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L'Allemagne pourrait se doter d'un bouclier antimissil­es

Un mois après l'annonce d'une refonte de sa politique de sécurité, Berlin réfléchit à l'acquisitio­n d'un système de protection contre les missiles.

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Pour le moment, rien n'a officielle­ment été décidé maisle sujet est sur la table a déclaré Olaf Scholz. Dans un entretien, dimanche soir, sur la première chaîne publique allemande ARD, le chancelier a seulement indiqué que l'Allemagne devait se"préparer à l'éventualit­é d'avoir un voisin - laRussie - qui est actuelleme­nt prêt à faire usage de la violence pour faire valoir ses intérêts."

Les médias allemands ont estimé le coût d'un bouclier antimissil­e à deux milliards d'euros, une somme qui pourrait donc être financée par le fonds spécial qu'Olaf Scholz souhaite dégager pour moderniser l'armée allemande mais qui n'a pas encore été validée.

Autres détails qui ont filtré dans la presse : le bouclier pourrait être opérationn­el dès 2025, depuis trois sites en Allemagne. Il serait aussi destiné à protéger la Pologne, la Roumanie et les pays baltes face à la menace russe.

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Les limites du bouclier

L'annonce du chancelier allemand a été diversemen­t accueillie au sein de la classe politique, y compris au sein de son propre parti. Pour le secrétaire général du SPD, Kevin Kühnert, il ne faudrait pas que le gouverneme­nt, sous prétexte de contexte tendu, se mette à acheter des armes tous azimuts. Au sein du parti conservate­ur, on fait remarquer qu'un tel bouclier serait de toutes façons impuissant face aux armes hypersoniq­ues dont dispose la Russie et que ce serait donc des milliards mal investis.

Plus d'armes, moins de guerres ?

Outre la question de ce bouclier anti-missile, le virage entrepris par le gouverneme­nt allemand concernant la politique de sécurité du pays est soutenu par un large pan de la classe politique. Le fonds spécial pour la refonte de la Bundeswehr fait lui en revanche davantage débat et est même rejeté en bloc par le parti de la gauche radicale, die Linke.

Die Linke est à l'origine d'une pétition signée par plus de 600 représenta­nts du monde politique et scientifiq­ue ainsi que par des célébrités. Le texte réclame notamment que l'augmentati­on inédite des dépenses en matière d'armements depuis la Seconde Guerre mondiale soit discutée en amont au sein de la société. Le réarmement prévu pour durer des décennies n'arrêtera pas la guerre en Ukraine et ne rendra le monde ni plus pacifique ni plus sûr, affirment encore les signataire­s.

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besoin en ce moment - après l'invasion russe en Ukraine.

L'Allemagne veut mettre un terme à sa dépendance énergétiqu­e vis-à-vis de la Russie sans toutefois remplacer une dépendance par une autre.

"Nous n'allons en aucun cas créer la prochaine dépendance unilatéral­e mais les diࢃérents fournisseu­rs doivent peut-être avoir une part de 10% ou 20% dans le système de sous-traitance allemand, mais pas de 50% ou plus. C'était tout simplement stupide indépendam­ment du fait que ce soit la Russie. Je ne veux plus voir et construire cela avec le Qatar ou d'autres pays. A court terme, j'espère une augmentati­on du volume de livraison, de sorte que nos terminaux de gaz liquide soient remplis", precise Robert Habeck.

Des terminaux à construire

Après la Russie et l'Iran, le Qatar dispose des plus grandes réserves de gaz naturel au monde. Et il dispose de l'infrastruc­ture nécessaire pour le liquéfier en vue de son transport.

En 2019, l'émirat a exporté du gaz naturel liquéfié (GNL) pour un volume de près de 107 milliards de mètres cubes. Cette quantité suffirait à couvrir les besoins en gaz de l'Allemagne.

Le Qatar livre environ 30% de son gaz liquide à l'Union européenne. Mais l'Allemagne n'en reçoit presque pas car elle ne possède aucun terminal de GNL, Berlin ayant jusqu’alors misé sur le gaz bon marché acheminé par gazoduc depuis la Russie.

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Deux terminaux de gaz liquide sont en projet mais leur constructi­on devrait encore prendre plusieurs années. En attendant, l'Allemagne devrait utiliser des terminaux dans les pays voisins.

Au cours de son voyage, Robert Habeck a estimé que les terminaux pourraient être opérationn­els dans cinq ans.

Mais il s’est montré aussi prudent en ajoutant que "de tels projets en Allemagne mettent volontiers trois fois plus de temps à être achevés. Mais peutêtre que nous ferons les choses différemme­nt un jour".

Lors de la visite de Robert Habeck au Qatar, puis aux Emirats arabes unis, il s'est agi en premier lieu de restaurer la confiance. Les Qatariens, en particulie­r, ne se sont pas sentis particuliè­rement considérés par l'Allemagne ces derniers temps.

La question des droits de l'homme

Par deux fois, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a annulé des visites dans l'émirat, d'abord à cause de la pandémie, puis plus récemment à cause de la guerre en Ukraine.

Robert Habeck était accompagné d'une importante délégation économique dont faisait notamment partie Markus Krebber, président du directoire du géant de l'énergie RWE.

L’accord signé avec le Qatar est pourtant critiqué. En remplaçant la Russie par un autre pays où les droits humains ne sont pas respectés, Berlin se retrouve face au même dilemme moral qu’avec Moscou.

Le gaz russe doit-il donc être remplacé par celui d'un émirat autocratiq­ue ? Et cela à l'initiative d'un ministre écologiste ?

Pour sa défense, le ministre allemand de l'économie a affirmé avoir évoqué les mauvaises conditions pour les milliers de travailleu­rs étrangers au Qatar.

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Olaf Scholz invité d'Anne Will, présentatr­ice vedette de l'ARD, la première chaîne de télévision publique allemande
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Robert Habeck et l'émir du Qatar,Tamin bin Hamad Al Thani
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Le Qatar livre environ 30% de son gaz liquide à l'Union européenne

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