Deutsche Welle (French Edition)

Des jeunes s'adonnent au culte des crânes

Des jeunes racontent que les crânes de leurs ancêtres leur parlent et les chérissent. Un reportage dans la série "Les jeunes face aux traditions et à la modernité."

-

La vie de Dahoumgué Firmin est marquée par des déceptions amoureuses. Il n'arrive pas à vivre avec une fille, mieux avec une femme, assez longtemps.

Ses affaires ne marchent plus malgré tous ses efforts. Il va chercher chez les initiés, la cause de ses malheurs. Il découvre que c'est son grand-oncle, mort il y a 22 ans, qui est fâché et qui lui pose des problèmes. Il va falloir alors déterrer son crâne pour le calmer. Une sorte de culte des crânes.

"Oui, le culte des crânes pour moi, ce sont des rituels dans le pays bamiléké qui consistent à faire des rituels traditionn­els pour le bienêtre et la prospérité. Il n'y a pas plus que trois semaines, j'étais à Penja moi-même, j'ai fait cela", nous dit Dahoumgué Firmin.

Enterré avec un caillou dans la main

Le grand oncle de Firmin a été inhumé avec un caillou dans la main, comme tous ceux et celles, selon la tradition des Grassfield­s du Cameroun qui décèdent sans laisser d'enfant sur terre.

"Il est décédé sans laisser d'enfant. Par conséquent, nous les enfants de la famille, nous sommes ses enfants. Nous nous sommes décidés d'aller le faire, d'aller le retirer (son crâne, NDLR). Et nous avons retiré, nous avons posé ça chez lui. Plus tard, nous allons acheminer ça au village, pour le mettre dans la case sacrée. Puis on va chercher son héritier."

Incapable de nouer des relations amoureuses avec des femmes, Firmin attribue-t-il ceci au crâne de son oncle ?

"Oui, j'attribue ça à ce crâne parce que c'est lui qui faisait en sorte qu'on n'avait pas. Puisqu'il y a quelques années on n'avait pas ce problème. Mais on commence à avoir ce genre de problème. On se demande qu'est-ce qui n'a pas marché? On s'est rendu compte que c'est ça et on est allé l'exhumer

",expliqueDa­houmgué Firmin.

Écouter l'audio 05:55Cliquez pour écouter le reportage d'Henri Fotso à DoualaFirm­in a désormais une femme mais...

"Oui, dans l'immédiat ça s'est fait. Moi j'ai la femme. Et ce qui est ressorti de là, le crâne, ce qu'il a demandé pour moi et tous les enfants ne sont pas les mêmes, il a demandé pour moi de chercher les femmes qui ont de l'argent.

Donc, ne plus aller vers les femmes qui n'ont pas d'argent",renchérit

Firmin.

Dans cette culture de l'Ouest du Cameroun, le crâne d'un parent ou d'un ancêtre est un objet sacré, un lien avec les divinités, un lien entre le vivant et le mort.

Et puisque les morts ne sont pas morts, ils continuent d'agir sur leurs descendanc­es.

Dzisop Narcisse, originaire de Mbouda à l'Ouest du Cameroun, est encore plus explicite sur ce qu'on fait d'un crâne exhumé et qu'on ré-enterre.

"Quand on enterre, on prend le cailloux, on met là où il y a la tête. On soulève la pierre, on prend la terre qu'il y a en bas. On ne creuse pas."

A lire aussi : ZAYÈNÉ "tord le cou" aux mariages précoces

Et qu'est-ce qu'on fait avec cette terre ?

"On donne, on partage à la famille. Chacun vient, on met dans sa bouche, on met au-dessus de la tête", explique Dzisop Narcisse. Celui-ci précise : "Généraleme­nt chez nous quand tu meurs, après deux où trois ans, on déterre, on retire ta tête, le crâne. On enterre à l'intérieur d'une maison, et on dépose le cailloux là-bas. Chaque jour, s'il faut faire les traditions, on vient on verse l'huile, le vin blanc et consort. Et puis, on retire la terre en bas du caillou-là. On met surtout sur la tête et on mange l'autre."

Traditions et mythes

Dzisop Narcisse fait partie des jeunes qui croient au pouvoir des crânes humains et aux pratiques ancestrale­s.

"Oui, bien sûr, la tradition de l'homme noir, on croit toujours en ça. Parfois on fait ça et on voit de ces réalités auxquelles on ne s'attendait pas. Parfois tu restes comme ça, on dit que tu es bloqué, il faut aller nourrir le crâne de ton grand-père. Dès que tu fais ça, les portes s'ouvrent. J'ai déjà eu à voir ça."

Il explique qu"on lui avait dit que son grand-frère va faire l'accident, qu'il va mourir. Que s'il ne le fait pas, il va faire l'accident, il va tuer quelqu'un et mourir. Dès qu'il l'a fait, l'accident était très léger. Ça n'a pas tué quelqu'un."

Tous les jeunes n'ont pourtant pas accès à leur culture ancestrale. C'est le cas de Cyrille Agbor, jeune camerounai­s anglophone qui se débrouille pas mal en français.

"Je suis né ici à Douala. C'est rare que je parte au village. A l'âge de 33 ans, je ne suis allé au village que trois fois. C'est la faute qui vient de mes parents, parce qu'eux-mêmes ne nous font pas apprendre la culture. Je prierai qu'il faut que mes enfants, je les amène à côté de mes grands-parents pour qu'ils apprennent la culture. Ou je les envoie dans une école culturelle de mon village pour qu'ils puissent aussi apprendre",reconnaitC­yrille Agbor

Le rituel des crânes en particulie­r et le culte des ancêtres en général constituen­t une pratique qui va au-delà des Grassfield­s du Cameroun.

Chacune des quelque 208 ethnies du pays a une connexion avec les ancêtres, même si ce n'est pas toujours par le culte des crânes.

A lire aussi : Une maison pour les Afro-descendant­s bientôt à Yaoundé

Chez les Sawa du Littoral camerounai­s, par exemple, les ancêtres sont vivants dans les eaux, tandis que chez les peuples de la forêt, on les retrouve justement en forêt.

"Cette culture-là me manque vraiment, parce que quand je vois les gars de mon village, ils parlent de la culture, ils parlent bien le patois, franchemen­t, je suis un peu frustré. Parce que j'aimerais aussi comprendre et parler avec eux. Parfois, eux, ils se moquent de

moi: comment tu peux être un gars du sud-ouest, un Banyangui, et tu ne connais pas ton patois. Pourtant, mes parents parlent bien leur patois. Ils ont grandi au village",dit Cyrille Agbor du sud-ouest du

Cameroun. Celui-ci se dit frustré d'être ignorant de cette culture de ses ancêtres.

De nos jours, plusieurs milliers de crânes d'Africains peuplent encore des musées en Europe. Ils ont été emportés comme des trophées de guerre ou comme des objets de recherche scientifiq­ue pendant plus de deux siècles.

Pourtant au Cameroun, comme dans bien d'autres pays d'Afrique, l'attachemen­t à la géographie et à l'histoire est sous tendu par la présence des sépultures ancestrale­s, et surtout des crânes qui ne sont pas des objets morts. Ces objets agitent souvent les débats internatio­naux et les tensions entre nations.

Ainsi a-t-on vu en 2020 la France remettre à l'Algérie, la veille du 58ème anniversai­re de l'indépendan­ce algérienne, vingt-quatre (24) crânes de résistants décapités au XIXème siècle et entreposés à Paris.

A lire aussi : Attention, ça tourne à l'Institut des Beaux-Arts de Foumban !

est possible de contribuer à la reconstruc­tion de la Syrie en se mobilisant à travers des associatio­ns ou des projets caritatifs. "Je ne changerai pas de pays de résidence, je ne pense pas aller ailleurs, surtout maintenant que me je suis intégrée dans la société allemande."

Iman, qui veut devenir dentiste, se voit aussi plutôt agir à distance. "J'espère pouvoir apporter ma pierre depuis ici sans avoir à retourner en Syrie, car je ne veux pas retourner dans un pays où ma famille, mes voisins et ma maison ont disparu."

Pour Ghaith, c’est à l’Allemagne qu’il veut rendre quelque chose une fois adulte."Ici, ma famille a trouvé l'aide dont elle avait besoin. Après avoir obtenu mon diplôme, je veux aussi travailler et aider ceux qui ont besoin de moi ici en Allemagne", explique-t-il.

Selon Karim Al Wasseti, ce n’est pas à la jeunesse de subir le poids de la responsabi­lité. Pour l’expert en migration,"la reconstruc­tion de la Syrie est de la responsabi­lité de la communauté internatio­nale, qui n'a pas réussi à résoudre le conࢇit et à mettre ࢆn à la crise, ni à aider les personnes déplacées de force."

Un abri

Ce sentiment d’une intégratio­n réussie est partagée par les jeunes Syriens avec lesquels InfoMigran­ts a pu s’entretenir.

Aya se dit ainsi fière d’avoir "réalisé des choses" en Allemagne où elle estime avoir "un réel avenir". L'éducation était l'étape la plus importante selon elle, notamment parce qu’il fallait surmonter la barrière de la langue.

Quant à Iman, qui a traversé de nombreux pays et déménagé plusieurs fois lors de son périple avec sa famille, l’Allemagne est devenue pour elle "un nouvel abri".

Ghaith acquiesce : "Je me sens en sécurité avec ma famille en Allemagne, l'avenir ici est bien meilleur. J’ai la possibilit­é de réaliser tout ce que je veux sans avoir peur et sans devoir trop réࢇéchir. Maintenant que je suis intégré et ai des amis ici, je ne veux pas qu’on me prenne cela à nouveau."

 ??  ?? Les crânes humains peuplent les musées du monde entier - aussi ceux d'Africains arrachés à leurs pays.
Les crânes humains peuplent les musées du monde entier - aussi ceux d'Africains arrachés à leurs pays.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Germany