Un optimisme défensif
Les actions et le «haut rendement» sont privilégiés – mais avec des protections
Luxembourg. Aujourd'hui, dans un monde aux taux nuls, la difficulté des gérants est de trouver du rendement. La dette émergente de plus en plus séduisante peut être une réponse. Pour les actions, la croissance économique reste positive et offre encore des opportunités. Face aux incertitudes, les gérants ajoutent des protections aux portefeuilles.
Le mois de juin est souvent utilisé par les sociétés de gestion pour communiquer leurs perspectives de la seconde partie de l'année. Dans ce contexte, Candriam avait convié les gérants de la place au château de Septfontaines à Luxembourg à écouter ses meilleurs spécialistes. Face aux nombreuses incertitudes actuelles (Brexit, guerre commerciale, Italie, Iran, etc.), la construction des portefeuilles est défensive.
Même si les actions, avec le cash, restent sélectionnées et les obligations d'entreprises évitées chez Candriam. Parmi les actions, les Américaines bénéficieront d'une croissance plus forte et seront soutenues par une baisse de taux en cas de ralentissement. Et d'un autre soutien inattendu, celui du candidat Donald Trump en campagne pour sa réélection en 2020, qui n'hésitera pas à caresser ses électeurs dans le bon sens. À Wall Street, les valorisations ne sont pas excessives selon Florence Pisani, «Head of Economic Research» chez Candriam. Tandis que les bénéfices des entreprises restent orientés favorablement.
Avec une croissance économique moins forte, les actions européennes brillent plus par leur rendement, selon Nadège Dufossé, «Head of Asset Management» chez Candriam, avec des dividendes élevés – si élevés qu'ils matchent le niveau des obligations haut rendement européennes (contre 4 % en 2011).
Sans récession en vue, une inflation timide, des taux d'intérêt bas pour encore très longtemps, le ciel est plus serein pour la dette émergente et les obligations haut rendement (rating sous BBB). S'il faut rester très vigilant sur les obligations d'entreprise, la hauteur des taux des obligations de dette émergente doit convaincre, explique Nadège Dufossé. Du côté de JP Morgan AM, qui a également organisé une présentation des perspectives du second semestre aux Arquebusiers dans le quartier de Sainte-croix à Luxembourg, Vincent Juvyns partage cette idée, mais avec une préférence pour les obligations chinoises (3 à 4 % de rendement).
Le yen pour protéger
Face aux incertitudes, chez Candriam, les portefeuilles sont protégés via trois actifs: une position en yen qui a tendance à grimper face au risque, de l'or et des instruments sur la volatilité, ainsi qu'une position cash. Chez JP Morgan AM, le yen est aussi inclus dans le portefeuille, complété par des actifs américains défensifs.
Si les deux spécialistes s'accordent à affirmer que les actions émergentes sont valorisées correctement, Vincent Juvyns est séduit par le potentiel des actions de la zone Asie, plus particulièrement de la Chine, essentielles dans la vision long terme (dix à 15 ans) d'un portefeuille. Retour annuel espéré proche des 8 %!
La guerre commerciale sinoaméricaine est bien plus profonde qu'un désaccord commercial. Les rivalités géopolitiques vont persister au-delà d'accords, estime Anton Brender, «Chief Economist» chez Candriam.
Et si cette guerre va ronger la croissance chinoise d'environ 1 %, ainsi que ses partenaires économiques, elle impacte aussi les États-unis. Selon des études extérieures, la hausse des taxes peut augmenter les dépenses du consommateur de 2.000 dollars par an. Exemple donné par Anton Brender, la hausse de la taxe sur les machines à laver fixée par l'administration Trump a créé 1.800 emplois aux États-unis, mais a renchéri leur prix de vente de 12 %. Soit un coût total de 1,5 milliards de dollars pour le consommateur ou l'équivalent de 820.000 dollars par emploi créé. À noter: ces nouvelles taxes ont aussi rapporté 82 millions d'euros au Trésor américain. Avis de sociétés
Pour maintenir sa croissance, Pékin utilise au mieux les marges dont disposent encore les autorités pour stimuler la croissance. Mais les ménages de plus en plus équipés préfèrent épargner plus (le taux d'épargne atteint 40 % dans les zones urbaines). Apparemment la croissance chinoise tient, mais des indicateurs commencent à montrer des faiblesses.
Après des doutes fin 2018, la croissance salariale et la création d'emplois vont soutenir la consommation qui pèse lourd dans la croissance américaine (70 %). Anton Brender constate que les baisses d'impôts n'ont pas permis d'accélérer l'investissement des entreprises et la réduction des stocks – élevés – pèse. La croissance, à 3 % en 2019, restera encore à 2 % en 2020. Il estime que la Banque centrale américaine (FED) limitera son nombre de baisse de taux à une ou deux fois (le marché en attend trois).
En zone euro, la croissance sera modérée, après des réductions significatives en Allemagne et en Italie. Point positif: la confiance des consommateurs a cessé de se détériorer et soutiendra la croissance. Cependant, l'épée de Damoclès que fait tourner Donald Trump au-dessus du secteur automobile européen avec une hausse des tarifs douaniers sera destructeur pour la croissance. Ainsi, les fondamentaux américains restent solides, la zone euro est plus vulnérable.