L'art contemporain sur le plancher des vaches
Le nouveau documentaire offre une vision démystifiée du métier d'artiste
Yann Tonnar réalise «Atelier Luxembourg»
Cela débute sur les bords de la Moselle et s'achève dans une prairie où broutent des vaches. Le tour d'horizon sur l'art contemporain luxembourgeois proposé par Yann Tonnar dans son dernier documentaire, «Atelier», n'hésite pas à enfoncer certains clichés. Provincial, l'art luxembourgeois? En 70 minutes, le réalisateur va à la rencontre de quatre artistes pour décrypter les rouages de leur métier. Un film réalisé dans une tonalité didactique susceptible d'intéresser le grand public. Le documentaire s'inscrit dans la continuité d'une initiative lancée par la société de production Samsa en 1995, alors que Luxembourg était pour la première fois capitale européenne de la Culture. Vingt ans après cette première série de «visites d'ateliers», où en est la création artistique au Luxembourg? C'est le réalisateur de «Weilerbach» (sur les demandeurs d'asile) ou de «Schrebergaart» (sur les jardins ouvriers à Esch) qui a été chargé de mener l'enquête.
Le film, coproduit par le Casino Forum d'art contemporain, a choisi de s'arrêter le parcours de quatre artistes en allant à la rencontre de Marco Godinho, Tina Gillen, Catherine Lorent et JeanMarie Biwer. Un choix qui présente l'avantage de nous faire entrer dans des univers très différents. On découvre l'art conceptuel et poétique de Marco Godinho, les peintures formalistes de Tina Gillen, l'univers multidisciplinaire et baroque de Catherine Lorent, les toiles figuratives de Jean-Marie Biwer (qui avait déjà été filmé par Andy Bausch en 1999).
On peut se demander si le choix de quatre artistes pour un seul film n'est pas un peu trop ambitieux. Certes, Yann Tonnar parvient en quelques plans à nous faire saisir l'univers artistique dans lequel évoluent ses interlocuteurs, ainsi que leurs questionnements. On reste néanmoins dans les grandes lignes et le film ne lève qu'un coin du voile sur leur moteur créatif.
«Marco est un poète», nous dit la femme de Marco Godinho interviewée par le réalisateur. C'est elle qui livre la clé de l'artiste, pas vraiment la manière dont les images sont tournées (même si Yann Tonnar n'hésite pas à céder sa caméra à l'artiste, le temps d'une prise de vue sur les berges de la Moselle). On aurait également souhaité sur la scène internationale de l'art. Son analogie entre l'univers du foot et celui de l'art est explicite: «tout le monde ne peut pas jouer dans la même ligue». Il ne va toutefois pas jusqu'à préciser où se situent les artistes dont il est question dans le documentaire.
Du point de vue de la construction formelle, le film est assez convenu. Alors que les débuts de la caméra aux côtés de Marco Godinho pouvaient laisser penser une certaine liberté de ton, on en revient vite à un schéma classique. On passera sur les quelques maladresses du montage (une séquence avec Alex Reding à Bruxelles au milieu du passage sur la Biennale de Venise; le directeur du Mudam interviewé dans ce qui ressemble à un cagibi – son bureau au Mudam?) pour souligner la belle création musicale de Catherine Kontz qui vient apporter un supplément d'âme à ce travail.
Finalement, il en ressort que de Luxembourg à Venise en passant par Bruxelles et Berlin, l'art contemporain luxembourgeois est aujourd'hui bien en prise avec la scène internationale. Même les vaches du voisinage de Jean-Marie Biwer en savent quelque chose! Alors, pourquoi pas nous? Le film «Atelier Luxembourg – Regard derrière les coulisses de l'art contemporain» est en tournée dans les cinémas du pays en présence du réalisateur jusqu'au 9 décembre. Prochaine projection le 19 novembre, 20 heures: Ciné Orion (Troisvierges). Durée: 75 minutes. Version originale, sous-titres français.