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Nous oublions l’histoire et la géographie

Jadis, les inondation­s faisaient partie du quotidien, elles étaient même une arme stratégiqu­e.

- Par Louis Bodin

Le dérèglemen­t climatique entraîne un bouleverse­ment des phénomènes naturels.

En préparant la matinale de RTL, délocalisé­e à SaintOmer dans la Somme, je me suis aperçu que, jusqu’à la fin de XIXe siècle, les inondation­s étaient intégrées à la vie courante de millions de Français. Toutes les régions plates – les Flandres, la Somme, les Charentes, le Poitou, la Vendée et bien d’autres – étaient régulièrem­ent inondées, en moyenne tous les trois ans. Il n’y avait aucun système de régulation des cours d’eau et les crues faisaient partie de la vie. Le paysan savait qu’il pouvait perdre ses récoltes et ce risque était totalement intégré. Jusqu’au début du XXe siècle, les inondation­s pouvaient même être utilisées comme arme de guerre. On trouve de très nombreux récits qui détaillent comment, en ouvrant des vannes ou des écluses, l’état-major paralyse les armées ennemies : les fantassins et leurs charrettes tractées par des chevaux ne peuvent plus progresser. Tout change avec la Grande Guerre et l’utilisatio­n massive de l’artillerie : il n’est plus besoin d’inonder un champ de bataille puisque désormais les canons portent plus loin. Et toutes ces zones naturellem­ent marécageus­es ou inondables sont alors petit à petit conquises par l’homme qui y installe des maraîchage­s avant d’urbaniser à outrance. Alors aujourd’hui, dès qu’une rivière sort de son lit, dès qu’une nappe phréatique déborde – et je conçois évidemment tous les inconvénie­nts que cela entraîne –, tout le monde s’emporte contre un phénomène pourtant millénaire et naturel. Nous avons oublié que nous avons gagné toutes ces terres sur la nature. Et lorsque la déclivité des terrains est très faible, comme dans la région de Saint-Omer ou de Saintes en Charente-Maritime, la décrue prend du temps. C’est mécanique. Par nécessité de rendements sans cesse plus importants, par volonté de vouloir dompter la nature, nous avons oublié notre histoire et notre géographie. Le dérèglemen­t climatique entraîne un bouleverse­ment du cycle et de l’intensité des phénomènes naturels. Il va nous falloir une démarche intelligen­te pour, demain, affronter ces défis. Autrefois, le garde champêtre entretenai­t les rus, les fossés, les canalisati­ons et les systèmes d’irrigation. Surtout, les anciens avaient intégré les crues comme des épisodes réguliers de leur vie quotidienn­e.

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 ?? ?? Ingénieur, prévisionn­iste et météorolog­ue, Louis Bodin, passionné de voile et d’aviation, officie sur RTL depuis 2002 et sur TF1 depuis 2010.
Ingénieur, prévisionn­iste et météorolog­ue, Louis Bodin, passionné de voile et d’aviation, officie sur RTL depuis 2002 et sur TF1 depuis 2010.

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