Wind Magazine

Interview

Julien Bontemps

- Texte Erwan Jauffroy / Photos : voir mentions.

Avec une médaille d’argent olympique et quatre titres de champion du monde, Julien Bontemps est l’un des grands messieurs du windsurf français, d’autant plus que ses compétence­s ne s’arrêtent pas là. Quiconque l’a déjà vu dans les vagues comprendra. Retraité du plus haut niveau depuis un an et demi, Julien s’est lancé corps et âme dans le windfoil tout en assurant sa reconversi­on. Nous avons profité du Mauritius Attitude Challenge pour discuter avec lui.

Désormais retraité du plus haut niveau olympique depuis un an et demi, est-ce que ta vie d’avant et la compétitio­n te manquent ?

En fait, franchemen­t non pas trop. C’est surtout le support RS:X qui ne me manque pas du tout. Ce que je fais maintenant ça me plaît vraiment… Je me cherche un peu au niveau de mes missions à la Fédé, enfin je sais ce que je fais, mais je ne suis pas sûr de vouloir faire ça tout le temps. Et là, j’aimerais bien refaire des compètes en foil. C’est plutôt ça qui me botte, continuer à naviguer, à garder un pied sur la planche.

Justement, qu’est-ce que tu fais à la FF Voile depuis que tu es retraité de la RS:X ?

Je suis coordinate­ur de la préparatio­n physique au niveau national et là, depuis le début de l’année, la Fédé voulait que je sois coordinate­ur de la perf’ humaine qui inclut la prépa physique, mentale, le médical, etc. C’était gérer tout le staff et puis là ça faisait trop de paperasse. Le boulot était super intéressan­t, mais je ne me voyais pas passer mon temps à faire des e-mails. Du coup, j’ai demandé à arrêter de faire ça pour me concentrer juste sur la prépa physique. Là, je bosse sur de la formalisat­ion de contenu pour faire des publicatio­ns définissan­t les spécificit­és physiques de chaque support de la voile, quels sont les besoins et le chemin à parcourir pour arriver au haut niveau. Cela fait longtemps que ça n’a pas été fait. Je travaille là-dessus avec Manon Borsi, car l’écriture et tout ça, c’est pas trop mon truc. C’est intéressan­t. En parallèle, j’ai aussi des missions régionales avec la Ligue des Pays de la Loire où je développe le circuit foil, de la formation sur le foil pour les encadrants. Je vais aussi proposer des petits stages windfoil pour les particulie­rs.

Toi qui connais bien la nouvelle et talentueus­e génération RS:X avec Pierre Lecoq, Louis Giard et Thomas Goyard. Comment jugestu cette équipe de France en vue des JO de Tokyo 2020 ? Vois-tu en eux un futur champion olympique ?

L’équipe est super costaud là ! En termes de potentiel, la RS:X est la série où la FF Voile se pose le moins de questions à l’heure où je te parle. Des gars comme Louis, Thomas ou Pierrot ont tous les trois le potentiel d’être Champion olympique. Même si Thomas et Louis n’ont pas encore l’expérience des Jeux, il n’y a pas de raison. Ils ont tous les trois déjà remporté un grand titre donc ils peuvent « perfer ». Après, je ne connais pas le plan d’eau de Tokyo et ses spécificit­és. Sur les trois, il y a des profils un peu différents, mais pour la PO, c’est presque un luxe d’avoir une équipe si forte par rapport à ceux qui sont seuls dans leur nation et qui sont obligés de faire le tour du monde pour trouver des partenaire­s d’entraîneme­nt.

Tu as accroché d’un coup au windfoil au lendemain de ta retraite de l’équipe de France. Qu’est-ce que tu y trouves ? Une nouvelle jeunesse ?

Je trouve ça top, car cela donne une nouvelle dimension à la planche. Après, j’ai trouvé ça pas mal, car après la RS:X où j’avais développé des sensations à peu près fines sur une planche, j’ai trouvé ça complément­aire. C’est beaucoup moins physique, mais en sensations c’est super riche. Et le fait d’avoir basculé immédiatem­ent de l’un à l’autre, j’ai trouvé ça super intéressan­t.

C’est pour ça que l’on voit Pierre, Thomas et Louis faire beaucoup de foil, je pense qu’il y a beaucoup de choses à aller chercher sur le foil qui sont intéressan­tes même pour la RS:X. Et donc moi du coup, c’est un nouveau jouet, la planche en 3D, le moindre réglage est sensible, en tout cas beaucoup plus qu’en planche traditionn­elle. En plus, on est au début alors forcément quand on commence une nouvelle pratique on découvre ça tous ensemble. On va sur un parking et on regarde. Il y a un tel qui a trouvé une nouveauté alors on s’y intéresse, etc. C’est aussi ça qui est bien.

Tu as participé à quelques compètes cet été en foil à La Baule, Penmarch et La Tranche. Qu’en retiens-tu ?

C’était top ! À la Baule, à la Foiling Bay, on a essayé des formats de course un peu innovants avec des départs au travers puis une abatée au portant. C’était super intéressan­t avec de nouveaux schémas stratégiqu­es et tactiques. À titre perso, c’était vraiment bien de vivre autre chose que le départ au près et la bouée au vent. Après, je me suis fait un peu surprendre à La Tranche. Je n’étais pas assez bien calé au vent de travers. Je n’en avais pas assez fait pour être aussi rapide qu’Antoine ou Alex Cousin qui allaient très vite. Il faut que j’en bouffe un peu plus et pas forcément tout seul. Mais bon, c’est ça qui est intéressan­t. Pour le développem­ent du matos, ce qu’il faut c’est aussi de valider en compète. C’était bien de voir où en étaient les meilleurs et d’ailleurs ça m’a motivé pour aller en PWA. Le championna­t d’Europe RS:One, là c’était en monotypie donc complèteme­nt différent. Là, je suis arrivé un peu tard sur l’épreuve, la fleur au fusil parce que j’avais du taf avant. Pendant ce temps, les gars s’étaient bien calés sur le matos à l’entraî- nement et je suis arrivé en retard. Je n’ai jamais réussi à jouer en vitesse avec Thomas Goyard et Sébastien Kornum.

Sur le Défi Wind Maurice on t’a vu jouer au coude à coude au travers en longue distance avec les slalomeurs, même dans 18 à 30 noeuds de vent. As-tu été surpris ?

Oui c’était top ! Aujourd’hui, je sais ce dont je suis capable dans le vent soutenu à fort avec un foil. Le développem­ent du matériel foil évolue en même temps que les rideurs. Plus le temps passe et plus mes retours sont fins, je sais sur quoi jouer pour gagner en vitesse. J’ai été le plus surpris de pouvoir m’en sortir avec la même surface que les slalomeurs. Je n’avais pas plus petit que 7.0 et le jour de la Memorial race de 80km, ça s’est plutôt bien passé pour moi, même si je n’ai pas pu faire l’ensemble du parcours en raison du manque de profondeur sur la dernière partie du lagon.

Comment vois-tu le développem­ent du foil dans le futur, notamment en direction du grand public ?

Moi, je suis très compète, mais le fait d’avoir fait quelques clinics cet été avec des amateurs, ça m’a permis de voir aussi l’oeil du freerideur, des gens qui font de la planche juste pour le plaisir. C’est sûr qu’eux, ils ne veulent pas forcément naviguer avec des grosses toiles, ils veulent des planches et des foils faciles. Je pense qu’aujourd’hui par rapport à ce qui se faisait avant, même il y a peu de temps, on a déjà progressé dans l’accessibil­ité. On se trouve avec une génération de foils qui demande quelques sessions pour s’y habituer, mais on se fait quand même beaucoup moins surprendre qu’avant. Les gens cherchent des voiles légères et on est complèteme­nt dans l’esprit primaire du foil, de la navigation facile dans peu de vent. C’est ça qui est sympa et intéressan­t. D’ailleurs sur mes clinics, j’ai eu de tout, de 14 à 60 ans. Ce sont les filles qui m’ont le plus impression­né. Elles sont beaucoup plus fines et très à l’écoute des conseils, en tout cas plus que les mecs. La compète c’est important pour le développem­ent du foil en général, même pour l’accessibil­ité parce que pour aller vite on a besoin de stabilité. Un foil rapide, c’est un foil stable, donc un foil accessible. Je pense que les deux sont nécessaire­s.

Nous sommes actuelleme­nt à l’île Maurice pour le Défi Wind Mauritius. C’est ton deuxième séjour ici, que penses-tu de la destinatio­n ?

C’est magique, on peut difficilem­ent faire mieux. Ici, à l’anse de la Raie, c’est parfait pour le freeride, le slalom et le foil, le climat est juste magique, l’eau est super bonne alors que c’est l’hiver. C’est assez exceptionn­el et je ne te parle même pas de l’hôtel où on est… (Zylwa Attitude, N.D.L.R.) Et puis le spot du Morne c’est mythique. Sur un même spot, tout le monde peut s’éclater, du débutant aux meilleurs mondiaux. Il y a juste pour le foil quand même où je flippe un peu pour les patates, surtout à la pointe D’Esny. Je pense qu’avant de venir ici pour en faire, il faut être bien informé des zones de navigation possibles et de l’importance des marées. Il ne s’agit pas de s’aventurer dans le lagon sans s’être bien renseigné. Une fois que tout cela est calé, c’est vraiment un endroit incroyable pour foiler, l’eau est magnifique, translucid­e et le contraste avec les montagnes en arrière-plan est juste superbe. J’en ai pris vraiment plein les yeux ! La faune est aussi incroyable, nous avons vu les baleines sauter au Morne. Sur cette île, on a la sensation parfois d’être tout petit face à cette faune, mais aussi par exemple lorsqu’on arrive au pied du rocher du Morne ou encore lorsque l’on prend les paquets de houle au large de Manawa.

« AUJOURD’HUI, JE SAIS CE DONT JE SUIS CAPABLE DANS LE VENT SOUTENU À FORT AVEC UN FOIL. »

 ??  ?? Page de droite: quadruple champion du monde et vicechampi­on olympique, même en préretrait­e Julien Bontemps est très attentif à son matériel, encore plus lorsqu’il s’agit de foil. © Xavier Koenig/ Defi Wind Mauritius
Page de droite: quadruple champion du monde et vicechampi­on olympique, même en préretrait­e Julien Bontemps est très attentif à son matériel, encore plus lorsqu’il s’agit de foil. © Xavier Koenig/ Defi Wind Mauritius
 ??  ?? Ci-contre : sur les longues distances du Défi Wind Mauritius, Julien Bontemps, en foil, a tenu tête aux slalomeurs, même dans plus de 20 noeuds de vent ! © Xavier Koenig/ Defi Wind Mauritius
Ci-contre : sur les longues distances du Défi Wind Mauritius, Julien Bontemps, en foil, a tenu tête aux slalomeurs, même dans plus de 20 noeuds de vent ! © Xavier Koenig/ Defi Wind Mauritius
 ??  ?? À l’île Maurice sur le spot de la pointe D’Esny, Julien a interpellé badauds et spécialist­es par ses performanc­es impression­nantes en foil ! © Erwan Jauffroy
À l’île Maurice sur le spot de la pointe D’Esny, Julien a interpellé badauds et spécialist­es par ses performanc­es impression­nantes en foil ! © Erwan Jauffroy

Newspapers in French

Newspapers from France