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Portfolio : AnnCham

Un défi entre amis et entre Annecy et Chamonix.

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Des pontons du lac d’Annecy à l’église de Cham, il y a tout juste 60 km à vol d’oiseau. 1 h 20 au volant par l’autoroute. Et par les sentiers escarpés des Glières et des Aravis ? Environ 110 km de chemins pas très roulants pour environ 9 000 m de dénivelé positif. Le 12 juin dernier, cinq amis réunis par l’ultra-traileur Vincent Viet ont « tracé » la voie à travers les montagnes, les plateaux et les vallées. Près de 24 h de course avec assistance, mais sans désir plastronné d’établir un record. Moins pour marquer les esprits que pour les inspirer.

Vincent Viet a baptisé AnnCham cet itinéraire inédit entre Annecy et Chamonix. L’idée lui trottait dans la tête depuis deux ans. Il faut dire que le Français a souvent brillé en course à Annecy (plusieurs podiums à la MaXi-Race) comme à Chamonix (5e de la CCC en 2016). C’est pendant le confinemen­t que Vincent Viet a affiné son projet, à la veille d’un été qui s’annonce sans compétitio­n. Ancien Parisien, Vincent habite bien sûr Annecy. C’est dans son appartemen­t qu’il a donné rendez-vous à ses quatre compagnons de traversée : deux jeunes talents français, Paul Mathou et Romain Berger, et deux vieux camarades d’aventures, solides traileurs, Pierre Gaphihan et Adrien Tarenne. Ils s’élancent ensemble sous un ciel un brin menaçant depuis le Petit Port d’Annecy, vendredi 12 juin à 20 heures.

Les premiers kilomètres conduisent au crépuscule les coureurs au-dessus du lac d’Annecy. Après une heure de montée, les cinq passent au Mont Baron et essuient une courte averse. Le soleil s’enfuit déjà. Le tour de chauffe est terminé.

« Ce qu’apporte l’outil de planificat­ion d’itinéraire de strava, c’est de décomposer les différente­s parties, chaque massif. C’est l’essence de strava, penser par segment. » explique Vincent Viet.

Après 17 kilomètres, la nuit est déjà installée et c’est l’heure d’une première pause au niveau de Dingy Saint-Clair, un ravitaille­ment orchestré par Camille, Tess et Charlotte, l’épouse de Vincent. Café, coca, cookie. Le moral est bon. Pour Paul Mathou, le plus jeune des cinq, c’est aussi un saut dans l’inconnu. Le coureur de 27 ans n’avait jamais couru plus que les 56 kilomètres de l’OCC, la course qu’il l’a révélé avec une 4e place à Chamonix l’an passé. « J’avais un peu d’appréhensi­on, confiera-t-il plus tard, car c’était

aussi la toute première fois que je courais de nuit comme ça. On est monté au Parmelan sous les étoiles. J’ai adoré ! ». Après la mise en bouche sur les hauteurs d’Annecy et une nuit à traverser le plateau des Glières, le jour se lève sur le 3e segment du parcours, face à la chaîne des Aravis qui se dresse à l’aube en face des coureurs. À l’ouest, on aperçoit la Tournette (2 350 m), qui domine le lac d’Annecy. Au nord, le pic de Jallouvre (2 408 m) et la Ponte Blanche (2 438 m) à ses côtés. La trace de l’AnnCham passe par un col un peu plus bas, qui relie le Lac de Lessy au Chinaillon. Il est un peu plus de 7 heures du matin quand l’équipe parvient au Col des Annes, kilomètre 55. La moitié du chemin.

Les cinq prennent de l’altitude, les crampons sur la neige, à l’ombre de la pointe Percée (2 750 m). Après une heure d’ascension, ils accèdent au Col des Verts (2499 m), le point culminant de la traversée. « C’est un moment d’euphorie, raconte Pierre Gaphihan. Il fallait être un peu prudent dans la montée, mais la récompense en vaut la peine, quand on bascule là-haut, c’est merveilleu­x, avec la vue sur le massif du Mont-Blanc ».

« Je ne conseille pas de faire ce parcours en un jour, c’est trop difficile », dit Vincent Viet. Le tracé de l’AnnCham rencontre plusieurs refuges, en plus des villages ou des villes traversées et il est effectivem­ent possible de le parcourir sur un mode randonnée ou rando-course en plusieurs étapes. Avec une approche par segment, le parcours peut se faire en deux, trois ou quatre jours. L’automne sera plus adapté, avec des chemins plus propres et sans neige. » Après Sallanches, les cinq s’arrêtent à Saint-Martin-Sur-Arve. La longue descente a laissé des traces. Les traits sont tirés et certains ferment les yeux entre deux parts de pizzas. Le ciel est menaçant. On parle d’orage. Il est bientôt midi et les cinq coureurs ont trois heures de retard sur leur tableau de marche prévisionn­el. Vincent Viet explique ce mauvais timing ainsi: « On vient d’avoir 10 jours de pluie, mais surtout avec le confinemen­t, on est sans doute les premiers à emprunter ces chemins depuis l’automne. On a perdu du temps un peu partout. Il y a des descentes qu’on aurait dû faire en 30 minutes, on les faisait en 45 ».

Le déluge annoncé démarre ; un message vocal de Vincent nous annonce que rincés depuis leur montée en direction du désert de Platé, les cinq ont bifurqué et descendent au ravito de Plaine Joux sans passer par le Dérochoir. Plus que la pluie, les orages annoncés en altitude obligent à la prudence. L’équipée se résout finalement à emprunter un parcours de repli par la vallée. « C’est le moment où l’aventure prend une dimension différente, explique Romain Berger. Tu laisses de côté l’égo du compétiteu­r et tu fais un choix rationnel. J’ai trouvé cela vraiment très fort qu’on se soude et qu’on prenne cette décision tout ensemble. Ça devient une expérience humaine et c’est pour cette raison que ça va rester un souvenir à vie ».

Il est un peu moins de 20 heures et les rues de Chamonix, à peine déconfinée­s, sont presque désertes. Arrivant des Houches par la vallée, Vincent, Paul, Romain, Adrien et Pierre en terminent en un peu moins de 24 heures face à l’église de Chamonix, ligne d’arrivée habituelle des courses de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. « L’année dernière, j’ai abandonné pendant l’UTMB, confie Adrien Tarenne. C’est étrange d’arriver ici dans ces conditions si calmes. C’est difficile d’être pleinement satisfait, en ayant renoncé à la fin du parcours. Mais on a quand même couru 110 kilomètres et c’est une vraie satisfacti­on d’avoir suivi Vincent dans ce projet incroyable ».

« Il y a des axes d’améliorati­on. Il y a des petites retouches à faire au parcours, conclut Vincent Viet. Pour moi, l’histoire n’est pas finie et je vais bien sûr revenir faire la fin ». On notera aussi qu’une équipe féminine, qui aura fière allure avec Hillary Allen, Mimmi Kotka et Hillary Gelardi se lancera aussi sur le parcours. L’histoire du AnnCham ne fait donc que commencer !

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