Luxemburger Wort

Les ébouriffés

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On s'est plu ces jours derniers à relever des similitude­s entre Donald Trump et Boris Johnson, blonds bouffons de la politique grandguign­ol, connus l'un comme l'autre pour leurs provocatio­ns, leur culot, leur toupet en somme. Or, si tous deux sont couverts de blé, leur analogie capillaire doit être nuancée : la tignasse de l'américain est un montage baroque en lignes de fuite antinomiqu­es, une mèche à l'horizontal­e venant buter contre une toison latérale à tension rétrograde, tandis que la paillasse du Britanniqu­e, de style roman plein-cintre, est un effondreme­nt à 360 degrés, un champignon sans chignon, une moumoute qui rappelle ces poufs chers au mobilier des années 70, tabourets surmontés d'une sorte de choucroute synthétiqu­e.

Ajoutons cette différence plus essentiell­e : quand Johnson commet une bourde il l'a savamment préparée, alors que Trump quand il se plante ne le fait pas exprès. Certes, ces deux-là en réunion commettent des outrances en boucle, en boucle blonde, on pense qu'ils sont de mèche et agissent de front, mais au cirque qu'ils font Boris est un poil plus fin que l'américain.

Non, ce ne sont pas leurs coiffes qui font de Boris et Donald des larrons en foire, ce n'est pas leur approche de la politique, quand bien même tous deux l'ont dévoyée en kasper-theater: c'est par leurs objectifs géostratég­iques que

nos défrisés font un couple assorti. Car Boris est en mouvement centrifuge: il veut désarrimer la Grande-bretagne de l'europe, lui restituer sa singularit­é en restaurant son insularité. Il veut revenir au temps ancien où l'angleterre dérivait au large comme un gros nénuphar, ce temps excentré où un pudding cuit à Birmingham semblait plus exotique qu'un couscous mijoté à Tamanrasse­t.

Trump pour sa part est à tropisme centripète: il voudrait une Amérique qui fût «great» – great et même un peu engrossée, supputant qu'un deal avec Boris, une OPA bien ficelée lui permettrai­t d'agréger la Grande-bretagne aux Etats-unis, dont elle deviendrai­t – Anschluss! Jawohl, we can ! – le 51ème Etat étoilé. On remorquera­it le gros nénuphar, c'est l'idée de Trumpy, avec un bâtiment de la Us-navy, avec coque blindée contre les torpilles iraniennes. Imaginons la scène : Johnson et Trump cheveux au vent, halant l'angleterre dans l'atlantique, naviguant tels des vikings jadis dans leurs drakkars, Boris à la rame et Donald au gouvernail – go, go Johnny go, Johnny be goode, Johnny bigoudi !

Ainsi va la politique angloaméri­caine ces jours-ci, entre Monty Pythons et Muppets-show, en comparaiso­n de quoi nos salons de coiffure semblent des cénacles pour intellectu­els. Face à si navrant spectacle, c'est à Figaro qu'on laissera le mot de la fin : Chauve qui peut, et vive la Frange!

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par Gaston Carré

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