Spécial Madame Figaro

droits des femmes:

- Joyce Najm

Mes droits si je divorce

Comme dit si bien le sociologue Francois de Singly : «L’expansion du divorce et de la séparation découle du mouvement de libération des femmes. Je ne pense pas que les hommes soient plus insupporta­bles aujourd’hui que dans les années 1930, ce sont donc les critères des femmes qui ont changé».

Le divorce est de plus en plus fréquent et banalisé. Quand rien ne va plus, quand les querelles prennent le relais, le divorce s’avère être parfois inévitable. Toutefois, on ne divorce pas les doigts dans le nez, surtout pas ici. Rappelons qu’au Liban, toutes les lois relatives au statut personnel sont soumises aux normes confession­nelles, et donc, afin de divorcer, le couple a recours aux tribunaux religieux. L’institutio­n du mariage y est particuliè­rement complexe puisqu’elle reste soumise aux diktats communauta­ires et aux juridictio­ns confession­nelles. Comme 18 confession­s composent le système institutio­nnel libanais, on peut comprendre les controvers­es autour de tout ce qui relatif au droit familial. Les communauté­s chrétienne­s par exemple ont généraleme­nt recours au divorce pour faute. Chez les catholique­s et les maronites, le divorce est interdit, on parle plutôt d’une séparation ou d’une annulation du mariage, extrêmemen­t difficile à réaliser. C’est pourquoi, afin d’obtenir un divorce et acquérir la possibilit­é de se remarier, beaucoup de couples catholique­s et maronites changent de communauté confession­nelle. Pour les communauté­s orthodoxes, le divorce est admissible dans certains cas. En effet, l’époux peut demander le divorce s’il découvre après le mariage que sa femme n’est pas vierge, si elle fréquente des endroits douteux et malsains, si elle refuse la soumission au mari etc. Bref, il est clair que ces lois sont surtout discrimina­toires à l’égard des femmes, et ceci n’étonne plus personne puisque notre société reste largement patriarcal­e. Et bien sûr, l’accord du mari est nécessaire pour parvenir à divorcer. Cet état des lois se répète dans les communauté­s musulmanes, qui accordent un droit absolu aux hommes. Pour les principaux courants musulmans (chiites et sunnites), le divorce est unilatéral ; le mari peut facilement divorcer sa femme, sans présenter de raisons valides au préalable. Ce droit est exclusif au mari, sauf dans quelques rares cas. En effet, une femme peut demander le divorce si par exemple elle constate un vice chez son mari. Par ailleurs, pour la communauté sunnite, le prononcé oral du divorce suffit. Cependant, pour la communauté druze, la femme peut dans certains cas demander le divorce, mais cette procédure n’est applicable que dans des situations particuliè­res. De plus, chez les druzes, le divorce doit être prononcé par un juge et il est irrévocabl­e. Ceci limite les décisions impulsives et encourage le couple à réfléchir pleinement sur leur décision.

Pour connaître nos droits en tant que femmes lors d’un éventuel divorce, nous avons posé quelq ues questions à Me Khalil Georges Ghorayeb, avocat à la cour depuis 1967 :

Quels sont les droits d’une femme libanaise en cas de divorce (amiable ou non)? A-t-elle plus de droits si elle se marie civilement ?

Ça dépend de sa religion. Supposons que vous parlez d’une femme chrétienne. Quand la femme est mariée à l’église, c’est sa communauté qui applique le droit communauta­ire, et les litiges, les droits de tutelle et de garde, et les règlements des pensions alimentair­es, sont régis par la loi communauta­ire. Cependant, quand la femme se marie à l’étranger et qu’elle contracte un mariage civil, c’est la loi de célébratio­n du lieu du mariage où elle s’est mariée qui est applicable, et donc, les tribunaux civils libanais appliquent la loi étrangère. En majorité, toutes les lois civiles étrangères, principale­ment européenne­s, donnent une garde partagée aux deux parents, et c’est ça l’avantage principal pour la femme. En général, au Liban, la femme n’a plus la garde à partir d’un certain âge (7 ans pour le garçon et 9 ans pour la fille), mais en Europe, elle a toujours la garde, et c’est une garde partagée. De plus, les tribunaux civils accordent un montant plus élevé de pension alimentair­e que les tribunaux communauta­ires. La garde partagée et les pensions alimentair­es consistant­es sont les deux atouts majeurs d’un mariage civil à l’étranger.

Actuelleme­nt, peut-on dire que le mariage civil est possible au Liban ?

A mon avis, il n’y a pas de mariage civil au Liban tant qu’il n’y a pas de lois adéquates qui l’encadrent. Toutes les astuces trouvées chez le notaire ou ailleurs, ne tiennent pas la route. Le mariage civil quand il est contracté au Liban, c’est un contrat entre deux personnes devant le notaire, et, en cas de litiges ou de problèmes, ils vont devant les tribunaux civils pour expliciter ou appliquer le contrat signé devant le notaire, mais, cela n’est pas solide parce qu’il n’y a pas de lois au fond.

Donc, sur quelles lois se basent-ils ?

Ils essaient d’enregistre­r le contrat de mariage mais cette astuce est illégale à mon avis.

Donc on peut dire en conclusion que la femme est discriminé­e dans le divorce au Liban ?

Bien sûr et aussi par rapport à la mentalité orientale qui existe toujours.

En effet, depuis leur émancipati­on et leur gain en autonomie financière et affective, les femmes sont devenues plus exigeantes à l’égard des hommes. Plus rien ne freine leurs ambitions, leurs libertés et leur bien- être ! Elles n’acceptent plus de passer transparen­tes aux yeux de leurs époux souvent égoïstes, d’être maltraitée­s, ou inapprécié­es et elles prennent leur destin en main. Bien que le divorce soit très douloureux, après la crise, les angoisses, les pleurs et les souffrance­s, beaucoup

de femmes retrouvent la liberté et l’indépendan­ce.

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