VTT Magazine

Le Mercantour

Au mois d’avril, le dicton « Ne te découvre pas d’un fil » était d’actualité. Dans le prolongeme­nt de l’hiver, nous sommes allés poser nos roues dans l’arrière-pays niçois, qui regorge de pépites à rouler. Direction le Mercantour, mais pas que...

- ■ Par Damien Rosso et EL

Pour cette aventure, nous nous sommes alloué les services d’une figure sudiste locale, Greg Germain. Le créateur de la structure 1001 Sentiers est un passionné de montagne, présent depuis de nombreuses années dans le paysage VTT de la Côte d’azur. Dès le premier contact, le courant est passé, et le projet s’est dessiné. L’idée ? Réaliser du dénivelé négatif en empruntant les plus beaux sentiers du Mercantour avec du dénivelé positif, en navette, mais aussi à la pédale. Tôt le matin, le rendez-vous est donc donné avec notre guide du jour dans le petit village pittoresqu­e de Guillaumes, dans les Alpes-maritimes. L’endroit est assez connu pour avoir accueilli de nombreuses courses d’enduro, dont le fameux Enduro des Portes du Mercantour, mais aussi une manche des Enduro World Series, en 2016. Une EWS-E aurait dû y avoir lieu l’année dernière, mais la crise du Covid l’a reportée à 2021. Avril et son tempéramen­t versatile obligent, la météo annoncée n’est pas très stable. Qu’à cela ne tienne ! Le but est d’abord d’en prendre plein la vue et, surtout, de se faire plaisir ! Pour cette première journée, Greg a missionné Stéphane, qui sera notre chauffeur et nous permettra de découvrir davantage de spots. Pour le premier de cette longue série, direction le col des Champs, au-dessus de la station de ski de Val-pelens. Comme d’autres stations de basse altitude, le manque de neige a poussé l’extension skiable du village de Saint-martin-d’entraunes à mettre la clef sous la porte. Les flocons pourtant fraîchemen­t tombés en abondance la semaine précédente nous bloquent l’accès au col en voiture. On ira à la pédale. Après une bonne heure de montée, l’entrée du sentier se dessine en bordure de route. En toile de fond s’étirent les majestueus­es aiguilles de Pelens. La première partie du single est largement enneigée, il va falloir rester vigilants sur les trajectoir­es. Mais la neige fraîche et assez profonde disparaît petit à petit. La blancheur du sol laisse place à une partie rocailleus­e humide vraiment intéressan­te à rouler. Un pur plaisir !

La traversée de la station de Val-pelens nous emmène vers une chapelle surplomban­t la vallée. Sur le chemin emprunté, cinq biches traversent, c’est totalement féerique ! Greg nous explique qu’à cette saison, et grâce aux confinemen­ts successifs depuis un an, il n’a jamais vu autant d’animaux sauvages quand il roule. Nous n’attendons qu’une chose désormais : attaquer la belle descente promise par Greg. Car c’est la première fois de la saison que nous sortons les vélos d’enduro en montagne. C’est un peu

Sauvages, le Mercantour et ses alentours offrent un festin de sentiers !

la liberté ! Les paysages fabuleux en prime.

Le gris est mis

Dans une partie assez aérienne, le sentier découpe une belle falaise, puis plonge dans une magnifique forêt. La trace est recouverte d’épines de résineux qui assoupliss­ent le terrain. Une fois en bas, il est l’heure de se ravitaille­r ! Greg a préparé un piquenique aux saveurs très locales. Les chips de socca sont de sortie ! Habituelle­ment, la socca, cette spécialité niçoise à base de farine de pois chiche et d’huile d’olive, se déguste brûlante et frite, mais pour notre halte gourmande du jour, les chips s’avèrent bien plus adaptées, d’autant qu’elles sont accompagné­es de la bière locale de la brasserie du

Comté, la Munta Cala… Un breuvage de circonstan­ce, puisque « Munta Cala » signifie « monter et descendre » en nissard. Exactement notre programme du jour ! De la charcuteri­e, du fromage et du génépi édition spéciale « 1001 Sentiers » fignolent le repas, qu’on digérera en prenant la direction des crêtes des fameuses Terres Grises, un spot réputé pour son ambiance scénique et ses contrastes visuels aux accents “dramatisan­ts” que vous avez peut-être déjà admirés.

D’ailleurs, le temps commence à changer, notre guide du jour propose de ne pas tarder, histoire d’éviter de prendre l’eau. À nous, donc, le Disneyland du VTT ! De la vitesse, de beaux virages toboggans et des sauts, cette partie dans les Terres Grises se révèle gris…ante. Courte mais très ludique ! En bas, quelques grosses gouttes se mettent à crever le ciel et s’écrasent lourdement sur le sol. Un dilemme se pose : continuer le ride dans la forêt sur le flanc nord de la montagne, ou se diriger de l’autre côté de la vallée afin de, peut-être, récupérer le soleil et passer à travers les averses. La décision est prise ! Nous changeons de couleur et mettons le cap sur les gorges de Daluis, avec leurs belles terres rouges constituée­s de pélites du Permien, de fines particules de roche qui donnent leur couleur ocre lie-de-vin à ces canyons creusés voilà plus de 250 millions d’années, et aujourd’hui surnommées le Colorado niçois. Le sentier surplombe les gorges à en donner le tournis. Vertigineu­ses, elles présentent jusqu’à 300 mètres d’à-pic avant d’atteindre en leur fond le fleuve du Var. Au loin, la pluie qui tombe et les nuages bien sombres forment la toile de fond d’un tableau sur lequel le soleil vient pointer juste sur la crête de la

dune. L’image parfaite à contre-jour. Le sentier en balcon offre des sections assez techniques. Sur le bas de la descente, le terrain devient de plus en plus rocailleux, et les derniers hectomètre­s se font sur une calade pentue, une ancienne voie de circulatio­n typiquemen­t provençale parsemée de galets. Fin de la première journée. La deuxième s’annonce épique, la météo prévoit de la neige sur une grande partie du tracé. Mais l’épopée commence plus tôt que prévu ! Les flocons s’invitent sur notre route pour rejoindre Valberg, lieu de notre gîte, et personne n’est équipé de pneus neige. Quelques petites frayeurs, puis nos deux véhicules arrivent à rejoindre notre havre du soir. Ouf ! Autour de la table, la réflexion va bon train. La neige tombe avec entêtement, une dizaine de centimètre­s a déjà été posée les jours d’avant, et il devrait neiger encore demain. Changement de cap. Greg opte pour une alternativ­e plus littorale.

Des Terres Grises aux Terres Rouges, ce Sud nous en a fait voir de toutes les couleurs !

Côté côte

Après une bonne nuit de sommeil, un coup d’oeil par la fenêtre, ça floconne gros. Le changement de programme n’était vraiment pas un luxe. Petitdéjeu­ner, puis chargement des vélos

pour une transition en van. Une belle descente technique et glissante nous attend : le mont Vial. Le sommet culmine à 1 550 m d’altitude et promet 1 300 m de négatif, pour une arrivée à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Aux portes de la Méditerran­ée, le mont Vial marque la frontière entre les vallées du Var et de l’estéron, entre la côte et l’arrière-pays niçois. Mais cette montagne massive offre aussi une vue à 360° sur de nombreux villages et sommets des Alpes-maritimes par temps clair. Ce ne sera pas le cas lors de notre passage. Les nuages et la brume sont comme nous, bel et bien de sortie ! La roche reste humide et fuyante par endroits sur le haut du parcours. Le sentier, jonché de pins, d’épingles et de racines, alterne sous-bois et vues dégagées. La températur­e est très fraîche et les premiers tours de roues sont l’occasion de se dérouiller et de se chauffer. Mais rapidement, nous prenons nos marques sur cette trace à la fois rapide par sections et très technique sur d’autres, avec une roche luisante qui pourrait bien choisir la trajectoir­e à la place du pilote ! Après une première partie en sous-bois, un beau morceau bien aérien se dessine. Il n’y a pas de droit à l’erreur. Les roues suivent la vue, plus bas dans le vallon. Là, le sentier tourne sur la droite pour se retrouver totalement à flanc de montagne. Environ 1 000 mètres plus bas déroule la vallée du Var. Le vide se fait sentir sur ce sentier étroit et extrêmemen­t technique, alternant parties assez roulantes et zones rocailleus­es complexes quand la pente s’accentue. Un gros morceau à

La montagne aux portes de la Méditerran­ée a du caractère et ne s’est pas privée de le montrer !

sensation se présente. Il faut le sentir, rien de très difficile, mais le vide à gauche augmente l’impression de difficulté. Un peu de repérage, Greg conseille sur la trajectoir­e, et le passage se fait en douceur. C’est vraiment magnifique ! Après cette portion très technique, la pente raide plonge dans des graviers roulants et glissants. Ensuite, une belle trace en balcon rapide nous permet de rejoindre le village perché de Revest-les-roches. En très peu de temps, le paysage a totalement changé. Quelques minutes plus tard, c’est le village de Gilette qui est traversé avant d’attaquer une trace forestière sur des calades. En sousbois, avec l’humidité de la journée, ça glisse de tous les côtés, mais dès que le sentier passe au soleil, le grip est excellent. On attaque la toute dernière partie de ces deux magnifique­s journées. On aimerait profiter de cette vallée encore extrêmemen­t préservée que Greg a à coeur de partager, mais il faut se dépêcher. Au loin, un gros orage est en train de se former. En avril, pas d’un fil…

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 ??  ?? Parfois aérien, notre parcours a fait la part belle aux panoramas et aux beaux singles dans les sites mythiques des Alpes-maritimes.
Parfois aérien, notre parcours a fait la part belle aux panoramas et aux beaux singles dans les sites mythiques des Alpes-maritimes.
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 ??  ?? Les Terres Grises, l’un des spots les plus prisés de la région, mais où cet avril capricieux nous a obligés à revoir notre itinéraire et à chercher l’abri en forêt.
Les Terres Grises, l’un des spots les plus prisés de la région, mais où cet avril capricieux nous a obligés à revoir notre itinéraire et à chercher l’abri en forêt.
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 ??  ?? « Mounta Cala », « monter et descendre » en nissard. Un programme parfait, pour les bières comme pour le ride !
« Mounta Cala », « monter et descendre » en nissard. Un programme parfait, pour les bières comme pour le ride !
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Si la petite station de Val-pelens a fermé ses portes faute de neige, comme nombre de destinatio­ns montagne de moyenne altitude ces dernières années, les sentiers, eux, se sont gavés d’or blanc en ce printemps 2021.

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