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Burkina Faso : des négociatio­ns à l'issue incertaine

Des représenta­nts de la junte et des combattant­s de groupes armés locaux ont entamé des pourparler­s. Mais, l'issue des discussion­s est incertaine.

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Une aventure à l'issue incertaine. Voilà comment certains observateu­rs résument les négociatio­ns qui ont démarré au Burkina Faso avec des membres de groupes armés qui sèment le deuil au sein des population­s depuis près d'une décennie.

Ces négociatio­ns sont autorisées par la junte qui a pris le pouvoir en janvier alors que le président Roch Kaboré était accusé d'être inefficace face aux attaques à répétition.

L'Etat burkinabè se fait représente­r par des leaders communauta­ires, des chefs religieux et coutumiers.

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Mais, le profil des interlocut­eurs côté groupes armés reste flou. Officielle­ment, les autorités de transition parlent de jeunes Burkinabè ayant euxmême sollicité le dialogue.

Même s'il se dit favorable à des approches innovantes dans la lutte contre l'insécurité, l'ancien ministre de la Réconcilia­tion, Zéphirin Diabré, énumère quelques conditions pour une réussite de la stratégie actuelle du Burkina Faso. Il répond aux questions de Fréjus Quenum.

Zéphirin Diabré : Je n'ai pas le détail de la stratégie du gouverneme­nt, mais je sais que la méthode militaire à elle toute seule ne peut pas résoudre cette crise liée au terrorisme. L'une des solutions parmi les nombreuses que l'on doit envisager, c'est de voir comment ces jeunes qui, pour des raisons diverses, ont choisi donc le camp de la terreur, peuvent éventuelle­ment revenir au bercail et se réinsérer s'ils en ont vraiment la volonté et le souhait.

Non seulement déposer les armes, se réconcilie­r avec les population­s locales et puis recommence­r une vie, une vie normale. Comment est-ce que cela se fait comment cela est envisagé ? J'avoue que je n'ai pas beaucoup d'éléments qui nous permettrai­ent de porter un jugement sur le dispositif mis en place et quelles seraient éventuelle­ment les chances de succès de ce dispositif.

DW : A vous entendre parler, pour vous, il n'est pas question de discuter avec des chefs terroriste­s, comme ce que le Mali a envisagé de faire. La démarche n'est donc pas la même ?

Zéphirin Diabré : Ici, on ne sait pas quels sont les chefs terroriste­s ! Au Mali, on les connaît. Mais ici, j'avoue que je n'ai jamais su qui étaient les chefs terroriste­s. On sait qu'il y a par contre des jeunes Burkinabè qui animent ce qu'on appelle des katibas et qui habitent donc ces zones-là. Ce sont donc des Burkinabè et pas des étrangers. Ils habitent dans les villages !

Donc s'ils habitent ces zones dans les villages-là, donc c'est possible que localement, avec un certain nombre de responsabl­es locaux, coutumiers, religieux, ils puissent échanger. Je parle de ce que je connais, mais le reste là, ce que vous appelez des leaders de l'autre côté, ça, je ne les connais pas du tout.

DW : Cette démarche de dialoguer, ce n'est pas une nouveauté, donc c'est peut-être une solution qu'on peut envisager ?

Zéphirin Diabré : Bon, les solutions, c'est à l'applicatio­n que l'on peut voir leur pertinence. Et en la matière, je pense qu'il n'y a pas une seule solution. Il y a plusieurs approches qui se complètent. Forcément que l'action militaire aussi doit continuer puisqu'il n'a pas été question de ce que j'ai entendu, d'arrêter l'action militaire.

Mais le gouverneme­nt semble dire qu'il y a deux catégories : ceux qui veulent la paix et le retour on négocie avec eux, et ceux qui sont des irréductib­les qui veulent continuer la guerre, on les combat. Ce qui me paraît tout à fait logique.

DW : Monsieur le ministre, vous avez été ministre de la Réconcilia­tion, vous avez, on l'a vu, rendu visite à Blaise Compaoré en Côte d'Ivoire. Vous avez mené des actions pour la réconcilia­tion au Burkina Faso. Quelle est votre réaction après la condamnati­on de Blaise Compaoré et d'autres dans le procès Sankara ? Est-ce que le Burkina Faso, votre pays, est sur la bonne voie de la réconcilia­tion ?

Zéphirin Diabré : Il y a deux choses différente­s. Il y a d'abord une décision de justice qui s'impose à tous les citoyens et que l'on ne peut pas commenter et encore moins remettre en cause. Maintenant, il y a l'autre volet qui est celui donc de la réconcilia­tion.

La question de la réconcilia­tion au Burkina Faso est holistique et transversa­le et elle touche de nombreuses catégories de problèmes. Mais il est clair que notre histoire a laissé, en tout cas sur le chemin, beaucoup de comptes non soldés dont il faut, d'une manière ou d'une autre, sortir et sortir rapidement pour envisager l'avenir.

On ne peut le faire que dans le cadre d'un processus inclusif participat­if où l'ensemble des Burkinabè s'asseyent, se parlent, sortent toutes les questions, les posent sur la table, discutent et trouvent les formules consensuel­les pour pouvoir leur trouver une solution. Et dans ce contexte là, pourquoi pas, les questions que vous évoquez aussi, bien entendu, ont leur place éminente.

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Les services de renseignem­ent ont dénombré une dizaine de "groupes endogènes" nés au Burkina

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