VTT Magazine

Le mot du bras droit

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■ Matthieu Nadal Coach national

« Profession­nellement, aller aux Jeux m’a donné le sentiment de pouvoir accompagne­r les athlètes jusqu’au bout du processus mis en place il y a cinq ans avec Yvan et le reste du staff. On avait une grosse motivation : faire performer nos champions, qui avaient déjà performé sur les deux derniers championna­ts du monde. Sur place a émergé une très forte notion d’équipe, le staff était très soudé, les athlètes également, chacun a bien bossé dans son domaine, avec une mécanique plutôt huilée, des journées vraiment chargées, car on a eu envie de tout optimiser pour ne pas perdre une seconde. Avec le recul, peut-être qu’un vrai jour de repos aurait été bien… Parce que tous ces astres qui s’alignaient pour nous depuis deux ans en mondial se sont écroulés en deux fois 1 h 30. La grosse chute de Jordan à l’entraîneme­nt et l’emballemen­t médiatique qui s’ensuit après la diffusion de la vidéo de Frischknec­ht sur les réseaux… Là, on se rend compte que sur les JO, la pression relève encore d’un autre monde et on vit un décalage. Parce que de l’intérieur, on avait tout optimisé, nos athlètes sont arrivés super forts, des avions de chasse, il s’est créé un vrai esprit Équipe de France VTT avec ces super champions qu’on connaît, ce ne sont pas que des athlètes mais aussi des humains et ils n’ont pas été récompensé­s de leur niveau avec une médaille. Or, aux JO, le public ne retient que les médailles, et nos athlètes y allaient pour ça et ils avaient raison d’y croire : les gars étaient super forts, Pauline voltigeait comme jamais et Loana avait réalisé le grand chelem jusque-là. Leur niveau d’engagement n’a pas payé. » • Le moment dur : « Je suivais la course femmes sur la route à vélo. J’attendais Pauline en tête et je vois passer Jolanda, Loana, puis je vois le casque de Pauline qui remonte à pied cette côte – enfin, non ça n’est pas une côte, on ne s’en rend peut-être pas compte, mais où elle a chuté, c’est un mur, tu poses les mains pour monter ! –, et là, je me dis que le rêve vire au cauchemar, mais je la vois se ressaisir, remonter, et quand elle repasse devant moi et qu’elle me dit qu’elle a perdu de l’air, là, je réalise que c’est fini pour la médaille. Et chez les gars, Victor était dans le groupe pour la médaille, on se dit qu’il va arriver au sprint, que le podium est largement jouable, parce que le sprint est une de ses forces. Et Valero, qui n’a plus marché depuis dix ans, fait éclater le groupe. C’est un scénario improbable pour une course de ce niveau-là. Ça fait cinq ans que je suis en encadremen­t national, et cinq ans que je n’ai pas vu ça ! Donc il n’y a plus de possibilit­é de sprint, plus de médaille. C’est le petit coup de pouce du destin qui nous a un peu lâchés. On sait qu’il faut un peu de réussite pour les grandes victoires, il faut que ça sourie jusqu’au bout pour aligner tous les paramètres, et pour moi, tout se joue un peu là-dessus. Sur un coup de dé. Celui qui fait que Jolanda ne tombe pas sur une chute où tout le monde serait allé par terre, et bravo à elle. Et Valero qui n’a pas marché comme ça depuis cinq ans et est là cette année, bravo à lui. » • Ce qu’il ramène de Tokyo : « Pour l’instant, ce sont deux sentiments très contrastés d’avoir passé une semaine de travail et de cohésion extraordin­aire autour d’athlètes super forts et ne pas avoir pu les voir être récompensé­s, comme on l’espérait tous, avec une médaille à laquelle ils avaient tous le droit de penser. L’aventure humaine était là, avec ce lien au sein de l’équipe, entre staff et athlètes alors que ça aurait pu partir en sucette ; on a senti que les athlètes étaient déçus pour le staff, et nous, on était déçus pour nos athlètes. Je suis aussi déçu pour Yvan car il n’a pas fait d’erreur dans ces olympiades, il a eu deux beaux mondiaux, donc les médias nous ont encensés, et là, ils nous cassent, mais c’est les Jeux, ça veut aussi dire qu’ils y croyaient et que nos champions ont du poids dans le monde du sport… Je ne vais pas m’accaparer ce que Jacky Maillot ( médecin de l’équipe de France, NDR) a dit, mais on a une des équipes les plus jeunes des JO, donc dans trois ans, on ne devrait pas avoir moins fort. »

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De gauche à droite : Bain froid pour Jordan, selfie de Loana et son mécanicien, tandis que Jacky Maillot contrôle quotidienn­ement le taux d’hydratatio­n dans la moiteur japonaise.
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L’absence de médailles hommes a reporté tous les espoirs de résultats sur la course femmes, et c’était bien parti. Loana (6) s’élance devant Pauline (2), la championne olympique en titre Jenny Rissveds (1), Richards (14) et Stigger (16).

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