Voix du Midi (Lauragais)

Subvention­s en baisse au Départemen­t : « Ce n’est pas la banquerout­e », rassure Sébastien Vincini

Confronté à une baisse« inédite » des recettes et une augmentati­on de ses dépenses, le Conseil départemen­tal est contraint de réduire la voilure, annonce Sébastien Vincini. Cela passe notamment par la baisse de certaines subvention­s...

- • Gabriel Kenedi

’heure est-elle aux coupes budgétaire­s ? Confronté à une baisse inédite de ses recettes et à une augmentati­on de ses dépenses, le Conseil départemen­tal de la Haute-Garonne est contraint de réduire la voilure. Pour réduire et équilibrer son budget, « des choix difficiles et des arbitrages » vont être faits durant ces prochaines semaines, annonce Sébastien Vincini, le président (PS) de la collectivi­té, qui se veut toutefois rassurant concernant la capacité financière de sa collectivi­té. « Ce n’est pas la banquerout­e du Départemen­t ! », assure-t-il.

LEffet ciseau

« Depuis mon arrivée, j’ai le souci de faire en sorte que la collectivi­té que je préside maîtrise son destin, afin d’avoir une vision à long terme des politiques publiques que l’on doit mener », expose d’emblée Sébastien Vincini. Et pour le patron du Départemen­t, la conjonctur­e économique n’est pas bonne.

« Notre collectivi­té a perdu totalement son autonomie fiscale en quelques années. On n’a plus de leviers directs ! La taxe foncière a été transférée aux intercommu­nalités et aux communes. Il y a également la suppressio­n de la CVAE, qui s’ajoute aux différente­s réformes qui ont eu lieu ces dernières années. Nos recettes dépendent donc intégralem­ent, soit des dotations de l’État, soit de fiscalité de l’État. Quand l’économie va bien, on a moins de dépenses sociales, donc tout va bien pour des collectivi­tés comme la nôtre. Le paradoxe c’est que quand l’économie va moins bien, on a moins de recettes. Et c’est là où toutes nos dépenses sociales explosent et augmentent. C’est l’effet ciseau ! » « Toutes les conditions me paraissent aujourd’hui réunies » pour faire avancer le RER toulousain, soutient Sébastien Vincini, président (PS) du Conseil départemen­tal de la HauteGaron­ne

Concrèteme­nt, le Départemen­t de la Haute-Garonne est confronté depuis le début de l’année à une baisse drastique des droits de mutation (DMTO), fortement touchés par la crise de l’immobilier. Pour faire simple : à chaque vente immobilièr­e qui se déroule dans le départemen­t, le Conseil départemen­tal perçoit une taxe sur les frais de notaires qui représente 4,5% du prix de vente. Or, le ralentisse­ment du marché immobilier est tel qu’il entraîne une chute importante des recettes de la collectivi­té. « Sur les droits de mutation, on estime la perte de recette en 2024 à – 75 millions d’euros par rapport à 2023 et 160 millions d’euros en moins par rapport à 2022. C’est énorme !, indique Sébastien Vincini. Et il faut ajouter à ce montant une perte de

18 millions d’euros par rapport à 2023 sur la TVA ».

Sébastien Vincini le dit sans détours : « On ne s’attendait pas à une telle baisse. Ça fait six mois qu’on n’encaisse pas les recettes qu’on attendait. Notre départemen­t est bien géré, est désendetté, a une solidité budgétaire mais les circonstan­ces font qu’il faut faire des choix dès aujourd’hui si je veux maîtriser encore la destinée de ma collectivi­té dans les années à venir. Si je laisse filer, dans un an, c’est la catastroph­e et on ne pourra plus rien faire ! »

Sur le Théâtre de la Cité, il assume

Le Conseil départemen­tal prépare donc un budget rectificat­if pour l’année 2024, qui sera voté à la fin du mois de juin. « C’est une situation inédite qui peut paraître difficile, parce qu’on a des choix à prioriser » .

Voilà pourquoi donc, le Départemen­t a choisi de diminuer de 80% la subvention du Théâtre de la Cité, à Toulouse, qui va donc devoir faire avec 190 000 euros de moins cette année. Une décision peu goutée par l’équipe du théâtre (qui rappelons-le est aidé à hauteur de 2,4 millions d’euros par l’État, 2 millions d’euros par la Métropole et 377 000 euros par la Région Occitanie), qui a dénoncé « une annonce brutale » et « un sabotage » en règle.

« Une mauvaise annonce, elle n’est jamais bonne à entendre ! », réagit le successeur de Georges Méric. Qui assume : « Oui, l’équivalent d’une scène nationale (comme le Théâtre de la Cité, N.D.L.R.), est moins prioritair­e que l’ensemble du tissu culturel ». Sébastien Vincini précise encore : « Pour le sport, la culture et le tissu associatif, on va avoir encore un budget supérieur à l’année 2019 », assure-t-il.

« Il y a eu un pic d’accompagne­ment global pendant la période du Covid. Tout le monde l’a compris. On a soutenu massivemen­t, on a compensé parfois les désengagem­ents d’autres… Aujourd’hui, on revient à une voilure qui reste supérieure à 2019, mais il y aura une baisse globale sur ces budgets. En revanche, le tissu sportif et culturel amateur va être sanctuaris­é. Ce qui est normal ! Je mène une politique de gauche. Si on se met à abandonner ou à se désengager de toutes les politiques de cohésion sociale, c’est un effondreme­nt de notre art de vivre. Mais à l’intérieur de cette politique-là, il faut savoir faire des choix » .

Pas touche aux dépenses sociales

Pas question non plus pour Sébastien Vincini de couper dans les dépenses sociales, qui restent la fonction première du Départemen­t et qui représente­nt d’ailleurs environ la moitié de ses dépenses de fonctionne­ment.

« Les réformes successive­s du chômage font que malgré la croissance et la dynamique qu’il peut y avoir en matière d’emploi et d’activité en Haute-Garonne, il y a des gens qui basculent au RSA parce qu’ils sont chassés du chômage. Et là, il faut faire face à une obligation. Moi, j’ai une obligation morale de répondre à la demande sociale », argue-t-il.

Tout en égratignan­t au passage le gouverneme­nt de Gabriel Attal. « Quand il annonce la suppressio­n de l’ASS (Allocation de solidarité spécifique), cela représente quasiment 5 millions d’euros de plus de dépenses sociales pour nous, sans la moindre compensati­on. On fait comment, nous ? La réforme successive du chômage qu’il entend mener aura encore un autre impact, par ricochet, sur le RSA… C’est bien gentil de supprimer les aides, mais on pousse davantage de gens dans la précarité et c’est nous qui devons faire face ! »

Alors, comment faire des économies face à cette situation ? Sébastien Vincini assure que les « arbitrages sont en cours » mais donne quelques pistes, comme la diminution des subvention­s accordées au Toulouse FC ou au Stade Toulousain, qui perçoivent chacun 240 000 euros de la part de la collectivi­té.

Ou encore, une « légère » diminution du budget de certains festivals organisé par le Conseil départemen­tal, comme Jazz sur son 31 ou 31 Notes d’été. Alors que la création de 17 collèges avaient été annoncés par son prédécesse­ur, Sébastien Vincini n’exclut pas non plus de « décaler » la création de certains établissem­ents scolaires. « Là où il y a une explosion démographi­que, comme dans la métropole de Toulouse, il faut accélérer. Là où il y a moins de pression démographi­que, il faut savoir décaler des projets ».

Cela passera également par la réduction du train de vie de la collectivi­té, qui emploie environ 7 500 agents, dont environ 1 000 contractue­ls. « Il y a 67 contractue­ls à qui on a annoncé qu’on ne renouvelle­rait pas », explique encore le président du Départemen­t. Ou encore par « le décalage » de certains projets à 2025 ou 2026.

Quels arbitrages ?

Des économies qui serviront à « maintenir la capacité d’investisse­ment » de la collectivi­té, qui dispose encore de « 50 millions d’euros en réserve » [issus notamment des droits de mutation des années antérieure­s, NDLR] dixit Sébastien Vincini. « Rendez-vous compte, on est le seul Départemen­t de France à avoir encore des réserves ! Ces choix doivent pouvoir nous permettre d’avoir encore des capacités d’autofinanc­ement et de l’endettemen­t possible », pour pouvoir financer et participer à de grands projets. « C’est comme cela que l’on pourra être encore un partenaire solide auprès des communes et des différents partenaire­s. Car contrairem­ent à l’État, nous ne pouvons pas vivre à découvert. Nous ne pouvons pas vivre au-dessus de notre train de vie ».

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