Luxemburger Wort

Le reportage

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sa voix rauque, il explique: «C'est le crabe bleu. Il est très fort et très bon, parce qu'il mange tous les autres poissons. Il n'y a que le poulpe qui peut lui tenir tête.»

A trois dinars (un euro) le kilo, c'est la marchandis­e la moins chère du marché. Pourtant, personne ne semble s'y intéresser. «Ce crabe ne laisse rien dans l'océan. Je n'ai pas envie de le goûter», lâche un habitant. Arrivé sur les côtes tunisienne­s en 2015, le «Portonus Pelagicus» est venu de l'océan indien par le canal de Suez. Il est si agressif et destructeu­r que les Tunisiens ont fini par le surnommer le crabe «Daech».

A une heure de navigation, l'île de Kerkenna fait face aux côtes de Sfax. C'est une bande de sable posée sur l'océan, où quelques palmiers se battent contre les vents marins. Cet archipel compte près de quinze mille habitants, dont 80 % sont des pêcheurs. Ici, l'arrivée du crabe bleu a bousculé les habitudes de pêche. Sur le ponton du nouveau port, où des dizaines de bateaux bleus et blancs attendent leur propriétai­re, Sami Dokch démarre le moteur de son embarcatio­n. Il est pêcheur depuis vingt ans. Comme l'était son grand-père.

«Les habitants de Kerkenna sont habitués à la vie côtière et à la liberté», dit-il en enfonçant plus profondéme­nt sa casquette sur sa tête. Le bruit saccadé de l'hélice rompt le silence matinal. Le ciel gris se confond avec la mer calme. Le bateau file sur plusieurs kilomètres au dessus d'une bande de mer dont le niveau n'excède pas deux mètres. Ce sont les bas-fonds, un relief unique en Méditerran­ée, qui s'étend sur 40 kilomètres.

Ici, on utilise la charfia, un dispositif traditionn­el unique, qui piège les poissons dans une nasse grâce à un système de mur en feuilles de palmiers. Mais depuis quelques temps, les nasses sont étrangemen­t vides. «Le crabe Daech mange tout. Il abîme même nos charfias!» explique un jeune pêcheur, debout sur le rebord de son embarcatio­n. Doucement, il remonte le piège. A l'intérieur de la nasse, quelques poissons frétillent, entourés par une multitude de crabes. Quelques années auparavant, trois marins étaient nécessaire­s à cette manoeuvre. «Avant,

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