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LE WADI MUJIB

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Comme si on avait fendu d’un coup de sabre la masse compacte et chaotique de la montagne – tranches de grès de dix, vingt, cent mètres de haut empilées les uns sur les autres, bousculées par les forces tellurique­s —, les eaux puissantes du Wadi Mujib s’engouffren­t dans le défilé, écartant des parois hautes de deux cents mètres. La lumière blanche du désert s’évapore, la poussière de la piste s’évanouit dans l’eau laiteuse, chargée d’alluvions qui la teintent d’une couleur turquoise. Seuls la fin du printemps ou le début de l’automne permettent le parcours du Wadi Mujib, où le courant est trop fort en hiver. Une cascade descendue en rappel et quelques vasques profondes corsent le tout, sous l’oeil d’un guide de la réserve naturelle du Mujib. Impression­nante, l’entrée du canyon l’est tout autant que sa sortie, encaissée entre des parois de plus de deux cents mètres. L’étroitesse du canyon tout autant que sa longueur marque les esprits depuis la nuit des temps, en témoigne son évocation – sous le nom d’Arnon – dans la Torah et la Bible : voir le livre d’Isaïe, chapitre 16, ou encore le livre des Nombres, chapitre 21. Sous l’Antiquité, franchir l’Arnon n’avait rien d’anodin puisque le canyon était censé marquer la frontière entre les royaumes d’Edom et de Moab, rivaux d’Israël, ses eaux se jetant dans la mer Morte. Moïse lui- même, face au refus des Edomites de lui laisser emprunter le passage sur les rives salées de la mer Morte, a dû remonter au sommet des montagnes pour faire le tour par le désert, à l’Orient. Les dernières centaines de mètres, l’Arnon s’étale et les parois immenses s’écartent de quelques mètres, délivrant ses passagers sur les rives de la mer Morte, à deux pas de la route goudronnée, étourdis par le bruit et la fureur de ces lieux immémoriau­x.

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