Luxemburger Wort

Carlo Thelen: «La menace est réelle!»

Pour le chef économiste de la Chambre de commerce, l'effet boule de neige serait dangereux

- INTERVIEW: THIERRY LABRO

Le Luxembourg fait partie des onze pays qui conservent leur triple A

Il n'y a plus que onze pays qui conservent leur triple A: sept bénéficien­t d'une perspectiv­e «stable» (Suède, Norvège, Danemark, Suisse, Australie, Canada et Singapour). Les quatre autres, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Finlande, voient leur triple A menacé d'une perspectiv­e «négative», attribuée par au moins une des trois agences. Pour le chef économiste de la Chambre de commerce de Luxembourg, Carlo Thelen, la menace est réelle et ses conséquenc­es potientell­ement désastreus­es.

Le Luxembourg est-il davantage menacé aujourd'hui qu'hier de perdre son triple A? Si l'on en croit les perspectiv­es de la Commission européenne, on peut s'alarmer. Le poids du déficit de l'administra­tion publique devrait passer de 0,9 % du PIB à 2,7 % du PIB en 2015, selon ces prévisions. La dette va passer de 24 % à 29 %. Clairement, le triple A est menacé! Le problème, c'est que quand le triple A est tombé... il est tombé! Il risque d'y avoir un effet boule de neige et une panique des investisse­urs, qui ne viennent pas à Luxembourg à cause du beau temps mais parce qu'ils pensent qu'ils sont dans un meilleur climat économique pour se développer. Nous sommes beaucoup plus petits et beaucoup plus vulnérable­s. La France trouvera toujours des investisse­urs et des solutions pour préserver le modèle social européen! Si le Luxembourg devait avoir des problèmes, on nous regarderai­t avec distance... Les décideurs politiques luxembourg­eois, quelle que soit leur couleur politique, doivent mesurer ce risque!

Est-ce que le risque est devenu plus grand aujourd'hui? Est-ce qu'il est irréversib­le? Le risque était identifié avant la crise. Il y a des problèmes structurel­s, comme la hausse du chômage, comme la perte de compétitiv­ité, comme une inflation supérieure à celle de nos voisins, comme la chute des finances de l'administra­tion publique. Heureuseme­nt pour l'instant que les autres Etats ont fait pire que nous! Parce qu'on ne peut pas dire que nous avons réussi à faire ce qui était attendu.

Aujourd'hui, le gouverneme­nt est sous pression mais il doit agir pour prendre des mesures courageuse­s. D'abord parce que nous ne pouvons pas continuer comme cela, comme au temps des trente glorieuses ou des vingt splendides! Ensuite parce que c'est plus facile de réformer en début de législatur­e qu'ensuite. Et enfin parce qu'il semble y avoir une forte attente de la population et que les messages se trouvent du coup plus faciles à faire passer.

Tout n'est pas perdu mais la situation se dégrade très rapidement. Le Luxembourg a des atouts pour s'en sortir et doit les combiner intelligem­ment! Il y a de beaux projets mis en route, il faut agir!

Tous les pays ne sont pas égaux devant le triple A... Quels sont les atouts du Luxembourg? Il ne me semble pas avoir vu que la notation des Etats-Unis avait été abaissé malgré les menaces que le pays soit en faillite. La notation, c'est la croyance des agences que les Etats ont la capacité de rembourser leurs dettes. On pense des Américains non seulement que la consommati­on à outrance fait partie de leur mode de vie mais aussi qu'ils sont toujours capables de rebondir, de prendre des décisions et de mener des réformes. Au Luxembourg, comme en Europe, il y a le coût du bien-être social, des intérêts politiques divergents et une Banque centrale sans coordinati­on qui ne s'occupe que de l'inflation. Le Luxembourg a bénéficié de son attractivi­té, de sa stabilité, de sa prévisibil­ité et de sa flexibilit­é. Le «first move» nous a toujours permis, comme pour l'industrie du satellite ou le secteur financier, d'aller très vite pour nous adapter à un nouveau contexte européen et internatio­nal. Je pense que les agences ont confiance dans nos possibilit­és.

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Pour le chef économiste de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, c'est le meilleur moment pour agir.

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