Parlement belge s'épargne crise majeure
Une astuce a permis d'éviter la montée de l'extrême droite au perchoir de la nouvelle assemblée
La tension est subitement retombée hier après-midi, après avoir été longtemps à son comble parmi les parlementaires belges. Les partis démocratiques craignaient en effet que l’extrême droite ne monte hier au perchoir de la Chambre lors de l’installation de la nouvelle assemblée et des prestations de serment. La coutume veut en effet que le plus âgé des élus, mais aussi ses deux plus jeunes collègues, ouvrent la première séance. Or, à 26 ans, le député Vlaams Belang Dries Van Langenhove est l’un de ces deux «jeunots».
Les partis francophones avaient préparé la riposte. Des triangles rouges en forme de résistance, des t-shirts verts affichant «Préférez l’espoir à la haine», le pin’s en forme de main jaune «Touche pas à mon pote». Chacun arborait son rejet de l’extrême droite. Le clash annoncé n’a toutefois pas eu lieu. Le Vlaams Belang n’est pas monté au perchoir. Et les députés de l'assemblée sortie des urnes le 26 mai dernier ont pu prêter serment, la gauche et les libéraux francophones s'abstenant d'applaudir les parlementaires d'extrême droite.
Astuce
Pour éviter de tomber dans le piège de l’extrême droite, le vétéran de la Chambre, le libéral flamand Patrick Dewael, a usé d'une astuce. Il n’est pas monté à la tribune présidentielle. Mais il a ouvert la séance depuis son strapontin et n’a donc pas dû inviter Dries Van Langenhove à le rejoindre. Les esprits se sont instantanément calmés. L’ordre du jour a pu être suivi. L’examen des candidatures à la présidence de la Chambre a pu commencer.
Dire que la Belgique politique a eu chaud hier est un euphémisme. Un tir nourri des parlementaires francophones contre la montée au perchoir de l’extrême droite flamande aurait braqué une partie de la Flandre et servi à souhait le camp qui prône le confédéralisme, sinon la fin du pays. La personnalité de Dries Van Langenhove est au centre d’une polémique intense depuis qu’en 2018, la chaîne publique flamande VRT a révélé le racisme décomplexé de certains membres de «Schild en Vriend», le mouvement ultranationaliste qu’il dirige. Van Langenhove luimême a été inculpé lundi d’infractions à la loi sur le racisme, à la loi réprimant les faits de négationnisme, ainsi qu’à celle portant sur les armes. Il a manqué l'immunité parlementaire de peu. Il a toutefois été laissé en liberté, à condition notamment de faire une visite guidée de la caserne Dossin d’où sont partis des milliers de juifs pour les camps d’extermination nazis.
A 26 ans, Dries Van Langenhove est l’étoile montante de l’extrême droite flamande. Il a amplement aidé le Vlaams Belang à capter les voix de la jeunesse lors des dernières élections législatives.
Ce qui s’est passé hier a évité à la Chambre des représentants de revivre l’accueil houleux qu’avaient reçu les ministres de la N-VA de Bart De Wever au lendemain de la formation du gouvernement Michel. C’était en octobre 2014. Le ministre de l’intérieur Jan Jambon et le secrétaire d’état à l’asile et à la Migration Theo Francken avaient été conspués par l’opposition pour leurs propos et leur attitude favorables à la Collaboration. Depuis, la personnalité et les actes de Theo Francken ont régulièrement alimenté la chronique. L'épisode a durablement marqué les partis francophones qui étaient venus hier avec la ferme intention de tacler le Vlaams Belang et ses 18 députés (sur 150).
«Un signal affreux»
Pour rien? Au-delà de l'anecdote, les éditorialistes sont inquiets. Parmi d’autres, «Le Soir» écrit que «la Belgique n’échappe plus à la présence massive de l’extrême droite. Nous avons vécu ces dernières années avec la croyance que notre pays avait dominé le parti extrémiste siphonné par la N-VA. Mais nous en sommes revenus à la situation de l’italie, de l’allemagne et de la France». L’historien flamand Bruno De Wever (le frère de Bart, un scientifique au-dessus de tout soupçon de partialité) estime pour sa part que «l’intégration de l’abominable Dries Van Langenhove (par le Vlaams Belang) est un signal affreux. Elle rend risible l’adoucissement du programme du Belang. (…) Un parti qui attribue le problème de l’ordre du pouvoir public à la présence des migrants… c’est du racisme pur.»
Mardi, le parlement régional flamand avait donné au parlement fédéral un avant-goût de ce qu'il risquait. Ici, c’est le vieux libéral Herman De Croo qui avait accepté de présider une dernière fois l’assemblée pour empêcher Filip Dewinter, visage emblématique de l’extrême droite flamande, de monter au perchoir. Comme le veut la tradition, De Croo était flanqué pour l’occasion des deux plus jeunes députés, tous deux issus du… Vlaams Belang.
Si l’on ajoute la N-VA nationaliste à l’extrême droite du Vlaams Belang, 58 députés sur les 124 que compte le Parlement flamand parient sur la fin de la Belgique.