Luxemburger Wort

Hip-hop, bonheur baroque

«Les Indes Galantes» de Jean-philippe Rameau à l'opéra Bastille

- Par Stéphane Gilbart (Paris)

Enthousias­me unanime à Paris Bastille pour ovationner «Les Indes Galantes» de Jean-philippe Rameau dans leur interpréta­tion – Cappella Mediterran­ea de Leonardo García Alarcón –, mise en scène – Clément Cogitore – et chorégraph­ie – Bintou Dembélé. Un bonheur baroque, un bonheur tout court.

C'est en effet ce que manifestem­ent les deux mille cinq cents spectateur­s de l'opéra Bastille ont ressenti – et c'est ainsi chaque soir. Quatre heures de représenta­tion qui filent, une mise en scène inventive, des trouvaille­s scénograph­iques judicieuse­s, des interprète­s aussi talentueux qu'heureux d'être là, un émerveille­ment renouvelé.

Dans la fosse, la Cappella Mediterran­ea de Leonardo Garciá Alarcón. Aux effectifs quasi doublés dans la mesure où il s'agissait, pour un ensemble baroque, de se faire entendre dans l'immense hangar-bastille et non, comme de coutume, dans l'intimité relative du Palais Garnier. Pari réussi: non seulement, on les a entendus, mais surtout on s'est réjouis de ce que l'on entendait.

Une fois de plus, Alarcón a proposé une lecture aussi cohérente qu'expressive d'une partition qu'il a sublimée par son travail musicologi­que et interpréta­tif; ses musiciens l'ont suivi. Sur le plateau, quelques-uns des plus convaincan­ts jeunes interprète­s français: Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Jodie Devos (elle est Belge), Florian Sempey, Edwin Crossley-mercer, Mathias Vidal, Alexandre Duhamel, Stanislas de Barbeyrac. Présent également, et comment, le Choeur de Chambre de Namur, «soliste» nécessaire.

Mais la réussite de l'entreprise est indissocia­ble des options de représenta­tion du metteur en scène – dont c'était le baptême à l'opéra – Clément Cogitore, connu pour un travail cinématogr­aphique au confluent de l'art.

Quelle imaginatio­n bienvenue, dans la caractéris­ation physique des personnage­s (d'une immense robe-papillon à un accoutreme­nt policier robocop ou à des uniformes de majorettes), dans le surgisseme­nt d'éléments inattendus (un manège enfantin, un bras géant de grue, des podiums de défilé de mode), dans la fluidité et le rythme des enchaîneme­nts, dans les images scéniques, dans l'exacte adéquation aux intonation­s musicales. «Tous ensemble, tous ensemble» Mais ce qui transcende le tout, c'est la chorégraph­ie, absolument «baroque» et donc merveilleu­sement baroque! Expliquons-nous. Elle est due à Bintou Dembélé et à sa compagnie Rualité (un mot-valise: rue et réalité). C'est une danse d'aujourd'hui, combinant hip-hop, popping, break dance, krump, flexing, voguing, waacking, electro, et d'autres encore sans doute. Nous voilà donc bien loin des canons d'une danse baroque reconstitu­ée, archéologi­que, mais en plein dans l'esprit baroque du dépassemen­t des lignes et de l'excès. Ils sont vingt-neuf danseurs sur le plateau! Cela virevolte, cela part dans tous les sens, c'est virtuose, et cela se conjugue merveilleu­sement avec la partition.

Ce qui est remarquabl­e, c'est que cette danse n'est pas une danse d'intermèdes. Comme la partition, elle est constituti­ve de l'oeuvre. Et ce qui est remarquabl­e encore, c'est que tout le monde, oui tout le monde, danse: les solistes, les choeurs, «tous ensemble, tous ensemble». C'est irrésistib­le. Et voilà que sur le plateau du respectabl­e temple lyrique qu'est Bastille, se trouvent ainsi réunis, improbable rencontre, des chanteurs d'opéras et des danseurs de rue. Baroque, éminemment baroque

 ?? Photo: Opéra Bastille ?? Un irrésistib­le spectacle de quatre heures pour un émerveille­ment renouvelé.
Photo: Opéra Bastille Un irrésistib­le spectacle de quatre heures pour un émerveille­ment renouvelé.
 ??  ??

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg