Des élections anticipées pour issue à l'imbroglio belge
L'idée d'un retour aux urnes traverse les partis de plus en plus convaincus qu'il sera impossible de former un gouvernement fédéral
La perspective de nouvelles élections fait son chemin dans la classe politique belge. Les positions des partis flamands et francophones sont à ce point clivées, inconciliables, qu'une redistribution des cartes apparaît inévitable pour aboutir à la formation d'un gouvernement fédéral.
Une situation inextricable
Le 26 mai dernier, les législatives ont confirmé le leadership de la N-VA de Bart De Wever en Flandre et du Parti socialiste d'elio Di Rupo en Wallonie. Mais elles ont surtout été marquées par la victoire du Vlaams Belang (extrême droite) au nord et par la forte progression des communistes du Parti du travail de Belgique au sud. Les autres formations politiques ont plus ou moins limité les dégâts, les écologistes tirant leur épingle du jeu à Bruxelles – mais ratant le coche en Wallonie.
Un compromis aurait dû être logiquement trouvé entre ces partis pour gouverner. C'était sans compter avec les anathèmes que se renvoient les nationalistes flamands et les socialistes francophones. Les premiers refusent de négocier avec le PS si le confédéralisme n'est pas mis au centre des pourparlers – avec l'espoir d'aboutir à une plus grande autonomie pour la Flandre. Quant aux seconds, ils rejettent toute discussion sur le sujet, comme l'assénait encore récemment la socialiste Laurette Onkelinx dans les pages de «L'echo».
L'extrême droite flamande tient ici lieu de joker: l'intégrer à la négociation permettrait de faire bouger les lignes. Ce scénario a été envisagé un moment par la N-VA de Bart De Wever au motif qu'on ne pouvait négliger les 800 000 Flamands qui ont voté pour le Vlaams Belang. Mais dans ce cas, il était évident qu'en raison du cordon sanitaire qui isole l'extrême droite depuis les années 90, aucun francophone n'aurait osé s'allier à un parti aux relents racistes.
Enfin, ce tableau serait incomplet s'il n'était précisé que la reconduction de la «suédoise» de Charles Michel est impossible faute de majorité à la Chambre. Bref, la situation paraît inextricable. D'où la perspective d'un retour aux urnes qui, selon «Le Soir», pourrait avoir lieu «en janvier-février 2020».
Pour le quotidien francophone, «certains responsables (de partis), tirant les leçons du 26 mai, ont évoqué explicitement le scénario électoral, lors de conversations en ville». La trame serait la suivante: «Entre fatalisme et tentative désespérée de provoquer un électrochoc: les partis, au nord et au sud, s'engageraient alors dans une campagne électorale toute vouée à se prononcer sur le maintien d'un État fédéral et des liens de solidarité en Belgique. Ça repart ou ça casse…»
Ce scénario – confié «off the record» par des politiques – passe surtout pour celui d'un film catastrophe. Car, démontrant l'impuissance des partis traditionnels, il aboutirait à renforcer les extrêmes au nord comme au sud du pays. La situation n'en serait que plus problématique. Les résultats de ce vote pourraient en outre laisser penser que les francophones et les Flamands ne veulent plus vivre ensemble. Les nationalistes flamands modérés et ultras sauraient récupérer l'argument.
Reste une solution: une coalition entre les socialistes, les écologistes et les libéraux francophones d'un côté; et de l'autre, les partis non nationalistes flamands. Mais parce que ces derniers sont minoritaires à la Chambre, ils prendraient une responsabilité énorme vis-à-vis de l'électorat. Et le risque d'être anéanti par un raz de marée nationaliste lors du prochain scrutin.
D'où la perspective d'un retour aux urnes qui, selon «Le Soir», pourrait avoir lieu «en janvier-février 2020».