VTT Magazine

Les mots du staff technique

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■ Thibault Rivière Mécanicien de Loana et Jordan sur ces Jeux

« C’étaient mes premiers Jeux, donc j’y suis allé avec des yeux d’enfant. On nous répète que c’est une course totalement différente, et c’est vraiment ça au niveau de l’ambiance, l’atmosphère, car il manque des pilotes par rapport à une coupe du monde classique. Au niveau profession­nel, à cause du quota Covid, on est partis à trois mécanos pour quatre coureurs. On avait déjà parlé avec Yvan un mois et demi avant, Jordan est champion du monde, ce n’est pas n’importe qui, et partir aux Jeux sans son propre mécano n’était pas idéal, il fallait trouver une solution. Donc je suis allé passer une journée chez lui avec son mécano, pour le voir travailler, connaître le matos, et je savais que les mecs étaient capables de nous aiguiller à distance, je ne devais pas forcément prendre des décisions. À trois, on n’a pas été débordés par rapport à un week-end classique de compétitio­n. On avait déjà bossé ensemble sur les championna­ts d’europe et du monde, on s’apprécie… La seule problémati­que de ces Jeux, c’est la déception des résultats car on partait avec de belles possibilit­és. Mais ça reste la course d’un jour, et ils n’ont pas abandonné, il n’y a rien à dire là-dessus. » • Le moment dur : « Le plus dur, ça a été de prendre Loana dans mes bras à l’arrivée et de connaître sa déception, de se rappeler l’ensemble des sacrifices faits depuis quatre ou cinq ans qui ne paient pas à cause d’un état de forme ou de petites erreurs qui, au final, coûtent cher. Alors ils ne ramènent pas de médaille, et je sais que c’est extrêmemen­t dur pour eux, mais de mon côté, j’étais soulagé qu’ils passent la ligne d’arrivée pas blessés. Ils avaient beaucoup de pression sur leurs épaules, des médias avaient promis des médailles avant le début de course et quand on voit l’acharnemen­t de certains journalist­es dans les titres, c’est très dur, inutile de leur mettre la tête sous l’eau alors qu’ils sont déjà mal, ça n’a pas d’intérêt. C’est ça qui m’a le plus bouffé. Les gens oublient le côté humain. Mais les athlètes, eux, ne m’ont pas fait honte. Ils savaient qu’ils avaient préparé le truc au mieux et qu’ils allaient faire avec les jambes du moment. Et puis les quatre ont joué dans la même équipe et mis des trucs individuel­s de côté et ça se ressent pour le staff, c’est devenu idéal, en mode petite famille. Donc, oui, je suis fier, c’est ce que je ressens à 200 %. » • Le moment fort : « Voir Lolo ( Loana, ndr) passer en zone technique sur le dernier tour, qui me cherche du regard, et la voir pleurer mais savoir aussi qu’elle s’interdit de pleurer, cette retenue intérieure… Je sais qu’elle se dit qu’elle a 300 mètres pour pleurer, mais que sur la ligne d’arrivée, elle va sourire et ce sera un vrai sourire ! Puis le retour avec les quatre… On a passé un bon moment entre nous, pas trop connectés au téléphone. On était tous ensemble, on savait qu’à Paris, ce serait différent, la journée média, tout le monde qui rentre ensuite chez soi. Il y a eu une petite symbiose qui a fonctionné, et moi, je marche à l’affectif, donc je retiens aussi ce câlin qu’on s’est tous fait avant de partir prendre un avion différent pour tout le monde, et je repars de Tokyo avec le sentiment d’avoir vécu l’expérience la plus intense et la plus folle de ma vie. C’est une phrase toute faite, mais j’ai démarré avec Massi il y a cinq ans, et je rêvais de coupe de France, puis de coupe du monde, de mondiaux et de victoire aux mondiaux. Et là, ces JO, je les ai vécus de l’intérieur. Niveau résultats, ce ne sont peut-être pas les plus beaux, mais au niveau humain… Je repars avec de l’affectif envers Jordan, Pauline, Victor, je sais que je vais avoir plaisir à les retrouver sur un week-end. Et ça, c’est un gros kiff, des souvenirs à vie. J’espère bien retrouver la même équipe avec deux coureurs de plus à Paris en 2024, avec une autre possibilit­é de bien faire menée jusqu’au bout devant un vrai public français. »

■ Théo Mougenel Mécanicien de Victor Koretzky

« J’avais participé à l’organisati­on Équipe de France en vue de Rio, mais je n’étais pas parti, donc j’étais content de vivre l’aventure jusqu’au bout à Tokyo. Pour moi, c’est moins stressant qu’un championna­t du monde car les pilotes sont moins nombreux. Et puis Victor, Jordan, Pauline, Loana savaient ce qu’ils voulaient. » • Le moment dur : « Quand ils reviennent après la course, qu’on les revoie et qu’on ne sait pas trop comment les aborder. Bon ou mauvais résultat, on savait qu’ils avaient la meilleure course possible, qu’il n’y avait pas de problème, que ça n’était pas grave… mais tu attends leurs premiers mots pour savoir sur quelle voie partir, ne pas vexer, tu vas surtout dans leur sens et on redébriefe à froid. » • Le moment fort : « Ceux passés tous ensemble, le voyage à l’aller, le retour, c’est là qu’on a senti la cohésion, ou lors des entraîneme­nts, quand tu vois les garçons discuter ensemble ; on se dit qu’ils s’entendent bien, qu’il y a moins de rivalité que sur une coupe du monde, c’est beaucoup plus agréable. Je repars de Tokyo avec ces souvenirs – et aussi avec un petit chat doré au socle rouge qui bouge la patte tout seul, plus quelques trucs pour la famille, bien sûr ! Mais en dehors du matériel, j’en suis surtout parti avec beaucoup de gratitude envers Victor pour la confiance qu’il m’a faite, et sentir ça, c’est important pour moi. »

■ Fabien Boissonnet Mécanicien de Pauline Ferrand-prévot

« C’était une bonne semaine, avec une bonne ambiance, vraiment sympa. Enrichissa­nte, forcément. Surtout pour une première expérience ! J’ai ressenti un gros coup de pression quand Pauline est arrivée crevée en zone technique. On avait été prévenus par radio, j’ai attrapé ma roue arrière, ma clé, et voilà. Elle qui ne crève jamais, il fallait que ça arrive aux Jeux, mais tout s’est passé nickel, ça a duré moins de 30 secondes. Après, 40 secondes de chute plus 30 secondes de changement de roue, ça fait qu’à l’arrivée, on est tous un peu dégoûtés, sur les dents. Zéro médaille sur quatre, même s’il n’y a pas de mauvais résultats et que tous sont allés au bout, on reste tous un peu sur notre faim quand même… »

 ??  ?? Douze membres de l’équipe de France dont trois mécanicien­s (de g. à d.) : Thibault Rivière, Théo Mougenel et Fabien Boissonnet. L’osmose a donné une petite famille soudée, le temps d’une grosse semaine et après.
Douze membres de l’équipe de France dont trois mécanicien­s (de g. à d.) : Thibault Rivière, Théo Mougenel et Fabien Boissonnet. L’osmose a donné une petite famille soudée, le temps d’une grosse semaine et après.
 ??  ?? Récupérer au plus vite d’une grosse chute aux entraîneme­nts a tapé dans le capital énergie de Jordan Sarrou, mais le Français a serré les dents pour accrocher le top 10.
Récupérer au plus vite d’une grosse chute aux entraîneme­nts a tapé dans le capital énergie de Jordan Sarrou, mais le Français a serré les dents pour accrocher le top 10.

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