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Allemagne : la fouille du téléphone d’un migrant illégale

Berlin peut fouiller les smartphone­s de migrants sans pièce d’identité. Après plusieurs plaintes, un premier verdict a donné raison à une demandeuse d’asile.

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Lorsque Farahnaz S. demande l’asile en Allemagne en mai 2019, elle se présente aux autorités avec des certificat­s de mariage et d’autres documents pour tenter de prouver son identité. Mais il lui manque le document le plus important, un passeport. Les agents de l’immigratio­n lui demandent alors son smartphone pour vérifier que la jeune femme est bien originaire d’Afghanista­n comme elle le prétend.

"Je ne me souviens pas si je l'ai déverrouil­lé pour eux ou si je leur ai donné mon code pin, mais ils ont eu accès à tout", explique Farahnaz, dont l'avocat a demandé que son nom soit modifié par crainte que cela ne nuise à son dossier.

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Pendant près d'une heure, les agents de l’immigratio­n utilisent un logiciel pour analyser les métadonnée­s de l'appareil susceptibl­es de donner des indication­s sur l’origine de Farahnaz.

Un mois plus tard, la demande d’asile de Farahnaz est rejetée.

Si ce type de fouilles des téléphones portables pendant les procédures d'asile est devenu une pratique courante en Allemagne, elle vient d’être jugée illégale dans le cas de Farahnaz.

Un tribunal administra­tif de Berlin a en effet estimé en début de mois que l'Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF) n'aurait pas dû exiger ces données à un stade aussi précoce de la procédure de demande d’asile. Pour le président du tribunal, le BAMF a également violé la loi en stockant inutilemen­t les informatio­ns obtenues lors de sa recherche.

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Le premier d’une série de verdicts

Depuis 2017, les autorités allemandes ont la possibilit­é d'analyser les métadonnée­s des téléphones portables de demandeurs d'asile qui ne présentent pas de documents d'identité.

Mais dans trois affaires distinctes à travers le pays, des demandeurs d'asile ont décidé, avec le soutien de militants du respect de la vie privée, de poursuivre l'Etat pour cette pratique. Selon eux, ces analyses sont inefficace­s, excessives et intrusives. Les deux autres plaintes sont portées par des migrants de Syrie et du Cameroun.

Cette première décision du tribunal administra­tif de Berlin pourrait avoir des conséquenc­es durables sur la façon dont l'Allemagne se sert des nouvelles technologi­es dans les procédures d'asile.

"Le jugement suggère que toute pratique du BAMF qui consiste à fouiller des téléphones est illégale", a déclaré Lea Beckmann, une avocate travaillan­t pour l'ONG berlinoise Society for Civil Rights (GFF).

Pour elle, ce jugement pourrait désormais avoir un impact sur une plainte en cours auprès de l'organisme allemand de surveillan­ce de la protection des données.

Car en février dernier, la GFF et d'autres organisati­ons ont demandé à Ulrich Kelber, le commissair­e fédéral chargé de la Protection des données et de la liberté d'informatio­n, de se pencher sur ces fouilles téléphoniq­ues.

Contrairem­ent au tribunal de Berlin, Ulrich Kelber aurait le pouvoir d'ordonner au BAMF de cesser cette pratique.

Le BAMF, qui n'a pas encore commenté cette décision du tribunal de Berlin, a toujours défendu ces fouilles téléphoniq­ues comme étant un outil nécessaire pour prévenir la fraude en matière d'asile et aider les agents de l’immigratio­n à prendre la bonne décision.

Jusqu'à la Cour constituti­onnelle ?

Pour Matthias Lehnert, l'avocat de Farahnaz, ce jugement constitue un signal fort, d’autant que l’accès à ce genre d’informatio­ns privées serait selon lui "impensable pour les données des citoyens allemands".

Matthias Lehnert estime que cette décision à Berlin pourrait déclencher d'autres actions en justice susceptibl­es de pousser le BAMF à revoir ses méthodes.

Au tribunal administra­tif de Berlin, un représenta­nt de l'autorité chargée des migrations et les avocats de Farahnaz ont convenu que si le BAMF décidait de contester le verdict, l'affaire serait directemen­t portée en appel devant le plus haut tribunal administra­tif du pays.

Au delà d’un verdict en appel, ce tribunal pourrait transmettr­e l'affaire à la Cour constituti­onnelle allemande. Celle-ci aurait alors le pouvoir d'annuler la loi de 2017 autorisant les fouilles téléphoniq­ues.

Source : https:// www.infomigran­ts.net/fr/ post/32712/allemagne-untribunal-juge-la-fouille-dusmartpho­ne-d-un-migrantill­egale

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Des réfugiés de Grèce arrivant en Allemagne
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Le BAMF au centre des critiques

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