VTT Magazine

Myriam Nicole

Championne du monde de descente 2021

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Myriam Nicole s’est imposée avec maestria pour décrocher son deuxième titre mondial en descente féminine, un doublé français avec Marine Caribou sur la très technique piste italienne de Val di Sole. À peine remise de cet exploit, l’actuelle leader de la coupe du monde de DH féminine nous a accordé quelques instants avant de se mettre en mode reset et affronter les deux dernières manches en Suisse et USA.

Comment tu as vécu cette descente à Val di Sole ? Comment ça s’est déroulé, tant dans ta tête que sur la piste, durant ces 4’06 minutes de course ?

Ça a été un bon moment, un beau lâcher prise pour arriver à rouler comme je sais bien le faire ! Bon, j’étais tout de même assez nerveuse au départ ( Myriam était partie la dernière, ndr), j’avais beaucoup de pression car j’étais attendue… Je savais au fond de moi que tout était faisable, et j’avais envie de concrétise­r tout ce beau travail. Du coup, je suis partie en faisant le vide, en faisant juste du beau vélo. 4’06 de course, ce n’était pas facile à gérer, il y a des endroits où j’ai un peu coupé, mais c’était pour garder un soupçon d’énergie et en remettre sur le bas. J’ai un peu géré, OK, mais j’ai juste déroulé le travail que j’ai réalisé toute la semaine en repérant toutes mes lignes.

Tu te parles sous ton casque durant ce run en or. Avec un micro, on aurait entendu quoi ?

Oh, je pense qu’on aurait entendu des : « Lâche ! C’est technique, mais c’est bon, t’as tout repéré, tu as tes lignes, lâche, lâche ! », ou encore des « Assure un peu, garde du jus pour en bas », ou « Là, c’est technique, faut pas tomber », puis « Lâcher, freiner, respirer, reste détendue, prends tes lignes », des trucs comme ça !

Plus de 4 secondes d’avance sur la 2e (Marine Cabirou), tu analyses ça comment ? Ça se traîne derrière ?

Non, ça pousse derrière, et ça fait peur comme il y a du niveau ! Mais techniquem­ent, je pense que j’étais vraiment bien posée dans mes lignes. Je ne me suis pas trop coincée, j’ai juste fait une petite erreur. Marine, c’est une très bonne pilote, elle revient de blessure et 4 secondes, j’en envie de dire chapeau bas parce que c’était une course vraiment costaud pour les cuisses. Il y a du niveau et il faut continuer comme ça.

La question manque un peu d’élégance, mais ton âge, c’est un avantage ou un handicap face à tes concurrent­es ?

OK, j’ai 31 ans, mais dans ma tête j’en ai encore 14, je pense ! Pour un championna­t du monde, je dirais que c’est un avantage, c’est une course d’expérience, et j’ai utilisé cette expérience pour gérer mon run. Puis les p’tites jeunes qui poussent, c’est motivant, ça amène à se surpasser.

Comment expliques-tu cette longévité de carrière dans une discipline aussi exigeante que la DH ?

J’ai commencé sur le tard, et c’est sans doute de bon augure pour la suite. J’ai eu beaucoup de blessures dans ma carrière, je ne me suis entraînée que sur le tard, et quand je dis entraînée, c’est-à-dire faire le job à 100 %. Avant, je suivais des études de kiné qui m’ont pris beaucoup de temps et durant lesquelles je ne pouvais pas m’entraîner plus qu’une heure par jour, alors qu’actuelleme­nt je ne fais que ça. Ma préparatio­n n’a donc pas toujours été optimale avec ce double parcours sportif et scolaire mal équilibré, avec des études trop intenses. Ça explique probableme­nt pourquoi je me suis souvent blessée.

Que penses-tu de cette jeune génération qui pousse en France en DH ?

On a des bike-parks qui se développen­t pour la descente, la pratique est en train de monter en France, et c’est vraiment cool, le niveau augmente. Je m’entraîne souvent l’hiver avec les jeunes, et ça roule vraiment vite. Ils ont trop la classe, c’est chouette et je suis trop heureuse pour ce sport.

Entre Nino Schurter (XC) Greg Minnaar (DH), ce sont plutôt les “anciens” qui ont performé sur ces mondiaux à Val di Sole. Un commentair­e ?

L’expérience ! C’était vraiment ça la clé de la réussite.

L’absence de la DH aux Jeux olympiques, ça te frustre ?

Ah oui, je suis vraiment frustrée que la descente VTT n’en fasse pas partie… Quand je regardais les J.O. cet été, je n’avais qu’une envie, c’est d’y être ! Donc oui, oui, oui, je suis frustrée. Je suis représenta­nte des athlètes à L’UCI et je vais continuer de pousser pour que le VTT de descente y soit présent. On est de vrais athlètes, on fait un vrai sport et je ne comprends pas vraiment pourquoi la DH n’en fait pas partie.

Pourquoi les records de titres de champion du monde d’anneCaroli­ne Chausson et de Nicolas Vouilloz semblent-ils impossible­s à battre aujourd’hui ?

Anne-caro et Nico étaient juste là à une autre époque, et ils étaient les meilleurs dans leur époque. C’étaient des machines, c’est tout, quoi ! Mais je pense que c’est encore tout à fait jouable aujourd’hui – comme Rachel ( Atherton) qui n’est pas si loin du record d’anne-caro.

On t’imagine lié à Commencal à vie... Tu pourrais te projeter dans une autre équipe ?

Je me sens très très bien avec la marque Commencal, pour le moment tout se passe bien, et je n’y songe pas.

Comment tu te projettes sur les cinq prochaines années ?

On me demande souvent quand je prendrais ma “retraite”… Je la prendrais juste quand je n’aurai plus envie de faire du vélo ! Mais là, je me régale à rouler, à bosser, à m’entraîner. Je vais donc continuer comme ça, en le prenant année après année, et on verra où ça me mène.

Pilote pro en DH chez les filles, ça gagne quoi ? Un titre mondial, ça rapporte quoi ?

Ça gagne bien, j’arrive à vivre de mon sport, et c’est plutôt cool. C’était mon 14e championna­t du monde et ça a mis du temps à se lancer, mais aujourd’hui, c’est une consécrati­on. Il commence y avoir une forme de reconnaiss­ance, même au-delà du monde sportif, mais je ne fais pas ça pour les autres, je fais ça pour moi, et c’est juste du travail qui est récompensé en premier lieu personnell­ement. Mais comme je l’ai évoqué, nous ne sommes pas un sport olympique et c’est un peu compliqué à certains niveaux…

Qu’est-ce qu’il change pour toi, ce nouveau titre de championne du monde de DH ?

Oh, ça me rajoute juste un petit grain de confiance, et je n’ai pas traversé toutes ces années de galère pour rien. J’ai bossé, ça paye et je suis contente que ça se passe comme ça. Propos recueillis par Bertrand Thiébault

OK, j’ai 31 ans, mais dans ma tête j’en ai encore 14 !

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