Défi Wind Mauritius
Bords sans fin chez Maurice
Qui n’a jamais rêvé de tirer des bords sans fin en short dans un lagon translucide ? Pour une quarantaine de rideurs, le rêve est devenu réalité à l’île Maurice les 8 et 9 septembre derniers sur la première édition du Défi Wind Mauritius ! Des longues distances de 40 km puis 80 km ont, d’entrée de jeu, positionné l’épreuve mauricienne parmi les plus gros challenges en windsurf dans le monde. Vous vous en doutez, l’accueil et les paysages mauriciens magnifient encore le tableau alors que, vraisemblablement, ce n’est que le début du rêve…
C’est l’histoire d’un mec qui est un jour venu brancher Philippe Bru en plein Défi Wind de Gruissan en lui disant à peu près ceci : «Écoutes, Philippe, tes bords de 10 km là, c’est pas mal… Mais si tu es vraiment un mec de défi, vient faire un tour à l’île Maurice, là-bas on peut faire beaucoup mieux.» Ce mec, c’est Christopher Tyack, un défieur mauricien passionné de windsurf comme on en fait peu et dévoué à la promotion de son sport préféré ainsi que de son terrain de jeu : l’île Maurice. Selon lui, lorsqu’il est venu brancher «le Bur» sur ses terres il y a bien cinq ans, les lagons de l’Est mauricien offrent un potentiel jusque-là inégalé pour un parcours de longue distance en windsurf au vent de travers. Qu’à cela ne tienne! Philippe n’étant jamais contre un petit trip pour trimbaler un maximum de boardbags, l’affaire était lancée ou presque. Le temps de quelques repérages et de la validation effective de ce terrain de jeu au potentiel hors du commun de glisse sur des bords sans fin, le Défi Wind Mauritius était né. Sauf que comme pour tout défi, il est toujours plus facile de le dire que de le réaliser !
UN PARCOURS DE OUF
Histoire de dresser un peu le tableau, parlons du parcours. Les cinq premiers kilomètres du run se déroulent dans le lagon turquoise de la pointe d’Esny entre l’île aux Aigrettes et le reef du «Fer à Cheval». L’eau y est assez plate et translucide, c’est juste paradisiaque. Ensuite vient la partie centrale du run, toujours protégée par un reef, il faut néanmoins naviguer sous le vent du lagon le moins profond en raison de patates dangereuses. Sur une dizaine de kilomètres, l’eau est d’un bleu foncé et profond et il y a un peu plus de clapot sans que ce soit non plus vraiment agité. Ici, il y a du fond et du relief à terre, on se sent parfois un peu petit, ça fait partie du charme de l’endroit. Mais une fois sur «Joyride», la dernière partie du run, c’est vite oublié. Ici, en approche de l’île aux Cerfs, vous avez cinq kilomètres d’eau cristalline avec environ un mètre de fond, parfois moins de cinquante centimètres. Pour couronner le tout, vous naviguez juste sous le vent de la barrière de corail qui vous offre donc une eau incroyablement lisse, comme si vous naviguiez au bord d’une plage plate. C’est un vrai rêve au niveau glisse. Si vous n’avez pas fait le calcul tout seul, voici un peu d’aide : 5+10+5 =20km sur le même bord! Voici ce que permet le lagon de la côte est de l’île Maurice, sur un run coincé entre la côte et le reef pour naviguer sur de l’eau plate et relativement «safe».
L’ENFER DE GRUISSAN VS LE PARADIS DE MAURICE
Pour faire un petit comparatif, beaucoup d’entre vous connaissent le terrible run de Gruissan… Bah ! celui-là, c’est 10km, mais OK la tram' n’est pas l’alizé et ça corse quand même sacrément le truc. L’alizé vs la tram' c’est un peu comme une étape de plaine et une étape de montagne sur le tour de France. Mais n’empêche, ici, les bords font le double ! Kevin Grosjean, qui se déplaçait pour la première fois à Maurice, a apprécié le parcours qu’il qualifie de «long, magnifique et varié !». Pour continuer avec les comparaisons, la baie de l’Almanarre, c’est à peine plus de 5km et la rade de Brest, combien? 3km? Autant vous dire que 20km sur le même bord et sur de l’eau plate, c’est juste hallucinant. Surtout que ça glisse vraiment fort. Auparavant, comme tous les coureurs, Kevin n’avait «jamais fait des bords de 20km! C’est grisant et ça procure des sensations différentes, à mettre en parallèle des sensations de dépassement de soi des sports d’endurance». Le cadre paradisiaque ne gâche évidemment rien, même si certains passages restent un peu flippants. Lorsque l’on traverse les passes, comment ne pas penser à la vie sous-marine et comment ne pas se sentir petit en observant sous le vent les montagnes tomber dans l’océan Indien ? Mais heureusement, le lagon de «Joyride» arrive finalement vite. Grâce à ses bords colossaux de 20km, vous l’aurez également compris, un aller-retour sur le parcours c’est déjà 40km parcourus et donc deux allers-retours ce ne sont pas moins de
80km! Vous cherchiez le parcours ultime pour vous mesurer à vos potes et à vousmême en windsurf, avec un vent un peu moins sauvage que la tram' de Gruissan? Ne cherchez plus. Il est là le challenge !
L’ESPRIT DE FAMILLE
C’est d’ailleurs complètement sous cet angle du «challenge» que l’ont pris les participants, à commencer par votre humble serviteur qui s’est engagé en matos freeride sans camber, juste pour le plaisir et dans l’optique de boucler la boucle. Eh bien j’en ai eu pour mon argent en vivant un kiffe rare entre dépassement de soi, sensations de glisse infinies et paysages magnifiques ! Karo Van Tonder, la belle Sud-Africaine et seule femme engagée, n’a pas vu les choses autrement. «Je me souviendrais à jamais du Défi Wind Mauritius comme la plus belle expérience et le plus gros challenge de ma vie en windsurf. Boucler le parcours de 80km a été le meilleur défi de ma vie au niveau mental et physique. Cela va m’encourager à repousser mes limites plus loin sur et en dehors de l’eau. L’esprit d’équipe et les nouvelles amitiés qui y sont nées resteront également comme des moments forts pour moi.» Kevin Grosjean est un habitué de Gruissan et il a «retrouvé à Maurice des similitudes évidentes. La flotte est composée de rideurs aux niveaux et attentes hétéroclites, qui partagent une passion commune pour la glisse. C’est cette passion partagée qui, à mon sens, est à l’origine de cette atmosphère si particulière que l’on retrouve à Gruissan comme à Maurice. En revanche, en termes de nombre de défieurs, l’échelle n’est pas la même, l’ambiance y est encore plus “familiale”.» Il est vrai qu’en marge de la course et des classements, il régnait autour de l’événement une ambiance mêlant le légendaire accueil mauricien, l’esprit du Défi Wind et le goût de l’aventure partagée de se lancer sur une épreuve inédite, et après tout un peu folle, car parmi les rideurs au départ, peu avaient déjà parcouru des bords aussi longs, encore moins en course.
UNE COURSE RELEVÉE
Au niveau de la course, cette première édition du Défi Wind Mauricien s’est d’emblée positionnée comme internationale. Outre les excellents locaux comme Julien Maurel ou Fabrice Leclezio, l’Afrique du Sud, l’Australie, la France, la Grande-Bretagne et les Seychelles étaient représentés parmi la quarantaine de participants. Avant le départ, personne ne faisait trop le malin, car il était difficile de savoir à quoi s’attendre au niveau physique sur des bords de 20km en course. Le premier bord de la manche de 40km a d’ailleurs cueilli de nombreux rideurs à froid. Un peu abattu, la pression sur la jambe arrière était forte et le sang peinait à circuler dans le pied arrière de ceux qui naviguaient sur une planche au plan de pont anguleux sous le strap arrière. Le bord du retour demandait quant à lui de bien caper depuis l’île aux cerfs jusqu’à l’arrivée. Après avoir glissé grand largue durant 20km, il fallait bien payer l’addition à un moment ou un autre. Sur cette manche, c’est le Seychellois Bertrand Lablache qui a trouvé la meilleure trajectoire en rejoignant la ligne d’arrivée d’un seul bord armé de son iSonic et de sa 7.8. Julien Bontemps, pourtant super rapide sur son foil, ou le missile Kevin Grosjean ont trop cherché leur chemin pour l’emporter, tout comme les locaux Leclezio ou Maurel. À l’arrivée, une petite pointe de déception était perceptible dans le regard de ces compétiteurs, mais elle était vite masquée par le plaisir procuré par le parcours, les paysages et plus encore la joie de vivre cela ensemble. Une énorme course de 80km les attendait pour le lendemain et, désormais, le parcours étant repéré, il était clair qu’on ne les y reprendrait plus. Une bonne nuit de sommeil et une matinée tranquille plus tard, le directeur de
course Philippe Bru, lançait son fameux compte à reBUR (© Julien Bontemps) avant le départ au lièvre de la grande course de 80km. Cette fois, ce n’est pas un aller-retour à l’île aux Cerfs, mais deux! L’excitation et l’appréhension étaient palpables au briefing et sur la plage avant ce saut dans l’inconnu. Par chance, l’alizé était calé légèrement plus à gauche et un cran au-dessus en termes de force. Le vent de travers était donc assuré dans les deux sens pour un maximum de plaisir et de facilité à trouver les bouées. Au niveau du matos, tout le monde pouvait descendre d’une taille et naviguer avec moins de 7.0. Si le vent moyen était d’environ 22-25 noeuds, des pointes à 30 noeuds attendaient les rideurs en milieu de parcours, histoire que ce ne soit pas trop facile quand même. Dans ces conditions, en tête de course, la bagarre ne tarda pas à se lancer. Julien Bontemps perché sur son foil F4 avec sa 7.0 RS:X convertible tenait la dragée haute aux meilleurs slalomeurs sur la première partie du parcours et forçait le respect avant de devoir rebrousser chemin faute de profondeur sur la dernière section vers l’île aux cerfs. Mais à cet instant, Kevin Grosjean avait déjà commencé à prendre son envol. «Je ne sais pas comment il arrive à aller vite aussi longtemps», se demandait encore à l’arrivée le champion local Fabrice Leclezio plus à l’aise sur les formats de course type slalom. Kevin, lui, n’a pas bronché sur les deux tours de parcours avalés en un peu plus d’une heure et quinze minutes avec plus de cinq minutes d’avance sur Julien Maurel, lui-même devant Fabrice Leclezio et Christopher Tyack. Pour ces athlètes bien préparés, l’effort et la bagarre ont été intenses. Kevin Grosjean explique pourtant que «le plus difficile pour lui (moi) pendant ces 80km de course du dernier jour a été de rester concentré. Le parcours passe par des endroits vraiment variés, du clapot pas trop dur puis un peu de courant et du clapot croisé, puis une longue zone de plat ! Il faut garder assez de lucidité et d’attention pour adapter son style de navigation à ces changements de conditions pour rester rapide et éviter la chute.» Éviter de tomber, c’est aussi ce que la majorité de la flotte recherchait surtout pour les amateurs purs et durs dont l’unique objectif était de compléter le parcours. Quatre fois 20 km c’est quand même super long… Mais plus c’est long, plus c’est bon ! Ou plutôt au Défi, plus le challenge est difficile, plus c’est bon de le valider! Sur le même principe qu’à Gruissan, le Défi Wind Mauritius permet à chacun de se fixer son Défi: arriver devant tout le monde, devant son pote, tenter de tenir la distance et terminer sans tomber. Ici, on est un peu plus dans l’endurance, les conditions étant tout de même plus faciles grâce à l’alizé plus tranquille que la tram'. Karo Van Tonder a été la seule femme à s’élancer sur le parcours et à le compléter. Elle a terminé au bout de ses forces avec un temps très honorable d’une heure et quarante-cinq minutes, et mérite un vrai coup de chapeau. Sur une telle distance avec seulement quelques dizaines de participants, on se retrouve vite seul au milieu de nulle part et il faut savoir s’accrocher pour finir. La blonde Sud-Africaine témoigne : «Compléter un tel parcours requiert une bonne endurance physique et de la force mentale. Je dirais que c’est quand même réservé aux personnes un minimum préparées. Mais après une préparation intense, c’est très gratifiant d’accomplir un tel exploit et je suis vraiment heureuse d’avoir eu l’opportunité de le faire.» Merci, donc, à Christopher Tyack et à ses partenaires dont le groupe hôtelier Attitude et la MTPA, l’office du tourisme de l’île Maurice, pour avoir permis la réalisation de cet événement hors norme qui en appelle d’autres.
PLUS NOMBREUX (ET PLUS LONG ?) L’ANNÉE PROCHAINE ?
Au moment de tirer le bilan, certes le Défi Wind Maurice et sa quarantaine de participants n’ont encore rien à voir avec les plus populaires longues distances hexagonales en termes de densité de rideurs sur l’eau. Certes, le prix du billet d’avion n’est pas négligeable, même si le voyage de nuit est idéalement programmé. Mais pour ceux qui en ont les moyens, le concept vaut vraiment le voyage. Si l’on additionne le légendaire accueil mauricien, l’ambiance Défi Wind, le parcours et ses paysages dans le lagon, les conditions de nav' en short dans l’alizé sur le plat et un vrai défi sportif à relever, nous ne pouvons que vous recommander de surveiller la sortie des dates de l’édition 2018 pour venir à votre tour vous tester sur la plus longue distance du monde ! Quoi de mieux que de se lancer dans une aventure que l’on ne ferait pas tout seul en profitant d’un cadre idyllique ? Et en plus, de là à ce que Philippe Bru se lâche sur une course de 100km en allongeant le run à 25 km, il n’y a qu’un pas ! Ce serait dommage de rater ça.