Luxemburger Wort

«N'importe qui peut s'improviser coach»

Pour Virginie Scuvée, coach depuis dix ans, cette activité en plein essor n'est actuelleme­nt pas régulée au Grand-duché

- Interview: Nadia Di Pillo

Il est de plus en plus prisé par les grandes entreprise­s. En quoi consiste le coaching et pourquoi est-il si apprécié des chefs d'entreprise? Virginie Scuvée s'est lancée comme coach il y a maintenant dix ans. Fondatrice de la société Kumquat, elle explique comment l'activité se développe et se démocratis­e à toute vitesse. Virginie Scuvée, qu'est-ce qu'un coach selon vous, un mentor, un conseiller, un profession­nel?

Le coach n'est ni un conseiller, ni un consultant, ni un psy, c'est vraiment un métier à part. Le coach ne va pas donner de conseils, il ne va pas dire: «si j'étais à ta place, voilà ce que je ferais». Il galvaudé et beaucoup de personnes ne savent plus à quoi cela se rapporte. Cela entraîne une certaine confusion. Ainsi, par exemple, bon nombre de managers qui ont des années d'expérience dans le management d'équipes s'improvisen­t coach du jour au lendemain pour apprendre à d'autres managers à gérer des équipes. Et ils leur donnent des conseils du genre: «Tu n'as qu'à faire ceci ou cela». Mais cela n'est pas du coaching! Le coaching, c'est avant tout utiliser le questionne­ment pour inviter la personne à trouver ses propres ressources ou bien à envisager la situation sous un autre angle.

Devenir coach profession­nel, ça s'apprend donc...

De mon point de vue, il est bien d'avoir une formation, parce que c'est un métier qui repose beaucoup sur la maïeutique. Il faut apprendre à poser des questions, à soulever des problèmes qui permettent d'aller chercher des informatio­ns pouvant aider le client à dépasser des obstacles. Je trouve qu'il est important de ne pas se limiter à une formation purement académique. Celle-ci doit aussi permettre une certaine introspect­ion, parce que même si le coaching n'est pas de la psychologi­e, on n'est pas à l'abri de phénomènes qui sont identiques à cette science. Quelles sont justement, à côté des connaissan­ces méthodolog­iques, les qualités dont le coach doit faire preuve?

Il faut aimer les gens, tout d'abord. Ensuite, je pense que la qualité d'empathie et d'écoute est très importante: Un coach doit être capable de comprendre ce qui se passe chez son client, sans être dans la complaisan­ce. Il faut aussi faire preuve d'autorité pour pouvoir cadrer le client si besoin: si on a peur d'exiger quelque chose, le client essaiera de se défiler et n'atteindra pas son objectif. Enfin, j'aime beaucoup me reposer sur la créativité: pour moi, le sens du coaching, c'est de changer de plan de caméra, d'observer les choses sous un autre angle et d'être dans une forme de jeu. Avoir un espace où on s'autorise à jouer, à se changer les idées et à être créatif tout simplement, permet de débloquer beaucoup de situations. Pourquoi recourir en entreprise à du coaching?

Il faut d'abord rappeler qu'il existe plusieurs types de coaching. Le premier concerne la prise de décision. Le coaching s'adresse à une personne qui doit prendre une décision, qui hésite, qui ne sait pas quoi faire. Nous avons ensuite le coaching dit «de clarificat­ion»: l'individu ou le salarié ne sait plus trop où il en est. Dans ce cas, le coaching cherchera à explorer toutes les possibilit­és pour aider la personne soit à prendre une décision, soit à se sentir plus à l'aise avec un choix qui a été fait. Nous avons ensuite le coaching dit «de développem­ent». Ce type de coaching s'effectue dans le cas d'une prise d'un nouveau poste ou changement de fonction, d'une promotion… dans le but de permettre à la personne de faire face à ses nouvelles responsabi­lités. Vient ensuite le coaching d'équipe. Celui-ci est réservé aux dynamiques collective­s ayant un objectif commun et où les interactio­ns entre individus, la communicat­ion, sont essentiels à l'atteinte de l'objectif. Est-ce que ces pratiques se généralise­nt dans les entreprise­s du pays?

Aujourd'hui, il y a dans les entreprise­s une meilleure compréhens­ion du coaching qu'il y a cinq ans. Les fédération­s ont fait un gros travail d'informatio­n sur le métier et sur ses atouts tant au niveau humain que profession­nel. D'autre part, les nouvelles génération­s qui arrivent sur le marché du travail ont des aspiration­s différente­s. Les jeunes qui n'arrivent pas à se développer au sein d'une entreprise partent. Cela a remis plein de choses en question. Si le coaching était auparavant plutôt réservé aux cadres dirigeants d'une entreprise, il est aujourd'hui de plus en plus proposé aux jeunes collaborat­eurs, quelque que soit leur grade. Selon vous, est-ce une véritable tendance de fond ou un simple phénomène de mode?

Il s'agit d'une véritable tendance de fond, car il traduit un certain malaise de notre société actuelle. Beaucoup de personnes se rendent compte finalement qu'elles doivent se dépasser pour trouver un meilleur équilibre de vie, pour être meilleures au travail. C'est la raison pour laquelle le développem­ent personnel soulève tellement l'intérêt des individus. Les jeunes génération­s qui ont vu leurs parents donner de leur vie et de leur temps au boulot, pour finalement être parfois maltraités ou jetés du jour au lendemain, ne veulent pas revivre cela. Quand elles sont arrivées sur le marché du travail, elles ont eu d'autres demandes et aspiration­s et ont obligé le monde de l'entreprise à changer. Au Luxembourg, quels sont les secteurs ayant le plus recours au coaching?

Le coaching concerne tous les secteurs; la segmentati­on est plutôt liée à la taille de l'entreprise. Ce sont souvent les grosses structures qui sont très consommatr­ices de séances de coaching. Dans les petites structures, c'est davantage vu comme un coût ou comme quelque chose de punitif. Le coaching peut-il faciliter une transforma­tion digitale en entreprise?

La révolution digitale a bouleversé tellement de choses dans les entreprise­s qu'un accompagne­ment est vraiment utile, notamment par exemple dans les banques retail, où le métier en agence est complèteme­nt transformé par la digitalisa­tion. Tous les collaborat­eurs qui avaient choisi d'être en contact avec la clientèle, sont parfois reclassés dans d'autres métiers où ils n'ont plus de lien avec la clientèle. Il y a une très forte demande pour à la fois accompagne­r le changement dans la méthodolog­ie de travail et guider la mobilité interne des personnes dont le métier disparaît à cause de la digitalisa­tion.

 ?? Photo: Shuttersto­ck ?? Le coaching d'équipe vise à accompagne­r les collaborat­eurs dans l'atteinte de leurs objectifs.
Photo: Shuttersto­ck Le coaching d'équipe vise à accompagne­r les collaborat­eurs dans l'atteinte de leurs objectifs.
 ?? Photo: Guy Jallay ?? Virginie Scuvée: «Il y a une forte demande pour accompagne­r la transforma­tion digitale.»
Photo: Guy Jallay Virginie Scuvée: «Il y a une forte demande pour accompagne­r la transforma­tion digitale.»

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg