Wider

QUAND LE OFF EST IN !

- Sylvain Bazin

Dans cet été si particulie­r, où il est nous est à nouveau autorisé de satisfaire notre soif de grands espaces, accrue par le confinemen­t, il est encore - à l’heure où j’écris impossible de prendre un dossard. Même si quelques courses se profilent finalement à l’horizon du prochain mois, les grands rendez-vous de la saison, notamment ceux qui concernent « l’élite », n’auront pas lieu. C’est ainsi que, pour continuer d’exister dans ce désert compétitif, les meilleurs traileurs se fixent de nouveaux objectifs. Les records, de GR ou d’autres traces, tentent ainsi de faire les gros titres. Pour nous autres journalist­es, c’est du pain béni en cette période de vache maigre de l’actualité sportive, même si cela ne résonne pas tout à fait non plus comme les résultats des courses les plus attendus, en terme d’audience, cette déesse à laquelle tous les sites Internet doivent plaire. Pour les athlètes, et aussi pour leur sponsors, c’est certes l’occasion de relever des challenges inédits, mais aussi, et peut-etre avant tout, de continuer d’exister, sportiveme­nt et médiatique­ment. En toute franchise, si certains de ces défis frappent mon imaginatio­n ou m’inspirent, d’autres me semblent un peu trop préparés, trop organisés. Certes, le temps « romantique » du trail, où certains s’élançaient seuls ou en petit groupe à l’assaut de sentiers qu’ils n’avaient même pas reconnu, sans trace GPS préalablem­ent étudiée, pour établir un temps de référence ou tout simplement boucler un parcours en mode léger et rapide, est révolu, au moins sans doute pour les coureurs de haut-niveau, mais quand même. Sans aller jusqu’à dire que l’effort est dénaturé, j’ai parfois l’impression qu’à force de préparatio­n du parcours, de suiveurs et d’assistance, on recrée sur ces tentatives les conditions d’une course très organisée, telle que la conçoivent désormais nombre de traileurs de premier plan (il est vrai que la victoire se joue à quelques détails et que chaque instant perdu aux ravitaille­ment peut se révéler crucial). Pour pousser le bouchon, je dirai même que les sentiers se muent ainsi peu à peu en un nouveau stade, où tous les paramètres peuvent être connus, analysés, planifiés: temps de passage précis, équipement­s adaptés à chaque zone du parcours, pacers qui se relaient… Seule, heureuseme­nt, la glorieuse incertitud­e du sport demeure: la forme et l’effort, la météo quand même, viennent perturber les tableaux de marche trop radicaux. Les records ne se battent encore pas sur commande, et c’est heureux. Mais au-delà de ces chasses aux records, cet été sera, pour nombre d’entre nous, l’occasion de se fixer de nouveaux défis, de rencontrer de nouvelles sensations et des émotions en pleine nature, sans dossard et sans pression. Ainsi, les sentiers nous invitent à prendre le large, pour de vraies aventures off, sac au dos et chaussures de trail bien serrées aux pieds. Les défis peuvent s’inventer au gré de vos envies, de votre niveau, de votre motivation. Cet été sans compet’ peut aussi être l’occasion d’oublier un peu la dureté de l’effort, le temps d’un trek entre amis (pourquoi pas sur les splendides parcours suisses que nous évoquons dans ces pages?) ou de changer de braquet pour découvrir les joies du vélo itinérant (par exemple en Alsace). Il sera bien temps ensuite de retrouver les chemins de l’entraîneme­nt, de la performanc­e et de la compétitio­n. Alors, avec ou sans esprit de performanc­e, faites vous plaisir cet été, même sans dossard sur la poitrine !

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