Un air de déjà-vu
Perte de l’immunité parlementaire pour Marine Le Pen?
Paris. Le vote a eu lieu à huis clos et aucune information ne filtre, pour le moment, sur les détails du scrutin. Mais le résultat est là: la commission des affaires juridiques du Parlement européen s’est prononcée samedi pour la levée de l’immunité parlementaire dont jouit l’eurodéputée Marine Le Pen. Ayant valeur de recommandation, la décision ne prendra effet que si l’assemblée, réunie en session plénière à Strasbourg le 11 juin prochain, décidait de l’adopter à sa majorité.
Le fait remonte à 2010: Marine Le Pen avait alors osé le parallèle entre «les prières de rue» des musulmans dans la capitale et «l’état d’occupation» connu par le pays au milieu du XXe siècle. Une demande de levée d'immunité avait immédiatement été formulée par le ministère de la Justice suite à un dépôt de plainte pour incitation à la haine raciale. L’affaire avait semblé s’estomper, jusqu’au dépôt d’une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile, par le «Collectif contre l'islamophobie en France» (CCIF), déclenchant par conséquence l’ouverture d’une information judiciaire.
«Une très large majorité des députés européens siégeant au sein de cette commission s’est prononcée en faveur de cette levée de l’immunité parlementaire: il est donc fort à parier que l’hémicycle fera de même», concède un assistant parlementaire. Pour le moment, la stratégie est «d’assumer fièrement ces propos»: le vice-président du FN, Florian Philippot, a ainsi déclaré qu’il serait «inouï que Marine Le Pen perde son immunité pour avoir dit la vérité sur les prières de rue qui existent toujours».
La surprise ne se révèle toutefois pas si réelle que cela, tant le parti de Marine Le Pen semble rompu à ces débordements ayant pour conséquence la levée de l’immunité parlementaire de leurs élus. Ainsi, la présidente du FN ne ferait que connaître le même sort que son collègue frontiste du Parlement européen, Bruno Gollnisch. Le concerné s’était vu retirer, à deux reprises, son immunité parlementaire, après des propos ayant donné lieu à des poursuites judiciaires en France.
Surtout, avant lui, c’est le président d’honneur du parti et père de l’actuelle présidente qui avait montré le chemin. En effet, cette procédure avait également touché JeanMarie Le Pen en 1998, alors qu’un an plus tôt, à Munich, il était allé jusqu’à considérer que les chambres à gaz nazies n’avaient été qu’«un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale».
«C’est une habitude du parti et c’est aussi une légitimation auprès d’une partie de son électorat puisqu’elle incarne la supposée victimisation dont le FN serait la proie de la part des médias, de l’Etat et de la Justice», analyse Pascal Perrineau, politologue et expert en sociologie électorale. «Mais pour la première fois, ce pourrait toutefois être gênant pour Marine Le Pen: elle a lancé le processus de normalisation du parti, mais elle commet les mêmes débordements que son père: les nouveaux électeurs du FN, principalement des déçus de l’UMP, n’adhèrent pas à ces propos radiaux», poursuit-il.
La fin de l’effet Bradley?
Car les élections européennes approchant, les premiers sondages promettent des sommets au FN: «les sondages nous placent déjà à 18 %, alors que nous avions 10,5 % en 2010», a commenté, ravie, Marine Le Pen, hier. Jusqu’ici, le parti avait toujours pâti de sondages en berne, selon le principe de l’«effet Bradley»: l’électeur, honteux de faire part de son vote FN au sondeur, déclarait voter pour un autre parti avant de se prononcer pour les couleurs frontistes, une fois dans l’isoloir. Mais les premières études d’opinion montrent que la «normalisation» aurait marché. Avant une condamnation de sa présidente?