Hélène Noesmen
Hélène n’en est pas à son coup d’essai dans le milieu du windsurf. Elle a déjà fait parler d’elle chez les jeunes en Bic Techno avec deux titres mondiaux en 2007 et 2008, puis en RS : X avec un titre jeune en 2012 et une victoire en coupe du Monde à Miami en 2018. Mais ce qu’elle vient de faire en Suisse sur le championnat du monde de Formula Foil puis sur les championnats d’Europe IQfoil mérite d’une part un grand coup de chapeau et beaucoup d’attention. Après un début d’année riche en vide et en annulations, elle vient tout simplement de faire une jolie démonstration de force sur les premiers championnats internationaux de l’année. Avec deux victoires de suite qui semblaient presque faciles, la sablaise est devenue la femme à battre ou à suivre.
Bonjour Hélène, peux-tu nous faire une brève présentation de ta vie de planchiste ?
Je viens d’une famille de windsurfeurs. Mon père était aussi en préparation olympique et il a fait des podiums européens et mondiaux. J’ai une grande soeur et deux grands frères qui ont tous fait de la planche et ont eu de bons résultats sur des compétitions. Ils font encore du foil aujourd’hui. Pierre est devenu entraîneur au pôle de Brest. J’ai toujours fait principalement de la planche à dérive, d’abord en Bic Techno 293 puis RS:X. Je fais du fun en slalom ou en longue distance aussi, mais ça fait beaucoup de matos à avoir et le calendrier est superchargé, c’est assez dur de vouloir tout faire, donc la planche à dérive est longtemps restée prioritaire. J’ai fait quelques bons résultats, j’ai trois titres de championne du monde jeune. En sénior, j’ai fait de belles places mais j’étais rarement aux avant-postes. Je faisais mes études d’ingénieur en parallèle, ça n’aidait pas vraiment. En 2017 et 2018 j’ai eu de bons résultats, j’ai fait une place de deux sur le site des JO de Tokyo aux championnats du monde et j’ai gagné une étape de la coupe du monde à Miami en 2018. J’ai eu un gros problème de santé et j’ai dû arrêter un moment. Cela m’a mis hors course pour la sélection des JO de pékin et j’ai perdu mon contrat de travail aménagé à cause de cette mauvaise année. Du coup j’ai dû bosser à temps plein. Maintenant que je sais que le foil est aux JO, j’ai dû démissionner pour pouvoir me préparer à fond. Je cherche des parte
naires pour financer la saison, je suis en cours de recherche pour l’instant j’ai juste du matériel. Depuis la fin du confinement, je ne fais que du foil pour préparer les JO 2024. Je n’ai pas fait de planche avec un aileron depuis la mi-mars. En foil on a pas mal de compètes cet automne, donc il y a un regain d’intérêt, surtout avec l’IQfoil pour Paris 2024, mais je garde la possibilité de faire du foil avec mon matos perso.
Une page se tourne avec la fin de la RS : X ?
Avant les JO, il reste une compétition en RS : X en novembre, mais ce n’est plus ma priorité. Je ne remonterai plus sur ces planches, c’est très probable. J’ai passé du temps dessus, j’ai commencé en 2009. Il me reste du matos au cas où… Ce qui me fait bizarre, c’est de me dire qu’on va s’arrêter d’en faire alors que je n’ai même pas fait de dernière compétition officiellement avec. On a fait les derniers entraînements mi-mars juste avant les derniers jours où on pouvait aller sur l’eau. En novembre, on savait que le foil était le prochain support olympique. Dès l’hiver, je faisais déjà moitié foil, moitié RS : X dans mes sorties. Mais maintenant c’est fini officiellement. Ça fait bizarre qu’on soit passé sur un autre support.
Vous venez de récupérer les iQFOil, les planches sélectionnées pour les Jeux de 2024, la prise en main a été facile? On a pu récupérer du matos depuis le mois de juillet. Depuis, on a fait deux stages avec la FFV à Marseille et à Quiberon. On a testé beaucoup de choses pour les réglages pour choisir le fuselage, faire les réglages de voile… C’était top, on était assez nombreux. Il y a beaucoup de choses à voir encore, mais le support est assez instinctif pour trouver un réglage moyen. On prend pas mal le GPS pour essayer de voir les vitesses cibles, pour voir ce qu’on peut faire pour aller plus vite en fonction de la position et des réglages. Le matos est très tolérant et performant : certains foils sont plus durs d’accès. J’ai fait mes débuts en Lokefoil avec les planches Elix, ça m’a permis de prendre de l’aisance technique ces dernières années en foil. De m’entraîner sur du matos différent c’est parfait pour découvrir les réglages comprendre quelles sensations correspondent à quels réglages. Du coup même en iQFOil je suis plus fine en réglages.
La transition vers le foil semble ne pas t’avoir posé de problème, c’est un support que tu connaissais bien ? Cela fait 3 ans que je fais vraiment du foil. La première fois c’était sur une AFF en 2015 à Saint-Malo. Kévin Festocq de Lokefoil se régalait, je trouvais ça beau de le voir faire, il volait quand nous, on était scotchés. On galérait pour valider des manches de slalom et j’ai essayé son matos entre deux manches. Au début c’était le rodéo, j’ai eu envie d’en refaire, mais j’étais bien occupée par la RS:X. C’est plus tard que j’ai attaqué, Lokefoil m’a équipée, au début j’étais dans la démarche des petites voiles, je ne voulais pas que le gréement me gêne. J’en faisais en loisir, je voulais juste m’amuser et apprendre. J’aimais cette sensation de réapprendre la planche avec toutes les étapes! Faire un bord sans tomber, mettre les pieds dans les straps, rester au harnais, faire un jibe… C’est comme au début de la planche mais avec des progrès plus rapides. La
base technique se réadapte vite au foil, du coup on progresse très vite. La première compétition où j’ai couru en foil, c’était le raid la Tranche-Île de Ré. Ils étaient tous en gros matos, moi j’avais ma petite voile et j’avais du mal à rester en l’air. Par la suite, j’ai eu l’objectif d’en faire plus.
Aujourd’hui, le foil prend de l’ampleur dans toutes les compétitions, tu aimes cela ?
Oui! C’est que du plaisir sur l’eau, c’est génial au quotidien. On a encore beaucoup de choses nouvelles à comprendre et à découvrir. En fait on a tout à apprendre, mais comme avec la RS : X, pour progresser il faut passer beaucoup de temps sur l’eau. On peut plus facilement naviguer avec d’autres rideurs et s’amuser. En race ou en free-ride il y a toujours quelqu’un sur le spot en foil, C’est cool de naviguer avec un rideur lambda. En RS: X tu ne croisais personne qui faisait les mêmes bords que toi, on ne faisait jamais de travers! Le plaisir n’était pas dans la même chose, il n’était pas dans la recherche de technique car on avait fait à peu près le tour. Mais on avait le plaisir dans la confrontation avec les autres. Mais ce n’est pas du plaisir de glisse instinctif. La RS : X est une planche très technique, elle est lourde à faire planer. En foil, il y a tout de suite ce plaisir de la glisse. C’est sympa, il faut être sensible, c’est très réactif, on a de bonnes montées d’adrénaline. Une erreur de contrôle entraîne une grosse chute. Dans du vent très fort on ne va pas super vite pour le moment par rapport à la RS : X, on est limité par le contrôle, mais dans le vent faible c’est hallucinant. En RS : X on n’accélérait pas! De 15 à 25 noeuds on avait la même vitesse. Le seul problème du foil, c’est que la pétole commence plus vite en foil qu’en RS: X, avec 2 ou 3 noeuds on pouvait courir, en foil ce n’est plus possible. Et puis certains spots sont délicats pour se mettre à l’eau en foil, surtout s’il y a des vagues.
Peux-tu nous parler de tes victoires sur le championnat du monde Formula Foil et sur le championnat d’Europe d’iQFOil ce mois d’août ? Pour tout le monde, c’était le début de saison. J’y allais en voulant gagner, mais je ne savais pas à quoi m’attendre. Sur les
« C’EST COMME AU DÉBUT DE LA PLANCHE MAIS AVEC DES PROGRÈS PLUS RAPIDES. LA BASE TECHNIQUE SE RÉADAPTE VITE AU FOIL, DU COUP ON PROGRESSE TRÈS VITE. »
stages, j’avais fait la comparaison avec d’autres filles comme Marion Mortefon ou Delphine Cousin. Pendant des tests au Lac de Garde, j’avais déjà vu le niveau de certaines filles, je savais que je pouvais jouer devant. Mais en iQFOil slalom, je ne savais pas trop comment ça allait se passer. La vitesse compte, mais il faut aussi tactiquer: prendre de bons départs, bien se placer sur la ligne, choisir où on jibe et on vire surtout dans le vent léger. Je n’étais pas plus rapide mais j’étais plus à l’aise techniquement. Je pouvais regarder autour, j’ai bien compris le plan d’eau, en général j’étais bien placée à la première bouée de remontée et ensuite à la descente. Ce qui m’a surprise, c’est le slalom en iQFOil. Le premier jour, j’ai gagné la qualif et la finale facilement. Pareil sur la seconde manche, je ne pensais pas dominer le slalom aussi. En tout j’ai perdu je crois deux manches sur le Formula Foil et deux en iQFOil, principalement quand j’ai pris des risques et tenté des trucs. J’étais contente, ça m’a mis clairement en confiance pendant l’iQFOil. Le dernier jour, les points sont remis à zéro pour les qualifiés. Je savais que ma vitesse et ma tactique me permettaient de toujours être bien placée sans me mettre la pression pour gagner chaque manche. Je n’ai pas pris trop de risques au départ par exemple. Au début, je voulais juste bien me placer jusqu’en demi-finale. La dernière journée était stressante, le vent était changeant, tourbillonnant. Pendant la première demi, le vent est bien tombé, elle a dû être annulée. Heureusement la seconde demi-finale était en slalom, là j’ai gagné la demi, puis la finale.
C’était la première compétition de l’iQFOil, avec des slaloms dans le vent léger, une nouveauté dans la planche Olympique. Tu as vu ça comment?
Le côté manches rapides et courtes avec de l’adrénaline où tout peut se jouer, c’est sympa à voir, il faut voir comment ça s’adapte sur d’autres plans d’eau. Là on était 18 sur les manches, les bords étaient limités par la grandeur du lac, mais c’était assez long pour ne pas qu’on arrive trop en groupe et on avait une double bouée au premier jibe pour éviter des crashs. Après à la relance, ça s’étale un peu plus. Globalement, on a eu pas mal de retours positifs, le foil est plus impressionnant, ça donne une meilleure image de la planche à voile vue de l’extérieur.
Le classement des 12 premiers est remis à zéro pour des phases finales où celui qui remporte la dernière manche est le vainqueur. C’est clair, spectaculaire, mais très décrié, comment juges-tu cet aspect de la compétition ?
Je ne suis pas la plus grande supportrice de ce format. En voile on dépend de beaucoup de facteurs extérieurs on n’a pas besoin que ce soit le dernier qui gagne qui remporte le titre, pas besoin de ça pour être médiatique. Là, c’était sympa, on était proche des gens, mais ce n’est pas représentatif du niveau. Tout le monde peut saisir sa chance au dernier moment. C’est plus excitant, tout peut arriver, mais sur un support olympique où il y a des années de préparation derrière, je ne trouve pas ça très juste. On a notre mot à dire sur ce genre de choix. Pendant la semaine on a pas mal discuté. Ils vont sans doute mettre d’autres formats à l’essai, mais on ne sait pas ce qu’il y aura au Lac de Garde ni dans 4 ans. Les coureurs étaient plutôt contre, ils trouvaient ça injuste mais certains trouvent ça plus excitant.
Ce bon début de saison te motive pour la suite ?
Pour l’instant mon objectif c’est la sélection pour Paris, j’ai l’envie et cette compète me confirme que c’est possible. On verra dans 3 ou 4 ans je ne sais pas quand se feront les sélections, mais ça me motive pour y aller à fond. J’aimerais bien faire des PWA, ça va dépendre de la forme que va prendre la PWA l’année prochaine, si c’est combiné foil et slalom, c’est trop compliqué, il faut du temps et beaucoup de matos, j’ai peur de me disperser et de perdre mon objectif qui est l’iQFOil. Mais c’est clair que j’ai envie d’aller sur des compétitions.