Wider

HORIZON( S)

- Jocelyn Chavy

«Mon rêve était devenu réalité. Tous les obstacles que j’avais eus à surmonter, toutes les déceptions que j’avais essuyées avant de me mettre en route étaient maintenant oubliés* » écrit Michel Peissel, ébloui, au retour de son voyage au Mustang en 1964. Deux mois où il avait réussi à pénétrer puis à vivre dans cet ex- royaume tibétain, aux confins du Népal, totalement fermé aux étrangers jusqu’en 1992. L’aventure comme il en existe encore, en Himalaya et ailleurs, ou tout simplement une vie différente. Peissel, très jeune, s’était lancé dans l’exploratio­n – au Mexique, au Bhoutan – pour suivre sa voie, entre ethnologie et aventure pure. « Je pouvais démontrer, ne fût- ce qu’à moi- même, qu’en notre siècle de travail et de loisirs organisés, d’activités enrégiment­ées et de planificat­ion, il y avait encore place pour ceux qui regardent au- delà de l’horizon brumeux des convention­s. » Loin au- delà de l’horizon, comme le font nombre des cent personnali­tés que nous avons élues dans ce numéro. Il est facile de se couvrir de tatouages, beaucoup moins de franchir un gap de vingt- trois mètres au guidon d’un vélo. Il est simple de s’inscrire à un stage des Glénans, beaucoup moins de financer son bateau pour franchir un océan. Il est très facile de poster une photo #viewfromyo­ffice quand on a la sécurité d’un emploi. L’aventure commence quand on accepte l’insécurité, à laquelle on n’a pas été habitué à faire face. L’alpinisme, l’itinérance à pied, en bateau, à vélo reste un choix risqué – en voiture- chien aussi ( Dumb & Dumber). L’itinérance de sa propre vie, au- delà de trente ans, une vie sans compromis, sans attaches autres que sa passion reste une rareté, comme le rappelle Damien Grimbert dans son portrait de Danger Dave. Confortabl­ement installé dans mon canapé, j’en suis conscient, ayant échappé à la Matrice seulement quelques semaines. Je ne regrette pas d’avoir passé des nuits blanches, économisé puis dilapidé cet argent pour crapahuter dans des canyons à moitié éboulés, pour voir « un pays où l’âme humaine est considérée comme aussi réelle que les pieds humains » . Je ne regrette pas ma passion, comme vous, lecteurs et lectrices trentenair­es, quarantena­ires, quinquas ou plus, qui rêvez de boucler l’UTMB, pagayer sur la Loue ou dans les Tuamotu.

Bonne année 2015.

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