Le Bastognard Benoît Lutgen mis sur orbite européenne
L’ex-président du CDH prend une voie parallèle au moment où son parti cherche à reconquérir l’électorat
Le bruit courait depuis plusieurs semaines déjà. Vendredi, l'ex-président du Centre démocrate humaniste (CDH, ex-Parti socialchrétien) et député-bourgmestre de Bastogne Benoît Lutgen a confirmé qu'il tirera la liste de son parti au Parlement européen.
Exit donc Benoît Lutgen de la politique nationale après huit années passées à la tête du CDH. A la mi-janvier, le Bastognard avait jeté l’éponge. Maxime Prévot, son successeur désigné, a été élu depuis avec 85% des voix.
Pour Benoît Lutgen, ce choix européen coule de source. «Depuis cinq ou six ans», dit-il, «il y a plus qu'une inquiétude face à la montée du populisme, à la mondialisation parfois écrasante pour une partie de la population. Il y a eu la crise économique, financière, migratoire. Face à ces défis, l'Europe a de grandes difficultés à créer encore de l'espoir.» Toutefois», ajoute-t-il en substance, «l’Europe reste un puissant antidote à la barbarie: «Il faut remonter 3.000 ans en arrière pour retrouver une si longue période de paix.» Soit la période qui s’est écoulée jusqu’à présent depuis 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale. «On n'est pas proches de la guerre, mais il faut un engagement politique», conclut Lutgen.
Nul ne contestera au Bastognard son attachement à la paix et son rejet des populismes. En décembre 1944, alors que la Bataille des Ardennes faisait rage, son grand-père a été fusillé par les Allemands à cent mètres de la maison familiale. Cet épisode douloureux a définitivement marqué les Lutgen.
Mais qu’il le veuille ou non, le départ de Benoît Lutgen pour l’Europe apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui voient en elle un cimetière des éléphants pour politiques finissants. C’est ainsi que le 26 mai prochain concourront également au niveau européen le ministre-président flamand sortant Geert Bourgeois (N-VA) et l’exprésident du Mouvement réformateur Olivier Chastel. Ce dernier vient de laisser les commandes du parti libéral francophone à Charles Michel. Une telle position doit permettre au premier ministre sortant de défendre directement son bilan, avec le risque assumé de transformer les législatives qui se tiendront également le 26 mai en un plébiscite sur sa personne.
Précisons encore que, bien que candidat à l’Europe, l’ex-ministreprésident wallon et bourgmestre de Charleroi Paul Magnette (PS) ne compte pas y siéger.
L’«exfiltration» européenne de Benoît Lutgen trouve son contexte dans la tentative de redorer le blason du CDH. L’héritier des partis catholiques, qui furent au coeur de l’histoire politique belge depuis 1830 et l’indépendance, n’en finit plus de perdre des plumes. Des sondages le donnent sous le seuil d’éligibilité des 5% dans la capitale. Les humanistes pourraient ne plus être représentés au parlement régional bruxellois.
Face au risque de culbute, le CDH cherche logiquement à muscler ses troupes. C’est ainsi que l’on assiste au retour de Joëlle Milquet aux avant-postes de la politique nationale. «Madame Non» tirera la liste humaniste à la Chambre. L’ex-ministre fédérale de l’Intérieur du gouvernement Di Rupo est pourtant sous le coup d’une inculpation pour «prise illégale d’intérêt». La justice cherche à savoir si des employés de son cabinet n’ont pas été engagés en vue de sa précédente campagne électorale.
Pour cette reconquista, Joëlle Milquet sera notamment épaulée par le nouveau bourgmestre de Ganshoren (Bruxelles), Pierre Kompany, le père de Vincent Kompany, l'ex-capitaine des Diables rouges…