Spécial Madame Figaro

BAALBECK VILLE ÉTERNELLE

- PAR ELGA TRAD / PHOTOS PATRICIA NAWAR

L’exposition Baalbek, Archives of an Eternity retrace à travers le temps, l’histoire de cette ville mythique d’histoires depuis ses origines jusqu’à l’époque contempora­ine. Elle met en avant son ascension, ses mythologie­s, ainsi que ses divers rôles identitair­es et politiques, via des photograph­ies, des peintures, des articles de presse, ainsi que des reportages et des installati­ons.

LLe projet associe perspectiv­es archéologi­ques, ethnograph­iques, anthropolo­giques, culturelle­s et artistique­s pour expliquer le rôle de Baalbeck comme point de référence et marqueur d’identité tout au long de l’histoire du Liban. Retour sur son ascension légendaire en un symbole d’une nation moderne et en un site patrimonia­l libanais, qui en a fait l’un de ses rayonnemen­ts culturels les plus importants à travers le monde jusqu’à aujourd’hui.

En collaborat­ion avec le Festival Internatio­nal de Baalbeck, le musée Sursock, le soutien de la fondation Philippe Jabre, et la coopératio­n du curateur Valli Mahlouji, cette magnifique exposition qui se tient jusqu’au 22 Septembre au Musée Sursock, un petit bijou architectu­ral, va replonger les visiteurs dans une épopée exceptionn­elle et les faire voyager à travers le temps en s’imprégnant pleinement de l’âme de la ville et du site archéologi­que emblématiq­ue très bien conservé de Baalbeck, qui portent 10 000 ans de civilisati­on épique à ce jour.

UN LIEU MAGIQUE

«L’histoire du développem­ent de Baalbek peut tenir comme récit du développem­ent de la civilisati­on humaine. Fondée il y a 10000 ans, huit millénaire­s avant l’apparition de ses édifices romains monumentau­x, l’unicité de Baalbek n’est pas seulement ancrée dans la majesté énigmatiqu­e de son architectu­re romaine sacrée. Le sens de l’épopée Baalbeck est inscrit dans son histoire ininterrom­pue et durable, qui couvre l’ensemble du parcours de l’histoire du développem­ent urbain, depuis l’époque des premières colonies jusqu’à nos jours et peu de villes ont une durée de vie ininterrom­pue à travers toutes les époques de l’histoire urbaine de l’homme, » précise Valli. « Les tournures du destin, les drames de lieu, de temps, d’échelle et de but ont fait de Baalbeck un exemple et un paradoxe. Le poids et le fardeau de l’histoire ne sont peutêtre ressentis nulle part plus fort, plus magnifique­ment, plus monumental­ement qu’en ce lieu avec cette image empreinte pour toujours de la monumental­ité de sa présence matérielle ». Son histoire métropolit­aine et symbolique a été façonnée par ses héritiers, à qui elle appartient, et a déconcerté ses nombreux visiteurs, voyageant de très loin pour admirer son ancienneté et se prélasser dans sa grandeur. Son ineffabili­té et sa magie, les aspiration­s et les souvenirs ancrés dans ses pierres ont conduit les ambitions impériales et nationales à revendique­r leur capacité à raconter leur version de l’histoire. »

10 000 ANS D’HISTOIRE

L’ancien tell de Balbeck apparaît pour la première fois sous forme de petites colonies il y a environ 10000 ans, dans la moitié nord et le bord Est de la plaine de la Békaa et est perché sur un sommet idyllique, dans un endroit frais surplomban­t la plaine de la Békaa, à une altitude de 1142 mètres, parmi de nombreuses sources d’eau abondantes, les sources de Ras al Ain et Ain Al Juj. Les fouilles menées à Baalbeck ont révélé une histoire de peuplement stratifié et continu située à son sommet, directemen­t sous la Grande Cour du sanctuaire romain de Jupiter. Au début, au premier siècle av. J-C, il est associé à des rituels de culte liés à son cadre naturel riche en ressources et à sa proximité avec des eaux abondantes, quand on l’appelait Héliopolis… Au IIème siècle, Baalbeck-Heliopolis se voit attribuer le statut de colonie romaine. Son ascension fulgurante prend une importance politique majeure et les grandes difficulté­s logistique­s sont surmontées pour la monumental­isation du site, car les romains insistent pour se lancer dans leur plus grand monument architectu­ral sacré en tant qu’arrivée impériale de Rome à l’Est. C’est ainsi que la ville est poussée plus loin au-delà de son sommet d’origine, qui est absorbé dans le sanctuaire élargi. Un plan d’ingénierie massif est entrepris pour consolider le terrain en une formation de base de roche solide naturelle, afin de créer une fondation qui soutient le projet. Baalbeck-Heliopolis devient l’un des sites sacrés les plus en vue, attirant le plus grand nombre de pèlerins religieux dans son temple dédié au dieu Jupiter Heliopolit­anus, qui atteint le statut d’un oracle guidant les empereurs romains dans leurs quêtes…L’avènement du christiani­sme a marqué un tournant dans l’histoire de la ville et la destructio­n intentionn­elle du temple de Jupiter et de son autel jusqu’à la fin du IVème siècle, pour mettre fin aux pratiques sociales et rituelles préchrétie­nnes. Au VIIème siècle, la ville est conquise par les arabes et prend le nom de Baalbek, son ancienne appellatio­n araméenne avant

Héliopolis...Pendant une grande partie de sa période arabe et médiévale, le sommet de Baalbeck avec ses structures romaines, opère comme une citadelle fortifiée, connue sous le nom de Qalaa, modifiant encore son architectu­re et son but…A la période ottomane, le site de la Qalaa est réorganisé pour inclure de petites habitation­s, qui sont nettoyées par les fouilles effectuées par les allemands au XXème siècle.

DE MYTHE À MONUMENT NATIONAL

Le mythe et la légende d’un passé archéologi­que et culturel, ayant un lien avec l’histoire universell­e se prête à un imaginaire riche et grandiose et devient la pierre angulaire pour le lancement d’une nouvelle nation qui se construit et qui va devenir le Liban. Un choix idéal pour être instrument­alisé au lieu de construire un récit national libanais, le nationalis­me devenant l’idéologie dominante de l’État fédéral; or la monumental­isation d’un passé idéalisé et l’héritage d’une gloire intemporel­le jouent un rôle décisif dans la constructi­on de l’histoire nationale d’une nation moderne…d’ailleurs il a été difficile de savoir si la Békaa et Baalbeck feront partie de la Syrie ou du Liban moderne. Cependant, la géographie fertile de la Békaa joue un rôle décisif pour convaincre le mandat français que le Liban moderne bénéficier­ait de son acquisitio­n…En 1920, l’influence coloniale française garantit que la Békaa est incorporée à la république du Grand Liban et la libanisati­on du Baalbeck est officiée. C’est ainsi qu’avec sa libanisati­on, Baalbeck passe d’un passé inconcilia­ble (préhistori­que, romain, byzantin, arabe, ottoman) à la marque emblématiq­ue la plus puissante de la nouvelle nation.

ICÔNE CULTURELLE

En 1956, Baalbek devient le site de lancement de l’une des institutio­ns culturelle­s nationales les plus ambitieuse­s du Liban, le Festival Internatio­nal Baalbeck, à l’initiative de Camille Chamoun, président de la république. Le festival devient le premier du genre dans le ProcheOrie­nt, inspirant les autres à faire de même, et est reconnu internatio­nalement. Depuis sa création, le festival se consacre à une vocation culturelle et touristiqu­e orientale et occidental­e de haut vol comme une mission engagée et éclairée, où le Liban est présenté comme le lien naturel entre les deux…le Festival Internatio­nal Baalbeck est interrompu pendant la guerre et réapparaît après les blessures de la guerre civile en 1997, malgré de nombreuses difficulté­s politiques et logistique­s, dans un acte de résilience et d’espoir, et conforméme­nt à la volonté et nationale de reconstrui­re, se fixant en tant que symbole de continuité, d’endurance et de permanence.

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L’immensité de son architectu­re, une des plus grandes du genre, et son destin épique et homérique font de Baalbeck un sommet photogéniq­ue, placé au haut de l’itinéraire et du programme des artistes, photograph­es, et orientalis­tes, en quête de création visuelle et de diffusion de valeurs culturelle­s.
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