Rencontre Martin Kern Le stakhanoviste des Écrins
De Marseille à Auckland, il a choisi les Écrins. L’Océanie en bagage, en 2018, Martin Kern nous est revenu et on a vite compris. D’un Buffalo Stampede à une 6000D, ou un Swiss Canyon 110, l’ingénieur mountain-addict s’est vite révélé vainqueur régulier. Pied au plancher, UTMB 12e, Diag’ 5e. Mais pour cet homme du long, la suite est naturelle : 5 juillet 2020, un trio et un nouveau record Chamonix-Briançon. Martin Kern ou le stakhanovisme heureux, c’est l’histoire d’un montagnard qui poétise l’endurance. Rêves et amitiés, s’il-te-plait Martin : racontenous comment terminer 2020 - et après. Quand l’outdoor est mode de vie, ou une affaire de simplicité.
les records, le très long, le ‘perso’ ou l’aventure en groupe ? Rester en France ? Réponses estivales, on parlait encore de déconfinement actif…
Quel apprentissage et quels apports représente ton voyage en Océanie, entre 2016 et 2018, notamment dans ton parcours sportif?
MK : En effet, c’est une période clef – je réalise que l’on m’en parle souvent. Aurais-je donné envie, ou est-ce une destination si évocatrice ? Beaucoup de gens m’évoquent la Nouvelle Zélande comme un rêve, un paradis de nature authentique. Et il faut dire que c’est vrai. Pour moi, tout commence par une volonté ancré assez tôt; celle d’aller vivre une expérience à l’autre bout du monde, et précisément en Nouvelle Zélande : là où les espaces et la nature semblent encore prédominer, rester sauvages. Et en effet, cette tranche de vie représente à mes yeux la découverte de l’ultra endurance. Mes premières courses, mais aussi des projets off en autonomie. Les compétitions sont rares, les points d’accès sur les parcours sont souvent difficiles, donc courir de la sorte implique une gestion et une indépendance différentes de ce que l’on peut retrouver en Europe ; où l’on a des ravitos bien garnis tous les 10 km… Certes, c’est bien. Mais cette pratique « australe », c’est un peu le trail à la dure, on se débrouille avec les moyens du bord… et ça j’adore!
Ingénieur de métier mais boulimique d’entrainement, comment réussis-tu à associer ton travail avec autant de volume ?
MK : Je suis ingénieur logistique, et en gros, je travaille actuellement sur un projet de transition globale. Clairement, oui, ce genre de projet demande du temps ! Je passe sur les détails, mais le tout est de coordonner les opérations et les équipes afin d’arriver aux objectifs fixés. Pour simplifier, gros enjeux, processus passionnant, métier dont j’ai la chance qu’il me plaise. Conclusion : je confirme, pas simple d’associer le travail avec ma passion. Mais en creusant, en s’organisant et en gambergeant un peu (pas mal), ça se fait tout de même, avec des moments précis et des temps bien choisis et définis ; repos inclus.
En 2011, le trail s’apprêtait à exploser en termes de niveau et de médiatisation. On allait vivre cet UTMB magique, et le partage Jornet/Chaigneau/ Karera/Heras. Les projets off étaient encore peu nombreux. Comment vois-tu le « record » de 2011 : précurseur, colossal pour l’époque ?
MK : Indubitablement, cette traversée de François D’haene, Michel Lanne et Thomas Vericel, initiée par Jean-Michel Faure Vincent, a vraiment marqué les esprits. Et bien à cette époque je devais peser… 90 kg. J’étais plutôt adepte des terrains de rugby et de la salle de muscu, avant d’attaquer la 3e mi-temps ! Mais en 2013, je découvre le trail par hasard. Je tombe sur un article qui parle de ce fameux Chamonix-Briançon. Ça me parle directement, bien entendu sans vraiment en mesurer l’ampleur. Mais c’est une idée qui depuis, est restée en moi. Et puis il y a mon histoire avec les Écrins, la dernière partie de ce GR5 au-dessus de Briançon (la plus technique d’ailleurs, en guise de finish – demande à Baptiste qui s’est dépassé !), mes vacances de jeunesse passées dans le coin. Un ancrage dans la zone, et en même temps tout l’inconnu que représentait alors pour moi le versant Beaufortain, le tronçon en Vanoise, etc… En deux mots, je me dis : « y’a pas à dire, cette route de 202K, et réalisée de la sorte, ça a du panache ».