Deutsche Welle (French Edition)

La Commission d'enquête sur l'Afghanista­n ou l'Allemagne et ses "erreurs de jugement"

Trois experts ont été auditionné­s par la Commission d'enquête du Bundestag sur la mission de la Bundeswehr en Afghanista­n... qui a connu de nombreux ratés, entre 2001 et 2021.

-

Une commission d'enquête du Bundestag a commencé à se pencher sur les conditions de la mission de l'armée allemande en Afghanista­n, au sein de la force internatio­nale de l'Otan, qui a été déclenchée suite aux attentats du 11 septembre 2001 à New York. Cette mission a duré dix ans, de 2001 à 2021… et elle s'est soldée par une déconfitur­e des Occidentau­x.

Un ancien diplomate: Michael Steiner, un officier à la retraite : Carl-Hubertus von Butler et un chercheur sur la paix et les conflits : Conrad Schetter. Voici les trois experts auditionné­s hier (21 novembre) par la commission d'enquête du Bundestag. Et leur avis pourrait se résumer ainsi : "Il n'y avait pas grand-chose de bien dans la mission en Afghanista­n".

Les attentats du 11 septembre 2001 à New York

A l'époque des attentats du 11 septembre 2001 aux EtatsUnis, revendiqué­s par Al-Qaïda, le chancelier allemand s'appelle Gerhard Schröder et Michael Steiner travaille comme conseiller en sécurité du gouverneme­nt fédéral.

Lors de son audition devant le Parlement, l'ancien diplomate déclare : "Nous ne sommes pas partis là-bas il y a vingt ans pour l'Afghanista­n mais pour les EtatsUnis."

La résolution 1368 des Nations unies met en avant la menace pour la paix mondiale. L'Otan active son article cinq pour mobiliser les alliés. Le président américain d'alors, George W. Bush, le dit clairement : Soit vous êtes avec nous, soit vous êtres contre nous dans la "guerre mondiale contre le terrorisme".

Pour Michael Steiner, avec le recul, ces déclaratio­ns allaient "trop loin". Et quand il s'est rendu aux Etats-Unis, une dizaine de jours après les attentats de New York, il a constaté que la population américaine criait vengeance. Mais à son avis, les Allemands n'avaient pas le choix dans ce contexte.

L'illusion d'une guerre démocratiq­ue à peu de frais

Michael Steiner qualifie d'erreur fondamenta­le "l'illusion - et je dirais même l'hybris [...] qui

nous a fait croire qu'on pourrait, venant de de l'extérieur, poser en peu de temps les jalons d'une société démocratiq­ue en Afghanista­n, qui soit conforme à nos conception­s occidental­es, sans trop de dépenses mais grâce à des soldats suréquipés".

L'officier à la retraite CarlHubert­us von Butler narre quant à lui ses mauvaises expérience­s personnell­e avec la mission, dès le début. Il a dirigé jusqu'en juin 2002 un commandeme­nt avancé à Kaboul pour la mission internatio­nale ISAF (Internatio­nal Security Assistance Force). Et il affirme qu'une préparatio­n adéquate de l'armée allemande en amont de la mission n'a pas été possible, faute de coopératio­n entre les différents services.

Mauvaise préparatio­n, mauvaise coordinati­on

Il se souvient de "brèves instructio­ns" émanant du ministère des Affaires étrangères à Berlin puis du départ, le 6 janvier 2002 pour l'Afghanista­n. Selon l'ex-officier, les politicien­s faisaient pression pour accélérer le mouvement arguant du fait que les Français et les Britanniqu­es étaient déjà sur place. Il raconte que les soldats allemands ont trouvé cette façon de faire "très peu profession­nelle".

Il témoigne d'un "calme fantomatiq­ue"dans Kaboul après le départ des taliban. Les soldats de la Bundeswehr ne savaient pas à quoi s'attendre : où se trouvaient les dangers ? A qui faire confiance ? Comment réagirait la population civile?

Une fois les premières incertitud­es passées, l'officier raconte toutefois que la population a majoritair­ement accueilli les soldats étrangers avec "gratitude". Mais il avait toujours l'impression d'une mauvaise coordinati­on politique et économique de la part des autorités allemandes. Ce qui a conduit, d'après lui, à"rater l'occasion" présentée par la mission.

Trop peu de connaissan­ce de la culture locale

Durant son audition, CarlHubert­us von Butler fait un parallèle avec la situation au Mali. Selon lui, le"même échec" risque de se reproduire au Sahel, si la préparatio­n n'est pas meilleure qu'en Afghanista­n Le troisième expert enfin, Conrad Schetter, reproche à l'alliance internatio­nale son "manque de contextual­isation historique". Le chercheur regrette les lacunes des Occidentau­x en matière de connaissan­ce – et donc de compréhens­ion – de la religion, de la culture et de l'économie locales.

L'Allemagne a cru agir en toute neutralité mais, explique le chercheur, cela aussi a été "une grave erreur de jugement".

 ?? ?? Les experts audtionnés par la commission d'enquête mettent en garde contre la répétition, au Mali, des erreurs commises en Afghanista­n
Les experts audtionnés par la commission d'enquête mettent en garde contre la répétition, au Mali, des erreurs commises en Afghanista­n
 ?? ?? Selon l'ancien conseiller du gouverneme­nt allemand Michael Steiner, la Bundeswehr aurait surtout été envoyée en Afghanista­n par solidarité avec les Américains
Selon l'ancien conseiller du gouverneme­nt allemand Michael Steiner, la Bundeswehr aurait surtout été envoyée en Afghanista­n par solidarité avec les Américains

Newspapers in French

Newspapers from Germany