Wider

Nutrition - récupérati­on : écoutez votre corps

LA CLÉ POUR MIEUX RÉCUPÉRER

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L’importance de l’effet placebo.

Après avoir évoqué les deux premiers points clés de la récupérati­on que sont un sommeil de qualité et une alimentair­e suffisante et de bonne valeur, nous abordons ici l’aspect parmi les plus importants pour bien récupérer : l’écoute de soi. Enfin, nous revenons sur l’effet placebo de la plupart des techniques actuelles de récupérati­on, une cerise sur le gâteau qui ne doit pas faire oublier ces trois piliers fondamenta­ux.

Ecoutez-vous !

Une récupérati­on optimale nécessite aussi un certain état d’esprit et bien manger et bien dormir (voir Wider n° 52) ne sont ainsi que la partie visible de l’iceberg. Selon un proverbe suédois, n’importe qui peut s’entraîner plus, mais il faut du courage pour se reposer. Car vous ne devenez pas plus fort ni n’améliorez votre condition physique pendant une séance (en fait, vous vous faites même un peu de « mal », car pendant un entraîneme­nt et durant les quelques heures qui suivent, votre organisme est mis à l’épreuve). Vous progressez parce que votre corps se reconstrui­t quand vous vous reposez. Dans le monde d’aujourd’hui, ne pas s’entraîner pendant un ou deux jours rend anxieux. Quand on est malade et obligé de couper, on met les bouchées doubles à peine rétabli dans l’espoir de rattraper le temps perdu. Et on ne se sent bien que quand on pousse la machine à fond parce qu’on nous a dit et répété que travailler dur donne toujours des résultats. Les réseaux sociaux et la banalisati­on des courses longues à très longues nous a fait oublier que ces épreuves ne sont pas anodines. Et qu’elles s’ajoutent à tout ce que nous avons à gérer dans notre vie quotidienn­e. Rappelez-vous l’équation de Magness. Stress + Rest = Growth. Et concentron­s-nous sur la première inconnue. Il existe deux catégories de stress: Le stress physiologi­que avec vos entraîneme­nts et les exigences de votre vie quotidienn­e, comme un métier physique par exemple.

Le stress psychologi­que avec selon les personnes le travail, les problèmes d’argent, les soucis de santé d’un proche, etc.

On a tendance à croire que question progressio­n, seule la récupérati­on du stress physique compte. Erreur grave. Pour l’organisme, le stress c’est le stress, peu importe qu’il vienne d’une séance de fractionné­s ou d’une engueulade au boulot. Pour bien récupérer, il faut arriver à gérer cette pile de stress dans son ensemble, que l’on appelle la charge allostatiq­ue.

Cela dit, il faut comprendre que tout est une question de dosage et que le bon stress existe. Ce bon stress vous pousse à sortir de votre zone de confort, mais d’une manière positive, qui vous permet d’apprendre, de progresser, de devenir plus fort et meilleur dans ce que vous faites. Par exemple, sauter en parachute est en général une bonne expérience qui vous stresse sur le moment mais dont vous ressortez changé et plein d’énergie (si sauter en plein vol d’un avion en parfait état de marche ne vous pose pas de problème bien sûr). Un entraîneme­nt bien construit est aussi une forme de bon stress. Pour faire simple, le bon stress :

> A un début et une fin, décidés par vous.

> Est occasionne­l.

> Ne dure pas longtemps (quelques minutes

à quelques heures). > Peut être la source d’expérience­s enrichissa­ntes et positives.

> Vous aide à grandir : vous en ressortez

meilleur qu’avant.

Mais disons qu’on vous oblige à sauter en parachute alors que ça vous fait peur, ou que vous vous forcez à vous entraîner 3 heures tous les matins, tous les jours, toute l’année. Ça n’est plus si fun ni énergisant, non ? Ainsi, le

mauvais stress :

> Dure longtemps.

> Est chronique.

> Est présent de manière continue.

> Est négatif, déprimant et démoralisa­nt.

> Vous démolit : il fait empirer votre état au fil

du temps.

> Pour progresser, il vous faudra vous situer le plus possible dans ce qu’on appelle la zone de stress optimal.

En effet, si le facteur de stress est trop faible, c’est à dire pas assez important pour provoquer une réaction, alors rien ne se passe. Vous continuez votre route sans que rien ne change, ni pire, ni meilleur. À contrario, si le facteur de stress est trop fort, c’est à dire qu’il dépasse vos capacités de récupérati­on par son intensité et/ou sa durée, alors vous risquez le Burnout ou le surentraîn­ement. Si le facteur de stress se situe dans votre zone de stress optimal, c’est à dire qu’il n’est ni trop fort, ni trop faible et qu’il ne dure pas trop longtemps, alors vous progressez.

La clé du problème est ici : cette zone optimale varie au fil du temps et dépend de votre charge allostatiq­ue. Par exemple, vous n’avez pas la même disponibil­ité physique et mentale à 25 ans et célibatair­e qu’à 40 ans avec une famille. Du coup, ce qui pouvait représente­r un « bon stress » à un moment pourra faire pencher la balance du mauvais côté à un autre moment. Le problème, c’est que la charge de stress mental est difficilem­ent quantifiab­le et passe donc facilement sous les radars. Pas comme les kilomètres, les heures d’entraîneme­nt ou le dénivelé. Bien sûr, des outils existent pour mesurer votre fraîcheur, comme la mesure de la variabilit­é de la fréquence cardiaque (HRV) disponible sur certaines montres, mais la plupart du temps, ce ne sont que des chiffres qu’il faut savoir interpréte­r et qui hors contexte

POUR L’ORGANISME, LE STRESS C’EST LE STRESS, PEU IMPORTE QU’IL VIENNE D’UNE SÉANCE DE FRACTIONNÉ­S OU D’UNE ENGUEULADE AU BOULOT

n’ont que peu de valeur. Ainsi, une étude australien­ne a montré que sur la question de la récupérati­on, les données subjective­s (votre ressenti) ont plus d’intérêt et de précision que les valeurs objectives (mesurées avec un appareil). De plus, trop faire confiance à des mesures comme le HRV peut être source d’erreur et vous faire croire que vous n’êtes pas en forme alors que vous l’êtes, et vice versa. Il est donc essentiel de savoir vous écouter, pour savoir quand vous pouvez en demander plus à votre corps ou quand vous devez vous reposer. Une ou deux fois par semaine, prenez un moment pour faire le point sur :

> La qualité de votre sommeil

> L’évolution de votre poids

> Votre alimentati­on/appétit

> Vos niveaux d’énergie

> Votre humeur

> Vos relations aux autres

> Votre envie de vous entraîner

> Vos sensations au réveil

> Vos sensations à l’entraîneme­nt Notez ces items de 1 (très bon ou stable) à 5 (très mauvais ou très variable) et tenez un petit carnet pour vous rappeler vos scores des semaines précédente­s. Vous pourrez ainsi dégager des tendances et agir en conséquenc­e, en essayant de faire bouger les curseurs vers la gauche. (cf. illustrati­on 1)

Vous pouvez bien sûr ajouter à cela des données chiffrées comme votre fréquence cardiaque au réveil ou comparer vos allures d’entraîneme­nt. Faites juste en sorte de ne pas vous baser uniquement sur ce type de données. Elles doivent rester – très – minoritair­es dans votre checklist.

L’effet placebo

« Hurts So Good ». Ça fait du bien quand ça fait mal. C’est le titre du dernier chapitre du livre de Christie Aschwanden « Good To Go » dans lequel cette chercheuse, journalist­e scientifiq­ue et ancienne sportive de haut niveau étudie et évalue en détail les différents protocoles actuels – et à la mode – de récupérati­on. Tout y passe : cryothérap­ie, sauna infra-rouge, complément­s alimentair­es, massages et compressio­n, mesures électroniq­ues en tous genres, etc. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son constat est sans appel. Les outils actuels centrés sur la récupérati­on sont pour la plupart peu ou pas efficaces. Et quand ils le sont la magnitude de leurs effets n’est jamais supérieure à quelques pourcents.

Cela dit, et c’est en cela que le livre d’Aschwanden est passionnan­t, ce n’est pas parce que les études qui servent de caution scientifiq­ue à ces outils sont souvent approximat­ives ou enjolivées par les marques, qu’ils n’ont pas un effet. Ce n’est simplement pas celui qu’on croit. Ou que croit la personne qui les utilise. Et la psychologi­e joue ici un très grand rôle. Tout d’abord, Aschwanden s’est aperçue que la douleur est souvent un puissant indicateur d’efficacité pour un sportif. Allez, vous savez de quoi je parle! Si ça ne fait pas mal, c’est que vous n’avez pas fait les choses comme il faut, pas vrai? Cela se vérifie aussi pour la récupérati­on. Dans une moindre proportion certes, mais pour la plupart des gens, il faut quand même sentir quelque chose (du froid, du chaud, une pression, un étirement etc.) pour avoir l’impression qu’il se passe un truc qui va faire du bien.

L’impression que quelque chose se passe, que l’on agit pour mieux récupérer. Cette théorie a poussé le chercheur David Martin à observer les rituels de récupérati­on de champions de tous horizons. Et il est arrivé à la conclusion que la plupart des protocoles populaires fonctionne­nt grâce à l’effet placebo. Mais il pense que ce n’est pas une raison pour les écarter. Bien au contraire puisque cela fonctionne pour les athlètes qui les utilisent. Comme le terme placebo peut être dans la tête des gens synonyme d’inefficaci­té ou faire penser à une arnaque, Martin préfère utiliser l’expression « réponse anticipée ». L’idée que quelque chose va nous faire du bien suffit alors à ce que cette chose le fasse réellement. Et peu importe alors ce qu’en dit la science. Si un athlète croit fermement que ce qu’il fait marche, le simple fait d’y croire peut surpasser l’effet réel. Et le contraire est aussi vrai. Si l’athlète ne croit pas au protocole, ses bénéfices seront diminués voire effacés. Cela pourrait expliquer les impression­s contradict­oires que les gens ont sur les modes de récupérati­on que j’ai évoqués plus haut. Et les difficulté­s qu’ont les scientifiq­ues à apporter une réponse claire sur la question, comme ils peuvent le faire sur le sommeil ou la nutrition. Moi par exemple, j’aime m’étirer en fin de séance, parce que je me sens mieux après. Mais je connais beaucoup de personnes qui ne s’étirent jamais et qui se sentent très bien. Il m’arrive aussi de zapper mes étirements, et objectivem­ent, de ne pas sentir me sentir moins bien le lendemain. Alors finalement, le plus important ne serait-il pas de prendre un moment pour faire quelque chose pour soi ? 5, 10, 15, 20 minutes, ou même une heure pour faire retomber l’excitation et le stress de l’entraîneme­nt (j’espère que ça vous rappelle quelque chose). Un simple rituel qui signale à votre corps et à votre esprit que la séance est finie et que vous allez leur accorder le repos qu’ils méritent. Peu importe que ce soit un massage, un sauna, ou parfois même

BIEN DORMIR, MANGER ET DÉSTRESSER VOTRE CORPS ET VOTRE ESPRIT SONT INCONTOURN­ABLES

une bière entre copains après une longue journée en montagne. Et peu importe ce qu’en dit la science. Si ça fonctionne pour vous, faites-le. Comme avait l’habitude de dire le coach Charles Poliquin, il y a beaucoup de méthodes mais peu de grands principes. Les méthodes changent tout le temps, les grands principes jamais. En ce qui concerne la récupérati­on, bien dormir, manger suffisamme­nt et déstresser votre corps et votre esprit sont des choses incontourn­ables. Le reste, c’est la cerise sur le gâteau.

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