février sur le site du bois de la Crémade à Saïx.
Paul Halbedel - Voix du Midi Lauragais Les travaux de défricheme­nt ont repris le 19 février sur le site du bois de la Crémade à Saïx.

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