Le changement dans la continuité
Le Premier ministre portugais António Costa appelle à la stabilité pour son second mandat
Marie-line Darcy (Lisbonne)
«Ce gouvernement va durer quatre ans. Avec moi il n’y aura pas de bourbier». Le Premier ministre António Costa a appelé à la stabilité au Portugal. Vainqueur avec son parti, le parti socialiste, de l’élection législative du 6 octobre dernier, cette phrase prononcée par Costa lors de l’investiture de la nouvelle assemblée nationale, vendredi dernier, n’est pas anodine. Le Premier ministre qui se succède à lui même faisait une référence claire à António Guterres – actuel secrétaire général de L’ONU – qui en avait dû démissionner à mi-hemin de son second mandat après la défaite aux municipales. Guterres avait voulu éviter un bourbier politique.
Costa lui ne veut pas d’un agenda politique dépendant des trois élections prévues dans ce second mandat: les régionales, les municipales et la présidentielle. Une autre échéance va marquer cette législature: la présidence tournante de l’union eropéenne, au premier semestre de 2021. Pour beaucoup à commencer par l’opposition de droite, le nouveau gouvernement ne devrait pas aller audelà. C’est pourquoi António Costa a répété à l’envie ce mot de stabilité.
Pas de «geringonça 2.0»
L’habile chef du gouvernement sait qu’il devra négocier ses soutiens à l’assemblée nationale. Car si son parti détient 108 sièges de députés (sur 230), le PS est à huit sièges de la majorité absolue. La configuration actuelle n’a plus rien à voir avec celle qui a prévalu durant le premier mandat, de 2015 à 2019.
Il n’y aura pas une deuxième génération de «geringonça», nom donné à l’alliance parlementaire passée entre les socialistes et les partis de la gauche radicale: le Bloco de Esquerda (BE – extrême gauche) et le Parti communiste (PCP). Les communistes se sont montrés réfractaires à l’idée de renouveler l’accord qui ne semble pas les avoir servis: le PCP a perdu cinq députés le 6 octobre. Quant au BE qui n’a pas augmenté son groupe parlementaire (19 députés), il n’est pas en mesure d’imposer ses points de vue. L’extrême gauche s’est cependant montrée disponible pour des accords ponctuels. Quant à António Costa libéré d’une obligation de négocier des accords d’alliance, il tient du même coup à distance des partis eurosceptiques qui ne le servent pas par rapport à Bruxelles, surtout dans la perspective de la présidence de 2021.
Des maux de tête en perspective Costa s’est entouré d’un énorme gouvernement de 70 membres. igne de changement dans la continuité, la majorité des ministres sont reconduits. Toutefois certains changements sont expressifs. Comme notamment la prépondérance donnée à l’économie en lieu et place des finances afin de centrer les objectifs sur les questions de restructurationset d’investissements.
Des dossiers difficiles sont sur la table: la santé, l’éducation, le logement, la loi du travail. La contestation de la fonction publique déjà très visible lors du premier mandat devrait se poursuivre. Par ailleurs, Costa veut poursuivre sa politique des «comptes justes», celle qui peut satisfaire Bruxelles. Mais un premier coup de canif vient d’égratigner les perspectives portugaises. La commission a en effet demandé à Lisbonne de peaufiner son avant-projet de budget pour 2020 qui risque de dévier des critères des traités européens. Bruxelles se méfie aussi des velléités d’augmentation du salaire minimum que Costa veut porter de 600 euros actuels brut à 750 euros brut en 2023. Pont ou guet, Costa devra construire avec astuce sa gestion politique s’il ne veut pas se retrouver dans le «bourbier».
Costa devra construire avec astuce sa gestion politique.