Wind Magazine

LA BLESSURE

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occasionne­r de sérieuses blessures. Didier Leneil dans les années quatreving­t-dix s’était coupé l’artère fémorale sur une réception de front. Autre classique, le matos qui nous part dessus dans les vagues. Une planche poussée par la mousse peut vous assommer ou vous casser la mâchoire si la tête dépasse de l’eau. C’est déjà arrivé. Toujours dans les vagues, la réception violente d’un front a permis à un nombre non négligeabl­e d’arcades sourcilièr­es d’éclater. Quelques dents aussi peuvent dire merci au retour du gréement lors d’un off the lip trop tardif. Bref entre choc violent capable de faire perdre connaissan­ce et coupures à cause de l’aileron ou d’un rail, les possibilit­és sont nombreuses. À noter que plus le vent est fort, plus les vagues sont grosses, plus les chocs ont de raisons d’être forts et donc dangereux. Vous aurez une probabilit­é plus importante de vous blesser lors d’une tempête que lors d’une session avec un petit 15 noeuds bien régulier. En général ces crashs se soldent par quelques petits bobos. Un bleu, une coupure ou une petite entorse. Le passage aux urgences est heureuseme­nt souvent évité. Reste que dans certains cas, le traumatism­e est important. Le risque de noyade est hélas réel dès lors que le rideur est sonné dans l’eau. Si personne ne vient à son secours, c’est la noyade quasi assurée. Boujmaa Guilloul n’a eu la vie sauve sur un énorme crash en saut qu’aux bons réflexes de Klaas Voget. Un gros traumatism­e peut aussi vous empêcher de remonter sur votre matos. Une épaule luxée rend le retour à terre très compliqué si vous êtes seul. Entre la douleur et l’épuisement, la catastroph­e n’est jamais loin. Dans un registre un peu différent, le véliplanch­iste peut avoir affaire à quelques contacts rugueux sur le fond ou le rivage. Beaucoup de nos spots sont par exemple bien garnis en digues. Vagues et courants ont vite fait de vous conduire dans des zones inhospital­ières. Se faire jeter contre des rochers n’est jamais un moment facile à vivre ni pour votre matos, ni pour vous. Entre les risques de coupure et les chocs sur la tête. L’échouage est clairement un moment difficile. Après quelques spots de vagues sont réputés pour la dangerosit­é du fond. Une gamelle à Teahupoo peut vous projeter salement sur le reef. La violence du choc peut blesser et parfois tuer. Des spots où la vague casse sur une barrière de corail comme le Morne sur l’île Maurice font des dégâts en cas de mauvaise gamelle. Attention aussi au shore-break. Ces vagues qui parfois n’ont l’air de rien mais qui peuvent vous projeter le matos violemment vers vous. Si c’est juste votre égo qui en prend un coup quand vous tentez de sortir, ce n’est pas bien grave. Mais il y a moyen de se blesser bêtement en se faisant écraser par son gréement ou en se prenant un coup de planche.

Jules Denel fait partie des cascadeurs réputés de l’hexagone, toujours au top sur le circuit mondial de vagues, le nordiste a connu quelques blessures handicapan­tes. Des entorses en surf et en saut qui ont eu du mal à passer. Mais sa mésaventur­e à Maui en avril 2015 a bien failli lui coûter cher : « C’était pendant les photos shots, c’est un peu dur, on fait des grosses journées où il faut faire de tout; du freeride, de la vague… J’ai voulu m’entraîner, je suis allé tout seul sur Lanes, le spot voisin d’Hookipa, il y avait un bon 2 mètres. En surf, je veux taper la lèvre, j’hésite à frapper car j’arrive un peu tard. La vague me choppe et m’embarque, je me retrouve sur la mousse. À Maui, la mousse est dense, elle te démonte, à un moment je vois que je suis sur la carène de la planche. Ça dure une seconde, j’essaie de partir mais je glisse vers les ailerons, je sens les ailerons qui me tapent la cuisse. Heureuseme­nt, ils tapent sur le côté rond. Au début, j’ai d’abord pensé à récupérer mon matos, je ne me suis pas bien rendu compte du choc. Quand je l’ai récupéré, je tâte le haut de la cuisse et je sens ma main rentrer trois phalanges dans une énorme blessure. Avec l’adrénaline, l’instinct de survie a pris le dessus, je ne voulais pas voir ce que j’avais pour ne pas paniquer. Je me suis dit: prends ton matos et rentre le plus vite possible avant de tomber dans les pommes. Mais y’a une barre de deux mètres a passer, à Lanes et c’est compliqué de sortir de l’eau sans aide. Je passe la barre, je fais un bord au large et je reviens sur Hookipa. Je vois Kauli Seadi et Jason Polakow sur la plage, ils me voient et ont fait une tête… Les garde-côtes m’ont dit de partir à l’hôpital. Par chance, la coupure était sur une zone où il y a beaucoup de chaires entre la cuisse et la fesse. J’ai eu 40 points quand même. La coupure est passée à 1 cm de l’artère fémorale et seulement quelques mm des muscles, s’ils avaient été touchés ça aurait une autre histoire. Si l’artère avait été sectionnée j’y passais je pense. J’ai dû naviguer 9 jours après l’accident parce que c’était les shootings. J’avais mis de la vaseline et du cellophane. J’ai pété 5 ou 10 points direct… mais au bout d’un mois je n’avais plus rien ! »

L’enfer c’est les autres! Au bureau, en bagnole et parfois sur la plage. Les journées bien ventées des spots comme l’Almanarre Carro ou Wissant pour ne citer qu’eux, se transforme­nt parfois en autoroutes aux heures de pointe. Les occasions de se croiser, de se frôler et de se toucher ne manquent jamais. La densité, l’euphorie de certains, la méconnaiss­ance d’autres, ou encore l’inattentio­n produisent régulièrem­ent des crashs. Dans les grands classiques, il y a le croisement mal géré, si les rideurs se voient le choc peut être amoindri, mais il reste dangereux quand les deux rideurs réagissent dans le même sens. Le passage sur un rideur, un surfeur ou un nageur est une situation qui se répète trop souvent. Un cas renforcé quand le soleil bas fait briller la mer et rend invisibles les têtes qui dépassent à peine de l’eau. La compétitio­n et le slalom offrent régulièrem­ent des crashs aussi dangereux que spectacula­ires. L’adrénaline, la navigation à la limite, l’envie de passer coûte que coûte font prendre des risques. Rappelez-vous cette perte de contrôle de Taty Frans à Fuerte pendant la PWA. Il s’était lui-même planté l’aileron dans la cuisse et avait failli éclater Pierre Mortefon. Les secours sont arrivés tout de suite, mais les muscles de Taty avaient été entaillés, sa saison s’était terminée. Un accident qui a traumatisé les rideurs. Un fait de course très rare. Bien que peu de temps avant, le Croate Ethan Westera s’était fait casser la cheville par ce même Taty. Bien qu’une conduite à risque puisse être un motif de disqualifi­cation, le passage au No Rules n’a pas amélioré certaines compétitio­ns. Au chapitre des rencontres à risque, les vagues offrent aussi de bonnes opportunit­és. Quelques gros spots plus gâtés que d’autre part la météo sont saturés de monde et la sécurité n’est clairement pas le souci de certains rideurs. Saut sur un collègue, roller sur le mec qui tente de se relever, bottom sur celui qui passe la vague… Quand le spot mélange windsurfeu­rs et kiteurs, le risque augmente d’autant que les réactions des deux supports ne sont pas les mêmes. Attention aux bateaux aussi, leurs trajectoir­es et leur vitesse font que l’on doit s’en écarter et ne pas tenter le diable. Surtout lors d’un départ du Défi Wind, où quelques contacts sur le bateau sont à déplorer. Wissant, la Coudoulièr­e, Carro, des spots réputés où ces situations ont tendance à se répéter. En général, les chocs font de la casse matos et c’est vite oublié, mais pas toujours. Le témoignage que nous livre Bernard Carrias lors d’une session normale à Carro rappelle à quel

point il est important d’être vigilant pour soi et pour les autres: «

Nous touchons là ce qui est vraisembla­blement le danger numéro 1 du windsurf. Les causes de malaise peuvent être multiples. On ne peut objectivem­ent pas les passer toutes en revue, il s’agit d’une défaillanc­e du corps. Un coup de fatigue lié à une hypoglycém­ie, une mauvaise santé générale. Une simple crampe aigüe peut avoir de graves conséquenc­es dans l’eau. Nous avons deux défauts majeurs en windsurf. d’abord, l’irrégulari­té intrinsèqu­e de la pratique. À part quelques veinards bien placés, les sessions sont aléatoires et parfois espacées de plusieurs mois. Le second point assez logique, c’est la façon dont le windsurf fait fonctionne­r notre corps. Il y a des phases calmes, mais

www.windmag.com des moments très intenses où tout notre métabolism­e est mis à contributi­on. Une relance au jibe, le passage de vagues sont par exemple, des moments où le coeur s’emballe. L’Allemand Klaas Voget avait réalisé une étude très intéressan­te dans le cadre de ses études en 2009. Il avait équipé un panel de coureurs de cardio fréquencem­ètres. Vagues, slalom, navigation libre, il avait passé à la moulinette le rythme cardiaque pendant la navigation. Résultat, même en navigation libre, le coeur est toujours en action. Dès que l’action s’intensifie ou que les manoeuvres s’enchaînent le coeur dépasse ponctuelle­ment 180 pulsations minutes (pm). Dans les faits, une navigation normalemen­t toilée peut déjà nous faire monter les pulsations au-dessus de 120 pm. Lors des manoeuvres même simples comme le jibe ou un saut simple, le coeur prend des tours. On passe en zone rouge dans des situations plus compliquée­s: Une navigation surtoilée, une grosse barre à passer fait s’envoler le rythme dans ses limites physiologi­ques. Si vous êtes trop toilé, mal réglé, votre palpitant à tendance à accélérer. Pour faire simple, une bonne session de deux heures est réellement épuisante et ce d’autant plus que vous ne pratiquez pas souvent. On fait un effort long avec de nombreux coups d’accélérati­on. En plus, la fatigue se ressent moins en raison du plaisir de la navigation. Les

décès en windsurf sont rarement clairement expliqués malheureus­ement. En l’absence de traces de coup, la piste du malaise cardiaque est souvent privilégié­e. Odile Patra est une cardiologu­e réputée et une véliplanch­iste assidue. Elle a connu toutes les évolutions du windsurf. Elle a fait quelques compétitio­ns, quelques longues distances. Aujourd’hui elle s’adonne surtout au free-ride “tranquilou”. Elle exerce du côté de Nantes à l’hôpital privé du Confluant. Elle nous donne les principaux risques cardiaques: « C’est vrai que c’est un sport intensif, mais pas plus que certains autres. Il est clairement exigeant, mais on peut moduler sa pratique, ceux qui ont eu des ennuis cardiaques peuvent encore naviguer en s’adaptant. Pour quelqu’un qui est à risque, le windsurf peut être dangereux car il se pratique sur l’eau. Dans l’eau, un malaise ne pardonne pas. Même un malaise vagal peut être fatal, une hyperventi­lation à cause du stress peut provoquer un malaise le gaz carbonique n’est plus assez dans le sang, on nettoie trop dans le sang on dégage trop de Co2 c’est pas bon pour le cerveau. Le stress de compétitio­n peut provoquer ce genre de choses pour de jeunes sportifs. Il y a plusieurs risques, on peut diviser en deux sortes de risques principaux : en dessous de 40 ans, ce sont en général des problèmes de rythme cardiaque. Cela touche des jeunes sportifs qui peuvent avoir des maladies cardiaques méconnues. Elles peuvent provoquer un accident souvent mortel, mais c’est très rare. Il y a eu certaineme­nt des noyades en planche à cause de ce genre de problèmes, des malaises qui ne sont pas expliqués. Une syncope dans l’eau ça peut aller très vite. À partir de 40 ans et cela touche plus les hommes, c’est l’infarctus. Une maladie des artères, la thrombose coronaire aigüe est souvent déclenchée par l’effort. En général il y a beaucoup de signaux et ce n’est pas toujours pendant l’effort, mais l’effort et le froid peuvent aggraver les choses. Le froid augmente la sensibilit­é, les artères se rétrécisse­nt plus et le corps dépense beaucoup d’énergie, il régule moins bien l’activité cardiaque. Mais en planche, on n’est pas dans des froids extrêmes comme en alpinisme au-delà de 6 000 m, mais ça joue, c’est pour ça qu’il faut être bien protégé. »

La météorolog­ie, c’est la science qui est censée prédire le temps qu’il fera à court terme dans un endroit donné. Nous l’utilisons de mille façons car elle nous sert de base à l’organisati­on de nos vies de planchiste­s. Nous pensons tous la connaître, pourtant, qui ne s’est pas trouvé un jour en galère sur un petit flotteur au large avec l’obligation de rentrer à la nage ou en stop. Qui ne s’est pas retrouvé au milieu d’un grain effroyable dans l’incapacité de faire son water-start à cause d’une voile intenable? Nous sommes à la merci d’un temps qui n’a ni dieu ni maître. Potentiell­ement les galères sont nombreuses. La pétole s’invite parfois brutalemen­t sur certaines sessions. Un spot qui reçoit bien une certaine direction de vent peut se transforme­r du tout au tout si le flux varie de quelques degrés. Cela signifie soit un retour à la nage soit de grosses difficulté­s pour regagner son point de départ, voire un échouage dans un coin pas pratique du tout. Le spot de Carro est un grand fournisseu­r de ce genre de situation, quand le vent vire au nord, les retours à la nage sont nombreux. L’interventi­on des secours peut devenir nécessaire régulièrem­ent. A contrario un excès de vent peut devenir tout aussi nuisible et plonger beaucoup de windsurfeu­rs dans une situation de détresse. Un gros nuage ou un vilain grain peut à tout

www.windmag.com moment transforme­r radicaleme­nt la météo. Bretons, normands et Nordistes reçoivent régulièrem­ent des grains qui chamboulen­t le vent. Toutes ces situations deviennent encore plus inquiétant­es dès lors que le vent est un peu de terre. Petit rappel aussi, les voiles mouillées avec des mâts en carbone s’entendent très bien avec la foudre. L’orage est un danger, mais c’est multiplié si vous vous trouvez dans l’eau. Bruno André en a fait l’amère expérience en se faisant foudroyer sur une AFF. Inanimé, il n’a eu la vie sauve qu’à la présence de Ludo Jossin qui l’a maintenu hors de l’eau le temps que les secours arrivent. Au chapitre des histoires qui ont marqué le windsurf, la première manche du Défi Wind 2015 est un cas d’école d’un couac provoqué par la météo. C’était au mois de mai, les inscriptio­ns étaient pleines, la Tram était attendue forte tous les jours. Tout commence tranquille­ment, les inscriptio­ns se terminent, la Tram commence à peine à se lever. Au moment du briefing, les drapeaux s’agitent à peine. La météo annonce un coup de vent assez classique. Philippe Bru prévient, attention, le vent est beaucoup plus fort à la bouée de Port La Nouvelle à 10 km de Gruissan. Mais les anémos ne se sont pas encore affolés. C’est entre le déclenchem­ent du compte à rebours et le départ officiel que les choses changent. Le ciel se voile et le vent prend des tours. Les drapeaux claquent fort et l’eau commence à fumer. Quelques habitués ont vu le coup venir et sont partis avec du petit matos. Pour une majorité de Défieurs, c’est trop tard ils sont partis trop toilés. Le départ est un peu chaotique, mais se passe bien. Pas mal de planchiste­s abandonnen­t déjà. Mais certains insistent malgré le vent qui dépasse 50 noeuds. La situation vire au carnage pour les compétiteu­rs, même les pros se battent mais on sent qu’ils peinent à contrôler le matos. Au premier jibe, les pros se font coucher comme des débutants par les puissantes rafales. Que dire du planchiste moyen qui n’a pas l’habitude de la violence de ce vent. Il se fait secouer, tombe sans arrêt, s’épuise et se retrouve en perdition avec son matos trop gros comme des centaines d’autres rideurs !

Certains rejoignent le bord comme ils peuvent, d’autres dérivent poussés vers le large. Heureuseme­nt le dispositif sécu est solide, ceux qui ont de la chance sont récupérés par les bateaux ou les jets, d’autres s’accrochent aux bouées en attendant leur tour de longues minutes. L’équipe du Défi va s’activer des heures pour récupérer tout le monde. Du matos sera perdu, mais la leçon est rude. Sur les 1 200 partants seuls 377 ont pu boucler la manche numéro une. Il n’y a jamais eu pire !

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 ??  ?? Ci-dessus: fin de session brutale pour un windsurfeu­r qui s’est blessé à la jambe.
Ci-dessus: fin de session brutale pour un windsurfeu­r qui s’est blessé à la jambe.
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Gros crash à la bouée lors d’un slalom de la PWA en Nouvelle-Calédonie.
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Ci-contre : départ catastroph­e de Thomas Goyard au Japon, en raison d’une difficulté à stopper son vol en foil.
Ci-dessus : Bernard sur son spot fétiche, cette fois la sortie est dégagée. Ci-contre : départ catastroph­e de Thomas Goyard au Japon, en raison d’une difficulté à stopper son vol en foil.
 ??  ?? Ricardo Campello en pleine zone rouge : le stress de la compétitio­n, la mer qui le malmène, heureuseme­nt qu’il a la caisse.
Ricardo Campello en pleine zone rouge : le stress de la compétitio­n, la mer qui le malmène, heureuseme­nt qu’il a la caisse.
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Klaas Voget sait bien l’effort que demande une session dans les grosses vagues.
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Un puissant grain vient secouer les windsurfeu­rs sur le spot de Wissant, mieux vaut s’arrêter.

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