Spécial Madame Figaro

Marina Chamma

“CE LIVRE EST MON ACTE DE BRAVOURE ET DE RÉBELLION”

- PAR JOYCE NAJM PHOTO BERNARD KHALIL

Marina Chamma est économiste politique et écrivaine. En 2011, elle lance son blog « Eye on the East », un blog sur l’histoire, la politique, la société et la culture au Liban et dans le monde arabe. Son recueil de nouvelles, « And So We Drive On », ne serait-ce que par son titre et sa couverture, illustre la fatalité des Libanais - ou leur refus de cette fatalité, et leur forte capacité d’adaptation. Ce que ce recueil raconte surtout - à travers dix nouvelles qui respirent Beyrouth, c’est que la vie continue.

Qu’est-ce qui se cache derrière le titre de votre nouvel ouvrage « And So We Drive On » ?

Les voitures, mais je ne dirais pas qu’elles sont cachées! D’ailleurs, il y en a une sur la couverture. Par pure coïncidenc­e, la plupart des histoires incluent une voiture qui, parfois, y joue un rôle important. L’idée sous-jacente est en quelque sorte un rappel pour souligner la force de l’esprit humain et sa déterminat­ion de vivre, malgré les difficulté­s de la vie. Nous sommes condamnés à continuer et à aller de l’avant.

Si vous deviez résumer votre livre en deux phrases ?

Un recueil de nouvelles inspirées de Beyrouth dans lesquelles quiconque peut s’identifier. Dans ce vaste monde, on se ressemblen­t tous d’une certain façon, et les histoires de certains sont, au final, les histoires de chacun d’entre nous.

Pourquoi avoir opté pour un recueil de nouvelles ?

J’avais plein d’idées en tête. Comme je n’arrivais pas à choisir, j’ai décidé de toutes les écrire. J’aime beaucoup les histoires courtes et je trouve qu’elles sont souvent sous-estimées. Les maisons d’éditions ne sont pas grands fans de ce genre narratif, mais les lecteurs semblent, à ma surprise, l’apprécier.

Publier un livre durant ce timing invraisemb­lable, sous fond de pandémie mondiale, est-ce un acte de résistance ?

Oui, mais c’est aussi un acte d’insubordin­ation envers la ville de Beyrouth qui a inspiré ce livre. Publier un livre, pendant une crise économique, politique et sociale, à laquelle s’ajoute une pandémie, sans mentionner l’explosion au port de Beyrouth le 4 août - qui a eu lieu 8 jours après la publicatio­n du livre, c’est mon petit acte de résistance et de rébellion ! Le Liban demeure une éternelle source d’inspiratio­n, qui possède malgré tout une force dévastatri­ce capable de détruire la vie des libanais, leurs rêves, leurs ambitions et leurs espoirs. Mon acte de bravoure, c’est de refuser que ce pays détruise encore un de mes rêves, celui de publier mon premier livre.

Vos rituels d’écriture ?

Quel que soit le rythme d’écriture, j’écris avec avidité la nuit parce que c’est le seul moment où rien d’autre existe, où je suis dans le silence, sans distractio­ns. Parfois, les mots viennent facilement et les écrits tombent spontanéme­nt, et d’autres fois j’écris seulement quelques paragraphe­s par jour.

Vous avez grandi aux quatre coins du monde. Quelle ville vous fait le plus rêver ?

Chaque ville occupe une certaine place dans mon coeur et mon esprit et m’inspire d’une façon ou d’une autre, de Détroit, à Ottawa, Santiago, Rio de Janeiro, Londres, Tokyo, à, enfin et surtout, Beyrouth.

Le principal trait de votre caractère ?

Il est toujours difficile de répondre à cette question, mais je suis certaine d’une chose : j’ai la passion de l’écriture et il n’y a rien de plus beau et de plus puissant que d’avoir une passion dans la vie.

Le livre qui vous accompagne ?

Ces temps-ci, je suis en train de finir « El Paraíso en la otra esquina » de Mario Vargas Llosa. Les prochains sur ma liste sont : « Before the Coffee Gets Cold » de Toshikazu Kawaguchi, « Largo Petalo del Mar » et « Mas Alla del Invierno » d’Isabel Allende, et quelques autres qui vont certaineme­nt inspirer les recherches pour mon prochain livre.

Votre série télé préférée ?

Avec Netflix, ça change chaque semaine! J’aime les séries envoûtante­s et immersives, qui me permettent de m’évader du quotidien, ne serait-ce que pour une heure. « La Casa de Papel » est parfaite pour se changer les idées. En ce moment, je visionne « The Queen’s Gambit » et j’envisage de regarder « The Crown » prochainem­ent.

Votre madeleine de Proust ?

Disons que la nourriture - surtout les plats typiques des pays dans lesquels j’ai vécu, fait resurgir beaucoup de souvenirs. Quand je vivais à l’étranger, le zaatar me rappelait toujours le Liban et ma famille.

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