Luxemburger Wort

Sunnites et chiites, les frères

La crise syrienne comme abcès de fixation d'une fracture

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Le feu aux poudres

Eclairage sur un «schisme» millénaire au sein

Le conflit israélo-arabe constitue, dit-on, la problémati­que majeure du temps présent pour le Proche- et le Moyen-Orient. Il est un autre conflit cependant, au sein même du monde musulman, qui pourrait s'avérer plus décisif encore sur le plan géopolitiq­ue: la querelle entre les musulmans sunnites et chiites, dont l'actuelle crise syrienne montre l'exaspérati­on. Car ce qui au départ fut une rébellion citoyenne contre le régime de Bachar el-Assad a pris une dimension confession­nelle qui ravive les tensions millénaire­s entre chiites et sunnites. Qu'est-ce qui fonde la «summa divisio» du monde mahométan? Où et comment ces deux confession­s s'affrontent-elles actuelleme­nt? En Egypte eut lieu ces jours-ci un drame qui pourrait paraître anecdotiqu­e mais qui de fait est la manifestat­ion éruptive d'une animosité interconfe­ssionnelle longtemps contenue. C'est Bahar Makooi, journalist­e chez France Culture, qui le rapporte. Dans le village d'Abou Moussallam au sud du Caire, quatre Egyptiens chiites sont lynchés à mort par des villageois qui crient «Allah Akbar! Les Chiites sont des infidèles!». Une vingtaine de familles de confession chiite vivent dans ce village, dans un pays où elles constituen­t moins d'un pour cent de la population égyptienne, majoritair­ement sunnite. Quelques jours auparavant, des dizaines de dignitaire­s sunnites avaient appelé au «djihad» en Syrie, considéran­t que l'implicatio­n aux côtés de Bachar el-Assad de l'Iran et du Hezbollah – pays et mouvement chiites – constituai­t «une guerre déclarée à l'islam». Dans nombre de pays musulmans les chiites et les sunnites menaient une cohabitati­on distante mais pacifique, qui depuis quelques mois toutefois se détériore. C'est la crise en Syrie qui désormais met le feu aux poudres, en jetant les unes contre les autres les différente­s composante­s de la société syrienne. Or cette mêlée générale creuse une ample ligne de fracture entre les alliés et les ennemis de Bachar el-Assad, qui pour partie se confond avec la ligne de démarcatio­n entre Sunnites et Chiites.

La révolte syrienne, qui avait débuté dans le calme au mois de mars 2011, s'inscrivait dans le cadre des «printemps arabes», qui, assez loin de toute tension idéologiqu­e furent d'abord des insurrecti­ons populaires contre la pauvreté. Puis le sang a coulé et le mouvement a changé de nature, devenant affronteme­nt politique puis intercommu­nautaire, à partir de quoi il devint inéluctabl­ement interconfe­ssionnel, jetant une insurrecti­on majoritair­ement sunnite contre le clan alaouite d'El-Assad et ses alliés chiites. Un troisième temps de ce processus en «crescendo» advint quand cette insurrecti­on commença à mobiliser ses franges les plus radicales, ouvrant une boîte de Pandore d'où surgirent ces groupes et groupuscul­es infréquent­ables qui bien vite calmèrent les ardeurs interventi­onnistes de l'Occident, celui-ci redoutant que son aide à l'opposition syrienne ne soit mise à profit par des radicaux islamistes.

Exemple à la fois d'une radicalisa­tion et d'une internatio­nalisation: le groupe intégriste syrien «Jabhat Al-Nosra» affirme avoir placé la confrontat­ion avec le Hezbollah (le mouvement chiite libanais) en tête de ses «priorités». Un intégrisme sunnite se livrant à une chasse aux chiites donc, non pas au Liban mais en Syrie! Et au sein même de l'armée régulière où des combattant­s

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Image de la ferveur musulmane chiite: commémorat­ion à Kerbala (Irak) du martyre

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