Voix du Midi (Lauragais)

Emplois remaniés, départs favorisés : mais que se passe-t-il à Thales Alenia Space ?

- • Maréva Laville

À Toulouse et Cannes, les sites de Thales dédiés au spatial, 1

000 postes sont sur la touche. Ils seront redéfinis en interne ou non remplacés. Explicatio­ns.

Qui pourrait croire, alors que l’aérospatia­l recrutait à tours de bras ces derniers mois, qu’il y ait trop de personnes pour peu de travail ? Thales Alenia Space a annoncé le redéploiem­ent de 1300 postes en Europe, dont 1 000 entre Toulouse et Cannes. « Cela fait plusieurs années qu’on vit plusieurs coups durs. Mais l’annonce du 5 mars 2024 a été un véritable choc. On ne s’attendait pas à un tel volume », rapporte Yves Cognieux, délégué syndical central à la CFDT de Thales Alenia Space à Toulouse.

1 000 postes redéployés

L’an passé, malgré ses bons résultats, l’entreprise chiffrait le nombre de postes impactés à environ 500 à l’horizon 2025. « On nous avait déjà informés de la suppressio­n de 317 postes sur la base du volontaria­t en fin d’année dernière », confirme Thomas Meynadier, délégué syndical toulousain à la CGT. C’est donc, aujourd’hui, deux fois plus. Des 4 800 employés français du groupe, 1 000 d’entre eux vont voir leur poste évoluer sur les sites toulousain­s et cannois, concernés par le spatial, au cours des deux prochaines années. Si le nombre d’ingénieurs, technicien­s et ouvriers toulousain­s impactés n’est pas encore connu avec précision, on sait déjà « qu’environ 250 départs à la retraite seront favorisés et ne seront pas remplacés », annonce le syndicalis­te Yves Cognieux. Qu’en sera-t-il des 2 450 autres ? Où iront-ils ?

Mobilité interne

Le plan social est encore en cours de négociatio­n. Mais la direction est claire sur les perspectiv­es. « Tous garderont leur contrat chez Thales Alenia Space, mais ils travailler­ont pour les autres domaines du groupe, tels que l’aéronautiq­ue, la défense, le naval. Aucun départ contraint ne découlera de ce plan », expliquent-ils.

Aucun changement d’adresse non plus. Deux structures seront mises en place : une ingénierie et un centre de compétence­s industriel permettant des mobilités en interne, tout en travaillan­t à distance depuis Toulouse. Les ingénieurs et technicien­s qui concevaien­t autrefois des satellites envoyés dans l’espace pour des opérateurs de télécom changeront donc de clients et surtout, de secteur. Une optique difficile à entrevoir, selon la CGT, « pour des technicien­s et ingénieurs qui ont mis plusieurs années à rentrer chez Thales Alenia Space ». Et pourtant. Leur expertise devra bel et bien s’appliquer à d’autres projets plus terre-àterre, si l’on en croit la communicat­ion faite par le groupe. En cause ? Une baisse d’activité sur le marché des satellites à destinatio­n des télécommun­ications, en chute depuis au moins trois ans. « On avait un marché de 20 satellites par an ouvert à la concurrenc­e. Aujourd’hui, on en a dix de moins », assure Thales.

Or, selon la direction, les télécommun­ications représente­nt un tiers des revenus du groupe, grâce à la fabricatio­n de ces engins « géostation­naires », dits classiques. Mais ceux-là ne sont plus d’actualité. Désormais, Thales se tourne vers les nouvelles génération­s de satellites dits flexibles, pouvant bouger et donc élargir leurs missions qui autrefois étaient monotâches. Et selon le groupe, ceux-là demandent beaucoup moins de travail.

Un argument contesté par la CGT. « Certes, il y a moins de travail sur les nouveaux satellites, mais ils ne représente­nt qu’une part du marché. » En interne, les salariés passionnés se battent pour fabriquer les modèles en vogue : les constellat­ions.

Ces ensembles de satellites non fixés dans le ciel et circulant sur une orbite basse, sont en pleine croissance depuis l’arrivée d’Elon Musk et ses mégaconste­llations Starlink qui relient directemen­t le consommate­ur à son fournisseu­r internet en orbite. Un fulgurant concurrent. « Mais historique­ment, Thales est un leader des constellat­ions. On a fait l’Iridium pour les ÉtatsUnis dans les années 90 », rappelle le délégué syndical CGT, Thomas Meynadier. Gagner des contrats en ce sens, en visant aussi les startups du newspace, apporterai­t un gros pic de travail.

D’autant que Thales Alenia Space a les capacités de se démarquer, estime son collègue de la CFDT, Yves Cognieux. « On peut proposer de la qualité. Ce qu’on faisait en géostation­naire pouvait durer entre 15 et 20 ans alors que chez Starlink, le niveau requis n’est pas extrême puisqu’il est en très basse altitude. »

En clair, Thales Alenia Space peut aller plus haut. Et ses salariés croient encore en un avenir radieux. Les syndicats comptent bien le faire entendre. Des expertises ont été lancées ainsi qu’une enquête auprès des salariés pour vérifier qu’ils n’y aient pas de pressions managérial­es.

Députés, élus de la métropole de Toulouse, et de la Ville rose seront rencontrés en fin de semaine par les syndicats.

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Archives CGT Thalès Alenia Space Les syndicats de Thalès Alenia Space se mobilisent depuis l’annonce de leur entreprise, début mars 2024. Voici ce qu’il se passe à Toulouse.

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