EssilorLuxottica cherche de la visibilité
Les problèmes qui pèsent sur le cours pourraient offrir un point d'entrée attractif
La fusion du français Essilor, numéro un mondial des verres correcteurs, avec l’italien Luxottica, géant des montures de lunettes, a fait rêver les investisseurs avant qu'une crise aiguë freine le rapprochement opérationnel, les entreprises soupçonnant l'une et l'autre de vouloir prendre le contrôle du groupe malgré la promesse d'une fusion entre égaux prônée dans ce mariage célébré en octobre dernier. Cette dispute est devenue le seul obstacle désormais à la réalisation des 400 à 600 millions d'euros de synergies (qui améliorerait de près de 25 % le résultat net). Embourbé dans ce conflit de gouvernance, le lièvre qui devait valoriser au mieux les potentiels du marché de l'optique se fait tortue.
Le nouveau champion de l’optique vient de publier des résultats consolidés en repli avec une prévision d'une progression à taux de changes constant de son chiffre d’affaires entre 3,5 et 5 %, endeçà des attentes.
Si le nouvel ensemble EssilorLuxottica peut compter sur les synergies pour créer de la valeur à long terme, l'équilibre des pouvoirs reste source de préoccupation à court terme selon Jefferies. Même si le broker estime raisonnable la capacité du groupe à délivrer une «croissance régulière à deux chiffres du bénéfice net par action au cours des années à venir», le broker est à «conserver» avec un objectif de 105 euros.
Après avoir touché 128 euros après la fusion, le titre retombé à 106 euros reste sous pression, inférieur à son niveau du 1er janvier (110 euros) malgré le violent rebond des marchés. Les problèmes de gouvernance qui pèsent sur le cours de l'action pourraient offrir un point d’entrée attractif.
De nombreux analystes restent convaincus de l’énorme valeur industrielle de ce projet d’intégration, dans un marché mondial prometteur: 2,5 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à des verres correcteurs, notamment dans des pays aussi peuplés que la Chine, l’Inde ou l’Indonésie où le taux de croissance est estimé de 30 à 40 %. Dans les pays développés, la demande de l'industrie des lunettes est en croissance d'environ 2 %. Avec le vieillissement de la population, l'utilisation grandissante des écrans augmentera les débouchés de cette industrie.
La crise de gouvernance ne remet pas en question la fusion. L'objectif reste d'améliorer les relations, avec un enjeu de taille, un mariage d’un montant de 48 milliards d’euros d'un géant mondial de l’optique à la fois médicale et de loisir. Avant, Essilor s’est toujours traité sur la base de multiples élevés (PE), au-delà de 30 fois les profits (aujourd'hui 26). Le projet de fusion doit ouvrir la voie à une rentabilité meilleure.
Depuis son inscription en Bourse en 1972, la croissance annuelle moyenne d'Essilor a été de 14,5 %, et même de 23 %, en pleine crise mondiale fin année 2010, qui démontre le caractère défensif de la valeur.
La crise de gouvernance a pesé sur les estimations d'objectif de cours, ramenées de 128 à 115 euros. Aujourd'hui, quatre analystes sont à l'achat, un à accumuler, la plupart, c'est-à-dire sept, à conserver, deux à alléger, un à vendre.