BAALBECK VILLE ÉTERNELLE
L’exposition Baalbek, Archives of an Eternity retrace à travers le temps, l’histoire de cette ville mythique d’histoires depuis ses origines jusqu’à l’époque contemporaine. Elle met en avant son ascension, ses mythologies, ainsi que ses divers rôles identitaires et politiques, via des photographies, des peintures, des articles de presse, ainsi que des reportages et des installations.
LLe projet associe perspectives archéologiques, ethnographiques, anthropologiques, culturelles et artistiques pour expliquer le rôle de Baalbeck comme point de référence et marqueur d’identité tout au long de l’histoire du Liban. Retour sur son ascension légendaire en un symbole d’une nation moderne et en un site patrimonial libanais, qui en a fait l’un de ses rayonnements culturels les plus importants à travers le monde jusqu’à aujourd’hui.
En collaboration avec le Festival International de Baalbeck, le musée Sursock, le soutien de la fondation Philippe Jabre, et la coopération du curateur Valli Mahlouji, cette magnifique exposition qui se tient jusqu’au 22 Septembre au Musée Sursock, un petit bijou architectural, va replonger les visiteurs dans une épopée exceptionnelle et les faire voyager à travers le temps en s’imprégnant pleinement de l’âme de la ville et du site archéologique emblématique très bien conservé de Baalbeck, qui portent 10 000 ans de civilisation épique à ce jour.
UN LIEU MAGIQUE
«L’histoire du développement de Baalbek peut tenir comme récit du développement de la civilisation humaine. Fondée il y a 10000 ans, huit millénaires avant l’apparition de ses édifices romains monumentaux, l’unicité de Baalbek n’est pas seulement ancrée dans la majesté énigmatique de son architecture romaine sacrée. Le sens de l’épopée Baalbeck est inscrit dans son histoire ininterrompue et durable, qui couvre l’ensemble du parcours de l’histoire du développement urbain, depuis l’époque des premières colonies jusqu’à nos jours et peu de villes ont une durée de vie ininterrompue à travers toutes les époques de l’histoire urbaine de l’homme, » précise Valli. « Les tournures du destin, les drames de lieu, de temps, d’échelle et de but ont fait de Baalbeck un exemple et un paradoxe. Le poids et le fardeau de l’histoire ne sont peutêtre ressentis nulle part plus fort, plus magnifiquement, plus monumentalement qu’en ce lieu avec cette image empreinte pour toujours de la monumentalité de sa présence matérielle ». Son histoire métropolitaine et symbolique a été façonnée par ses héritiers, à qui elle appartient, et a déconcerté ses nombreux visiteurs, voyageant de très loin pour admirer son ancienneté et se prélasser dans sa grandeur. Son ineffabilité et sa magie, les aspirations et les souvenirs ancrés dans ses pierres ont conduit les ambitions impériales et nationales à revendiquer leur capacité à raconter leur version de l’histoire. »
10 000 ANS D’HISTOIRE
L’ancien tell de Balbeck apparaît pour la première fois sous forme de petites colonies il y a environ 10000 ans, dans la moitié nord et le bord Est de la plaine de la Békaa et est perché sur un sommet idyllique, dans un endroit frais surplombant la plaine de la Békaa, à une altitude de 1142 mètres, parmi de nombreuses sources d’eau abondantes, les sources de Ras al Ain et Ain Al Juj. Les fouilles menées à Baalbeck ont révélé une histoire de peuplement stratifié et continu située à son sommet, directement sous la Grande Cour du sanctuaire romain de Jupiter. Au début, au premier siècle av. J-C, il est associé à des rituels de culte liés à son cadre naturel riche en ressources et à sa proximité avec des eaux abondantes, quand on l’appelait Héliopolis… Au IIème siècle, Baalbeck-Heliopolis se voit attribuer le statut de colonie romaine. Son ascension fulgurante prend une importance politique majeure et les grandes difficultés logistiques sont surmontées pour la monumentalisation du site, car les romains insistent pour se lancer dans leur plus grand monument architectural sacré en tant qu’arrivée impériale de Rome à l’Est. C’est ainsi que la ville est poussée plus loin au-delà de son sommet d’origine, qui est absorbé dans le sanctuaire élargi. Un plan d’ingénierie massif est entrepris pour consolider le terrain en une formation de base de roche solide naturelle, afin de créer une fondation qui soutient le projet. Baalbeck-Heliopolis devient l’un des sites sacrés les plus en vue, attirant le plus grand nombre de pèlerins religieux dans son temple dédié au dieu Jupiter Heliopolitanus, qui atteint le statut d’un oracle guidant les empereurs romains dans leurs quêtes…L’avènement du christianisme a marqué un tournant dans l’histoire de la ville et la destruction intentionnelle du temple de Jupiter et de son autel jusqu’à la fin du IVème siècle, pour mettre fin aux pratiques sociales et rituelles préchrétiennes. Au VIIème siècle, la ville est conquise par les arabes et prend le nom de Baalbek, son ancienne appellation araméenne avant
Héliopolis...Pendant une grande partie de sa période arabe et médiévale, le sommet de Baalbeck avec ses structures romaines, opère comme une citadelle fortifiée, connue sous le nom de Qalaa, modifiant encore son architecture et son but…A la période ottomane, le site de la Qalaa est réorganisé pour inclure de petites habitations, qui sont nettoyées par les fouilles effectuées par les allemands au XXème siècle.
DE MYTHE À MONUMENT NATIONAL
Le mythe et la légende d’un passé archéologique et culturel, ayant un lien avec l’histoire universelle se prête à un imaginaire riche et grandiose et devient la pierre angulaire pour le lancement d’une nouvelle nation qui se construit et qui va devenir le Liban. Un choix idéal pour être instrumentalisé au lieu de construire un récit national libanais, le nationalisme devenant l’idéologie dominante de l’État fédéral; or la monumentalisation d’un passé idéalisé et l’héritage d’une gloire intemporelle jouent un rôle décisif dans la construction de l’histoire nationale d’une nation moderne…d’ailleurs il a été difficile de savoir si la Békaa et Baalbeck feront partie de la Syrie ou du Liban moderne. Cependant, la géographie fertile de la Békaa joue un rôle décisif pour convaincre le mandat français que le Liban moderne bénéficierait de son acquisition…En 1920, l’influence coloniale française garantit que la Békaa est incorporée à la république du Grand Liban et la libanisation du Baalbeck est officiée. C’est ainsi qu’avec sa libanisation, Baalbeck passe d’un passé inconciliable (préhistorique, romain, byzantin, arabe, ottoman) à la marque emblématique la plus puissante de la nouvelle nation.
ICÔNE CULTURELLE
En 1956, Baalbek devient le site de lancement de l’une des institutions culturelles nationales les plus ambitieuses du Liban, le Festival International Baalbeck, à l’initiative de Camille Chamoun, président de la république. Le festival devient le premier du genre dans le ProcheOrient, inspirant les autres à faire de même, et est reconnu internationalement. Depuis sa création, le festival se consacre à une vocation culturelle et touristique orientale et occidentale de haut vol comme une mission engagée et éclairée, où le Liban est présenté comme le lien naturel entre les deux…le Festival International Baalbeck est interrompu pendant la guerre et réapparaît après les blessures de la guerre civile en 1997, malgré de nombreuses difficultés politiques et logistiques, dans un acte de résilience et d’espoir, et conformément à la volonté et nationale de reconstruire, se fixant en tant que symbole de continuité, d’endurance et de permanence.