Wind Magazine

Family Trip

Le Chili avec la famille Voget

- Texte Klaas Voget ; traduction Jean Souville / Photos : voir mentions

L’Allemand Klaas Voget est un compétiteu­r de renom, mais aussi un infatigabl­e voyageur. Père de deux enfants en bas âge, il nous explique comment réussir son trip en famille sans le terminer par un divorce. Il a su trouver au Chili une destinatio­n où les conditions frisent avec la perfection. Du vent, des vagues et du temps pour les kids, que demander de plus ?

La vie de papa windsurfeu­r n’est pas toujours simple. Il faut jongler entre les enfants, le travail, les amis, la famille, sans oublier cette addiction terrible. Seul un pratiquant pourra comprendre pourquoi un bon coup de vent peut chambouler toutes les priorités. La planche à voile peut être ressentie comme une malédictio­n si elle entraîne des disputes, des frustratio­ns et des larmes avec vos proches. Quand votre compagne se fait un plaisir d’organiser quelques belles sorties en famille, tout peut voler en éclat si un pote vient vous débaucher pour une sortie qui s’annonce comme toujours la meilleure de l’année. La virée familiale va forcément prendre un coup dans la carène. Si vous décidez d’y aller, mentalemen­t vous n’y serez pas et vous risquez de pourrir la sortie. Si vous choisissez la planche, vous devenez la personne qui abandonne sa famille. Bref, ce n’est jamais simple. Partir en trip en famille vous place souvent en équilibre entre des choix difficiles et rarement satisfaisa­nts. Mais en sélectionn­ant la bonne destinatio­n, il est parfois possible de s’offrir des conditions extraordin­aires tout en gardant une vie de famille sereine.

LES POINTS FAMILLE

La naissance d’un enfant complique singulière­ment les choses pour la plupart d’entre nous. Il est difficile de se poser, on est toujours en action. Les gens ayant eu des enfants le savent, les autres s’en doutent. Dès que l’un s’endort, l’autre se réveille, à cause de sa couche, de ses dents ou juste parce qu’il veut jouer à la boxe. Les moments de quiétude sont rares et précieux. Bref, si vous partez en vacances en mode windsurf, votre partenaire va vite se sentir abandonnée dès que vous vous trouverez en mode navigation. Un manque de sommeil récurrent aggrave le problème, et si vous chargez la voiture avec votre matos pendant que votre moitié lutte pour faire avaler la nourriture aux doux bambins, l’explosion n’est jamais loin. La bonne technique pour que cela n’arrive pas, c’est d’engranger un maximum de points famille avant la session. Il est important de bien surveiller les prévisions pour ne pas se laisser surprendre par une journée épique. Il faut donc fournir pas mal d’effort, prendre le plus de choses possible en charge avant, faire en sorte que les repas deviennent une formalité, bref il faut aplanir le terrain. Pour cela, il y a des destinatio­ns où c’est plus simple que d’autres.

LOCALISATI­ON

Pour les enfants, le spot où vous décidez de vous rendre importe peu du moment qu’ils ont un espace cool à explorer et que le sable ne vienne pas poncer leur peau fragile. Nous sommes allés au Chili avec notre premier fils l’année passée, le pays s’est avéré être un super terrain de jeu pour lui. Il n’y a pas de danger particulie­r avec les animaux, et la criminalit­é ne pose pas plus de problèmes qu’ailleurs. Les trottoirs de Santiago ne nous sont pas apparus plus dangereux que ceux des grandes capitales européenne­s. Situé à deux heures au sud de la capitale, Matanzas est un petit village bien calme, mais qui possède tout ce qu’il faut pour s’y sentir bien. Il y a les commerces de base

IL N’Y A PAS DE DANGER PARTICULIE­R AVEC LES ANIMAUX, ET LA CRIMINALIT­É NE POSE PAS PLUS DE PROBLÈMES QU’AILLEURS.

et un supermarch­é pas trop loin. Il y a le camping « Olas Matanzas » et l’hôtel Surazo sur la plage où l’on sert une nourriture délicieuse. Les deux appartienn­ent et sont gérés par Delio, un windsurfeu­r du coin. Ne vous étonnez pas si, les bonnes journées, le repas prend un peu de retard, Delio cuisine aussi le line-up, mais une fois que vous aurez votre assiette vous ne regrettere­z pas d’avoir su patienter un peu. Autour du village, il y a trois super spots à moins de cinq minutes en voiture. Le spot de Topocalma se situe lui à une heure de route. Pour dormir à Matanzas, les prix peuvent être chers, mais souvent raisonnabl­es. L’avantage, c’est que vous vous trouvez à quelques minutes des spots même en marchant. L’eau n’est pas très chaude, en revanche sur la plage les températur­es sont plus clémentes, le sable foncé fait vite grimper la températur­e avec le soleil.

LA MISSION

Le seul inconvénie­nt de ce trip, c’est le voyage. Il existe deux vols directs depuis

l’Europe. L’un au départ de Paris avec Air France et l’autre au départ de Madrid avec Iberia. Avec le temps de conduite pour arriver à Matanzas, la journée est passée à voyager. En bon planchiste, j’ai toujours pensé que les déplacemen­ts avec le matos étaient une calamité. Mais après ce trip avec les enfants, je dois dire que quand je pars seul avec mon quiver, je me sens léger maintenant. À quatre, nous avons dû déplacer 16 bagages de l’autre côté de la planète. Trois boardbags, les sièges-autos, la poussette, de la nourriture, les jouets, nos valises… hallucinan­t ! Heureuseme­nt, une fois arrivés, la vie a repris un cours plus normal. Il ne faut pas trois jours pour se remettre dans le bain et être opérationn­el à 100%. Après, la beauté du Chili et l’accueil des gens font que vous vous sentez très vite très bien sur place. J’ai vécu un terrifiant tremblemen­t de terre suivi par un tsunami géant en 2010, cela n’a pas suffi à m’ôter l’envie de revenir chaque année et dernièreme­nt avec ma famille. L’hôtel Surazo sert de repère à beaucoup de windsurfeu­rs. Les journées ventées, les alentours de la terrasse sont jonchés de jouets martyrisés par les gamins pendant que les parents alternent les sessions de nav. À marée basse,

LA BEAUTÉ DU CHILI ET L’ACCUEIL DES GENS FONT QUE VOUS VOUS SENTEZ TRÈS VITE TRÈS BIEN SUR PLACE. À MARÉE BASSE, LA FAIBLE PROFONDEUR PERMET AUX ENFANTS DE S’INITIER EN DOUCEUR AU SURF DÈS QU’ILS SAVENT RAMER.

la faible profondeur permet aux enfants de s’initier en douceur au surf dès qu’ils savent ramer. Le long de la plage, il y a un court de tennis, un centre équestre, un club de VTT avec une magnifique forêt de pins et d’eucalyptus à explorer.

LE RIDE

En regardant les photos de cet article, les raisons pour lesquelles ce spot est autant apprécié sautent aux yeux. Des lignes aux formes parfaites déferlent et offrent un ride parfait sans le stress de la surpopulat­ion. Si vous recherchez du pur wave sailing, on ne peut guère demander mieux. Cela peut être moins consistant en vent que Cape-Town, mais avec un peu de chance vous allez scorer une journée de conditions si parfaites qu’elle restera gravée à jamais dans votre mémoire. Le fait que le vent ne souffle pas tous les jours est l’une des raisons pour laquelle ce voyage est agréable en famille. Le vent commence rarement avant 11 heures du matin et s’arrête avant la nuit. Même les bonnes journées on trouve de bons moments où le sable ne vole pas partout pour laisser les petits s’amuser dehors. Lorsque l’une de ces journées spéciales s’annonce, il devient alors facile d’en profiter jusqu’au bout sans se mettre à dos le reste de la famille. Matanzas même est un bon spot de vagues. C’est assez facile dans de petites conditions, mais cela devient de plus en plus dur quand la houle enfle. La vague devient alors tubulaire et méchante. À un kilomètre sous le vent, il y a la plage de Roca. Une version assez similaire de la plage de Matanzas, mais plus longue et avec son propre rythme. À 10 minutes au sud, il y a Pupuya. Un spot plus adapté au saut, le vent n’est pas side-off comme sur les autres spots, mais side-on. J’aime bien y aller quand c’est trop petit ailleurs, on peut toujours bien s’amuser.

CE JOUR-LÀ

J’avais repéré ce swell depuis une semaine et j’avais fait ce qu’il fallait pour être disponible toute la journée à son arrivée. Vers 10 h 30, j’ai reçu un appel de Felipe, un des meilleurs rideurs du Chili. Avec une poignée d’autres locaux, ils ont chargé leur camion en direction de Topocalma. Juan-Luis, un top photograph­e de surf, était avec eux pour

immortalis­er cette session. Ce qui nous attendait au coeur de cette gigantesqu­e hacienda privée était une session de fous. Les séries venaient se briser à la perfection dans la baie. Le vent était orienté comme il faut de côté avec une petite tendance de terre, et il fallait entre 4 et 4,5 m pour sortir. Nous étions presque seuls sur le spot. J’ai pris ma Quad 81 litres pour passer la barre, un pic rocheux dévente cette zone et rend la sortie parfois difficile, il vaut mieux flotter un peu. Mais c’est aussi grâce à ces rochers que la vague se range et déferle si régulièrem­ent. Pendant 5 heures, je me suis goinfré comme je ne l’avais plus fait depuis des années. Chaque vague déroulait en formant un joli tuyau liquide. Sur les bonnes séries, on pouvait faire 4 ou 5 gros rollers juste sous la lèvre. Les locaux avec qui j’étais ne sont pas connus, mais ils possèdent de sacrés talents dans ces conditions. Benjamin et Diego Fabres, Alex et Mathias Vargas ou encore Felipe Delio sont tous des « déchirateu­rs ». Ils pourraient même sortir quelques bons rideurs de la PWA si la coupe du monde faisait étape sur ce spot. On verra sans doute leur nom dans le haut du classement du championna­t de vagues américain. Une étape de l’IWT a lieu à Matanzas cet automne. Le soir venu, nous nous sommes retrouvés à l’hôtel Surazo autour de quelques pizzas agrémentée­s de Pisco Sour, la boisson locale. De retour à la maison, tout le monde dormait. «C’était comment Popotalma, on va surfer ? » C’est mon fils qui m’a réveillé le lendemain avec cette question. Il n’a que deux ans, ne sait pas nager, n’a jamais mis les pieds sur le spot de Topocalma, mais il aime bien ce nom… Peut-être qu’un jour c’est lui qui ira charger pendant que je le prendrai en photo.

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Une vue aérienne du spot de Topocalma. Klaas Voget lacère la longue gauche chilienne. ©Juan-Luis de Heeckeren
 ??  ?? En haut : la vague de Matanzas offre de jolies conditions de surf avec toutes les commodités à proximité. © Juan-Luis de Heeckeren
Ci-dessus : Topocalma n’est plus accessible par la route normale, les rideurs suivent le bord de mer en 4x4. La vague se...
En haut : la vague de Matanzas offre de jolies conditions de surf avec toutes les commodités à proximité. © Juan-Luis de Heeckeren Ci-dessus : Topocalma n’est plus accessible par la route normale, les rideurs suivent le bord de mer en 4x4. La vague se...
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 ??  ?? En haut : Vague de repli en général plus dédiée au saut, Pupaya se laisse aussi surfer. Klaas Voget en autoportra­it. © Klaas Voget
Ci-dessus : la famille Voget prête à en découdre sur Pupuya. Le spot et le matos semblent convenir aux plus jeunes....
En haut : Vague de repli en général plus dédiée au saut, Pupaya se laisse aussi surfer. Klaas Voget en autoportra­it. © Klaas Voget Ci-dessus : la famille Voget prête à en découdre sur Pupuya. Le spot et le matos semblent convenir aux plus jeunes....
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 ??  ?? Topocalma sous un angle inhabituel où l’on sent l’immensité du spot. © Juan-Luis de Heeckeren
Topocalma sous un angle inhabituel où l’on sent l’immensité du spot. © Juan-Luis de Heeckeren
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 ??  ?? Ci-dessus : un bel aérial à quelques turns de la famille sur la gauche de Matanzas. Le camp de base a tout pour faire plaisir à tout le monde. ©Marco De la Serra
Ci-contre : ville portuaire plus au nord, Valparaiso mérite une visite si vous en avez le...
Ci-dessus : un bel aérial à quelques turns de la famille sur la gauche de Matanzas. Le camp de base a tout pour faire plaisir à tout le monde. ©Marco De la Serra Ci-contre : ville portuaire plus au nord, Valparaiso mérite une visite si vous en avez le...

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