VTT Magazine

Découverte

- ■ Par Damien Rosso et EL - Photos : Droz Photos

Les charmes de la Bretagne

Il y a des endroits comme ça, que l’on voit peu mais qui donnent beaucoup. Le sentiment d’évasion, le goût du large, un air de bout du monde. Entre monts, îles et côtes, il est une terre où finit la France : le Finistère. De l’île Callot au menez Saint-Michel-de-Brasparts, la Bretagne s’y conte sans compter.

Il y a la Bretagne de la mer, celle de Quiberon, de Concarneau, de Brest ou Saint-malo. ET la Bretagne des terres, celle de Rennes, Quimper, Carhaix… Et il y a un pays dans le pays. Celui des monts d’arrée, que les adeptes du Roc’h du même nom connaissen­t bien. Dans ses tourbières se cachent fées et korrigans. Sur ses menez, ses monts qu’on appelle ici des montagnes parce qu’elles arrachent leur dénivelé modeste à la mer, poussent les chapelles et les églises de granit du pays d’armorique. Entre terre et mer, la baie de Morlaix fait le lien. Tout comme la route submersibl­e de l’île Callot, au nord de la station balnéaire de Carantec. « Ar Vale », le banc de sable qui sépare l’île de l’hexagone, se découvre à toutes les marées basses. On peut alors l’emprunter pour poser le pied ou les roues sur ce petit coin de paradis qui n’abrite plus aujourd’hui que neuf familles, mais fut jadis peuplé de pêcheurs et de Callotins vivant en autarcie autour de leur chapelle du VIE siècle à la verticalit­é étonnante, du haut de ses 38 m d’altitude, sur le point culminant du petit ensemble granitique. Ce sont justement les petites criques, les dunes, les ajoncs et les pâturages de l’île que Stéphane, de l’équipe du magasin Giant de Morlaix, a mis au programme de notre aventure d’un jour en sa compagnie. De Callot au mont Saint-michel-de-brasparts, de la mer aux tourbières, du niveau 0 à 381 m d’altitude.

La passe aux Moutons

Le départ de l’île est magnifique. Ce matin, dans la baie de Morlaix, à l’entrée sud de la Manche, la mer est à marée basse. L’échancrure surmontée par son emblématiq­ue château du Taureau, construit au XVIE pour protéger Morlaix sur l’île du même nom, dévoile ses parcs à huîtres à perte de vue. Les eaux retirées permettent de libérer le passage vers Callot, accessible par la terre seulement quelques heures par jour. Tout comme la passe aux Moutons, l’autre voie d’accès (un banc de sable naturel qui prolonge l’île des Rulands et dont le nom rappelle que Callot fut un terrain communal de pâture), la route qui mène à la seule île encore peuplée de la baie est maculée de sable. Étrange d’imaginer qu’à marée haute, l’eau la recouvre. Un petit sourire en coin, Stéphane précise que, très souvent, les touristes ne lisent pas les panneaux et se retrouvent coincés dans leur voiture, de l’eau jusqu’à mi-portière. Pour qui n’a pas l’habitude de vivre avec, les marées sont un phénomène intrigant, exotique. Mais pour les habitants du Finistère, c’est une vraie boussole. À peine plus à l’est sur la côte, à Saint-malo, la digue connaît

La lande du parc d’armorique nourrit l’imaginaire aussi bien que les appétits du vététiste !

parmi les plus fortes marées d’europe. Jusqu’à treize mètres de marnage, la différence de hauteur entre marée haute et marée basse. Aussi, avec l’intelligen­ce de l’homme composant avec les éléments, les Bretons organisent leur existence au gré des mouvements des flots liés à l’action gravitatio­nnelle de la Lune et du Soleil. Un peu comme les montagnard­s le font avec la montagne en hiver. C’est sans doute à la faveur d’une marée basse que les marins danois envahirent Callot au Ve siècle, pour y abriter le butin de leurs pillages courants sur le continent. Jusqu’à la révolte d’un chef breton, Riwal, qui promit l’édificatio­n d’un sanctuaire en cas de victoire sur les envahisseu­rs. Ainsi naquit la chapelle Notre-dame-de-callot, futur lieu de pèlerinage, sur le point culminant, à 38 mètres au-dessus de la mer. Et l’île fut alors baptisée Enez-itronVaria-ar-galloud (île de Notre-dame de la Toute-puissance). « Galloud » devint « Callot », la boucle était bouclée. Le tour de l’île, avec ses 2,2 km de long et sa largeur s’étirant de 15 à 300 mètres, sera, lui, vite effectué. D’autant que l’extrémité nord est interdite aux VTT, car c’est un espace naturel protégé.

Trégor et Léon

Laissant la mer pour la terre, nous mettons donc cap au sud pour

regagner Morlaix. On dit que l’hôpital, la manufactur­e des tabacs, une partie du viaduc et quantité d’autres édifices de la ville qui domine la baie furent construits avec le granit exploité sur Callot. Délimitant les pays du Trégor et du Léon par le Dosenn, sa rivière capricieus­e, aussi appelée « rivière de Morlaix », la Cité-viaduc abonde en maisons à pans joyeusemen­t colorées. Avec Régis, Matthieu, Maxime et Stéphane, l’objectif du jour vise à arriver pour le coucher de soleil au sommet du mont Saint-michel-deBraspart­s, dans les monts d’arrée. A priori, la vue à 360° y laisse apprécier des lumières magnifique­s. Malgré tout, avant de nous enfoncer dans les terres, nous décidons de faire une petite pause casse-croûte en face du phare de Louët, une autre des nombreuses îles de la baie aux noms poétiques : île Stérec et ses pins, île Noire à la tour de garde massive et carrée, île de Sable, île aux Dames, île Ricard (!), île Verte, l’enfer et le Paradis… Sur Louët, le phare, absolument magnifique, peut être loué pour une ou deux nuits. L’occasion de passer un moment hors du temps. Nous empruntons un joli chemin assez roulant, rendu quelque peu gras par les pluies intenses qui ont lavé l’ouest breton la semaine précédente. Au bout de quelques kilomètres, sur les hauteurs, se dévoile un phare. Le phare de la Lande. Une maison-phare, édifiée sur la commune de Carantec, sur les reliefs du fond de la rade de Morlaix. Automatisé en 1993,

Le Nord-finistère a beaucoup à offrir pour les amoureux de grands espaces et de terroir.

il n’a plus de gardien, et ne se visite plus. Stéphane, dont les parents habitent à quelques dizaines de mètres de là, se souvient que quand il était petit, il venait souvent mettre en route cette imperturba­ble vigie des mers.

Laissant là les souvenirs, nous repartons dans un paysage rural où le vert domine, avant d’entrer dans un magnifique bois qui retombe sur une petite route menant au port de Morlaix. Nous traversons l’écluse de la CitéViaduc, puis remontons dans le village pour traverser le fameux ouvrage d’art ferroviair­e. Après une trêve citadine, pas de possibilit­é de boire un café car tout est fermé, merci M. Covid ! Malgré tout, Régis propose d’aller boire un coup dans son magasin, un peu plus loin, dans la zone commercial­e : Giant Morlaix. Vu le froid de ce début d’hiver, nous acceptons sans problème. La boisson a réchauffé les corps ce qu’il fallait pour repartir dans les sentiers bretons avec enthousias­me. Tantôt roulant sur de larges chemins, tantôt sur du single, la vigilance est de mise : aujourd’hui, « c’est boue » et ça glisse ! Mais c’est vraiment agréable. Au fil des kilomètres, la végétation change. Les grands champs cultivés s’étirent, mais en une minute, nous rentrons dans une forêt d’arbres caducs où plonge une descente rigolote. Une vraie patinoire aux airs de canyon bordé de mousse vert pétant ! Sur nos Anthem et XTC, le terrain est parfait pour rouler vite et se hisser de nouveau sur les hauteurs. Des ruines se dressent au milieu de nulle part, celles du château de Penhoat, à Saint-thégonnec, construit entre le XIIIE et le XVE siècles pour contrôler et

L’objectif est clair : arriver au sommet du mont Saint-Michel-de-Brasparts pour le coucher de soleil !

sécuriser la route entre Morlaix et Lesneven. Les puissants seigneurs du Penhoët ont depuis longtemps laissé la place à des familles se promenant pour apprécier l’âme particuliè­re du lieu. Nous en faisons le tour et continuons notre balade. Notre objectif “coucher de soleil à la chapelle Saint-michel” tient toujours, nous sommes à mi-parcours. Une petite trentaine de kilomètres nous attend encore. Et pour atteindre notre but, « mont » Saint-michel oblige, il va falloir monter un peu.

Clap de Fin…istère !

Sur les traces du Roc’h des monts d’arrée, les sentiers se mettent à tourner fort ! Ça vire en forêt et ça envoie de flaque en flaque ! Mais un soleil généreux nous réchauffe le visage. Malgré tout, plus nous nous approchons de notre but, plus il commence à faire froid. Sur les hauteurs des terres, le vent se lève. Battue par Éole, la végétation se rabougrit. Les fougères ont viré à l’orangé terreux, et le sol est détrempé. Nous levons les yeux, la chapelle est en ligne de mire ; du haut de ses 381 m d’altitude, sur la commune de SaintRivoa­l, elle se dresse au-dessus des tourbières roussies par la saison. Coup d’oeil à la montre aussi, le timing devrait être pas mal ! Plus qu’à gravir celle que l’on appelle « la montagne Saint-Michel », pour la distinguer du mont du même nom, monument historique souvent revendiqué comme breton (sauf par les Normands, évidemment !). Le ciel commence à se teinter de jaune et d’orange… le rêve ! Mais le vent s’est renforcé, rendant le froid encore plus mordant pour cette dernière demi-heure d’ascension. L’arrivée au sommet est magique, construite sur le site druidique de la motte Cronon, la chapelle du XVIIE siècle surplombe tout le pays

En 60 kilomètres, la Bretagne révèle sa richesse et sa beauté, que ni le froid ni le vent n’auront réussi à ternir.

d’armorique, au coeur du parc naturel. En contrebas, s’étire le Yeun Elez, mélange de marais et tourbière sertissant le lac de Brennilis, créé en entre 1929 et 1936 pour réguler le cours de l’ellez et alimenter un barrage hydroélect­rique, avant d’être utilisé pour refroidir la triste centrale nucléaire des monts d’arrée, verrue paysagère et écologique en cours de démantèlem­ent depuis… 1985. Mais elle ne saurait gâter la magie des lieux, terres de contes et légendes peuplées de korrigans, de l’ankou ou encore de la Dame-blanche, qui hantent le Youdig, la porte des Enfers, autant que les textes de l’écrivain folklorist­e Anatole Le Braz. De la vie des corsaires et des marins à celle des druides, des côtes aux tourbières, le nord du Finistère nous a livré une partition magistrale de diversité en une soixantain­e de kilomètres. Un vrai chant des sirènes.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Des côtes aux landes bretonnes, la baie de Morlaix fait ce lien entre terre et mer sans oublier l’histoire d’une ville ravagée par la Révolution, mais dotée depuis le XIXE siècle d’un viaduc emblématiq­ue.
Des côtes aux landes bretonnes, la baie de Morlaix fait ce lien entre terre et mer sans oublier l’histoire d’une ville ravagée par la Révolution, mais dotée depuis le XIXE siècle d’un viaduc emblématiq­ue.
 ??  ?? À marée basse, le banc de sable qui relie l’île Callot au continent se découvre. Derrière, on aperçoit la chapelle Notre-dame-de-callot, haut lieu de pèlerinage.
À marée basse, le banc de sable qui relie l’île Callot au continent se découvre. Derrière, on aperçoit la chapelle Notre-dame-de-callot, haut lieu de pèlerinage.
 ??  ?? Sur son piton rocheux, à l’entrée de la baie de Morlaix, le phare de l’île Louët peut se louer à la nuitée, pour vivre une expérience hors du temps.
Sur son piton rocheux, à l’entrée de la baie de Morlaix, le phare de l’île Louët peut se louer à la nuitée, pour vivre une expérience hors du temps.
 ??  ?? L’histoire se grave aussi dans les pierres du pays armoricain. Dans les brumes, les ruines de Penhoat dégagent une de ces ambiances mystérieus­es qui font le charme de la Bretagne.
L’histoire se grave aussi dans les pierres du pays armoricain. Dans les brumes, les ruines de Penhoat dégagent une de ces ambiances mystérieus­es qui font le charme de la Bretagne.
 ??  ?? Les tourbières des monts d’arrée battues par les vents se colorent sous les derniers rayons du soleil.
Les tourbières des monts d’arrée battues par les vents se colorent sous les derniers rayons du soleil.
 ??  ??
 ??  ?? Le froid est vif, mais le résultat est à la hauteur. Le coucher de soleil embrase la lande à perte de vue, accrochant au passage le lac de Brennilis.
Le froid est vif, mais le résultat est à la hauteur. Le coucher de soleil embrase la lande à perte de vue, accrochant au passage le lac de Brennilis.

Newspapers in French

Newspapers from France