Découverte
Les Iles Marquises en VTT
Énorme brassée d’ailleurs ce mois-ci, avec cette plongée dans l’un des archipels les plus préservés du monde ! Doucement, les Marquises s’ouvrent au VTT, et nous vous embarquons dans cette formidable évasion.
Fuena Enata », et tout est dit. En marquisien, le nom de l’archipel signifie « Terre des hommes ». Pas pour rien que cet ensemble de douze îles, dont la moitié seulement est habitée, au nord de l’océan Pacifique Sud, aux confins de la Polynésie française, a inspiré les écrivains Robert Louis Stevenson et Paul Melville, le peintre Paul Gauguin ou le chanteur Jacques Brel… Dans la nature luxuriante déployée sur des contreforts volcaniques parfois vertigineux ou au creux de vallées fertiles choyées par les alizés, les fruits, noix de coco, pamplemousses, avocats, les fleurs et les légumes abondent, faisant du groupe d’atolls le verger de la grande voisine Tahiti, à 1 400 km et quatre heures d’avion de là. Une source d’eau douce sort du lagon et on peut même y boire à marée basse. Les animaux, chevaux, chèvres, vaches, cochons… y vivent en liberté. On les croise souvent allongés sur les pistes carrossables ou dans les sentiers. Oui, il y a comme un goût de paradis originel aux Marquises. C’est peut-être pour ça que Mehdi et sa bande de copains ont eu envie de mettre le cap dessus, à la façon d’alavaro de Mendana, explorateur espagnol, premier Européen à avoir découvert ce coin d’eden en 1595, et à l’origine de son nom, donné en l’honneur de l’épouse du protecteur du navigateur, le vice-roi du Pérou, également marquis de Canete.
Sentiers omniprésents
« C’est un endroit méconnu de la Polynésie, parce qu’il souffre un peu de son grand éloignement, explique Mehdi, à la tête de la florissante entreprise ebike Polynesia, qui développe le VTT et le VTT électrique à Tahiti. Et pourtant, la destination mérite d’être un peu plus vue ! Elle est extrêmement riche de diversité et de paysages ! En fait, l’archipel fait vraiment penser à la Nouvelle-zélande. Tu passes du tropical équatorial au désertique, des prairies et des alpages à la jungle. Dans une journée, tu vas croiser trois à quatre paysages et climats très différents, mais extrêmement préservés. » Si un certain isolement favorise la conservation de la richesse écologique, les Marquises aimeraient toutefois s’ouvrir davantage au tourisme. Et le VTT pourrait en être un axe. C’est en tout cas le souhait de Mehdi, qui s’y verrait bien ouvrir une deuxième antenne d’ebike Polynesia : « C’est pour ça qu’on est venu en quelque sorte en repérage durant dix jours, afin de quadriller tous les sentiers de l’île. » Hébergé sur l’île de Nuku Hiva, la plus grande de l’archipel marquisien, avec ses 330 km² et ses près de trois mille âmes, chez l’habitant – chez Judith et Martin, plus précisément –, le petit groupe a rayonné en étoile depuis son
Tikis, tatouages, danses, Jacques Brel, Gauguin… et VTT, « le temps s’immobilise, aux Marquises ».
camp de base paradisiaque. Les singles ne sont pas rares, et pour cause ! « Les Marquisiens se déplacent énormément à cheval, précise Mehdi, lui-même cavalier émérite. L’aéroport “Terre déserte”, qui porte bien son nom, a été implanté d’un côté de l’île de Nuku Hiva, sur la pointe nord-ouest, et la ville principale, Taiohae, se situe à l’opposé. Entre les deux, tu as une heure et demie de trajet souvent spectaculaire et impressionnant, parce que les Marquises sont d’origine volcanique, donc les routes ont été construites uniquement où c’était indispensable. Tout le reste se fait à pied, à cheval… ou à vélo ! » Enfin, les pneus de vélo ne sont pas encore légion ! Mais grâce aux chasseurs, les chemins sont entretenus par les passages réguliers, y compris ceux des déplacements quotidiens entre les petits villages aux airs de carte postale. Au tout petit matin, l’équipe d’explorateurs part à la découverte des visages multiples de Nuku Hiva. Vestige émergé de volcans éteints depuis deux millions d’années, l’île a gardé les traces de cette activité géologique. Le long de sentiers découpés sur des pics de basalte parfois hauts de plusieurs centaines de mètres, la vue plonge en contrebas dans la baie. À bien y regarder, on y voit les ballets des raies en chasse. L’endroit, pas protégé par une barrière de corail, est aussi un paradis reconnu pour les orques et les requins-marteaux. En suivant la ligne de crête, l’oeil se pose sur le mont Tekao, à 1 224 m, le point culminant de Nuku Hiva, aussi appelée île Marchand.
« Tout est facile »
Pour ne pas se perdre dans le dédale de sentiers interminables aux airs de Foux-d’allos, Mehdi a demandé l’aide d’un guide chasseur local. « À côté de lui, Mike Horn ne moufte pas, sourit Mehdi. C’est un vrai, qui raconte plein d’histoires de traditions marquisiennes et explique comment on castre au citron les chevaux ! » C’est que les Marquises abritent aussi une culture méconnue, celle d’un peuple qui aurait donné à l’île de Pâques son premier roi. Ce qui explique que l’art de la sculpture y règne en maître, tout comme celui de la danse ou encore des tatouages, amené sur le devant de la scène occidentale par le couturier Jean-paul Gaultier. Les traditions des Marquises plongent avec délectation dans l’authenticité polynésienne. Les tikis, statues sacrées de pierre représentant des hommesdieux, ou les pétroglyphes, ces dessins gravés, rappellent l’origine d’une civilisation océanienne toujours bien vivante. Vous adjoindre les services d’un guide peut vous sembler compliqué, mais le plus dur, pour les Marquises, est juste d’y arriver. Pour cela, quatre heures d’avion depuis Tahiti sont nécessaires. Votre vélo, lui, pourra voyager par bateau et profiter du paquebot de croisière l’aranui, qui transporte denrées et voyageurs d’île en île. « Mais une fois là-bas, tout est facile ! assure Mehdi. Ça peut faire un peu peur à ceux qui aiment que tout soit hyper organisé à l’avance, mais en fait, il suffit de caler
Sur l’île principale, Nuku Hiva, on croise 3 à 4 pays en une journée !
l’organisation en gros et tu te débrouilles sur le terrain ! Tu peux trouver des navettes sur place, chez l’habitant… Les gens sont vraiment super adorables. » C’est comme ça que Mehdi et sa bande ont réussi à trouver un sentier traversant l’ensemble de l’île. Douze heures en selle, ponctuées par un retour en bateau et un barbecue improvisé sur la plage, arrosé d’eau de coco fraîche. De quoi faire rêver en métropole. Pour l’instant, le développement de l’activité VTT aux Marquises n’en est qu’à ses balbutiements. « Si tout se passe bien, on table sur une concrétisation et la mise en place d’un service de location de VTT d’ici six mois à un an », avance Mehdi. Le temps de baliser les sentiers, de les sécuriser. Même si la présence de deux hélicoptères TNH de secours est déjà une bonne garantie, tout comme la construction d’un hôpital. Avec l’ouverture directe d’une ligne aérienne entre Hawaï, toute proche, et Nuku Hiva, le tourisme devrait y connaître un essor spectaculaire. D’autant plus que depuis décembre 2018, le câble sous-marin Natitua a permis à l’île d’être reliée à l’internet haut débit. Le challenge d’un développement touristique pérenne, respectueux de la culture et de l’environnement de l’écorégion fabuleux que sont les Marquises se présente à l’horizon. Et le VTT pourrait en être un ressort intéressant. « D’autant plus que contrairement à Tahiti qui est plutôt “on/ off”, explique Mehdi, on trouve vraiment tous les niveaux de difficulté aux Marquises : du familial, de grandes pistes, du relief vallonné… c’est bien plus accessible… Même s’il y a aussi des descentes bien techniques ! » D’hiva Oa, l’île la plus connue de l’archipel, à près de 170 km au sud de Nuku Hiva, Jacques Brel et Paul Gauguin regarderont peut-être alors passer les vététistes sans se retourner dans leur tombe.