Un pasteur au pays des abeilles
Evêque et apiculteur, Mgr Jean-pierre Vuillemin défend une écologie globale – au-delà du rucher de l’évêché de Metz
Il prend soin du peuple de Dieu qui lui est confié et du peuple des abeilles dans les ruches du jardin épiscopal: Mgr Jean-pierre Vuillemin est évêque auxiliaire de Metz et apiculteur. Si les abeilles sont des baromètres de l’écologie, les activités de l’apiculteur présentent de nombreux parallélismes avec la charge épiscopale. Rendez-vous privilégié près du rucher d’un homme d’eglise qui vit au quotidien la richesse de la biodiversité – et qui fait goûter sa première récolte messine le jour de la Saint-nicolas.
Etre en lien avec la terre
C’est vers l’âge de 20 ans que l’étudiant en théologie Jean-pierre Vuillemin, originaire des Vosges, commence à pratiquer l’apiculture non commerciale. «Être en lien avec la terre est très important pour moi. Je peux m’émerveiller devant la beauté de la Création. Et comme la vie des abeilles me fascine depuis toujours, c’est une activité qui me plaît. En plus, il faut avoir l’esprit pratique: il y a un côté bricolage indispensable pour aboutir à un résultat. Finalement, partager le miel avec ses proches et ses amis est une grande joie», explique l’évêque auxiliaire qui montre ses quatre ruches dans l’écrin de verdure de l’ancienne abbaye messine Sainte-glossinde qui est le siège de l’évêché de Metz.
Quand Mgr Vuillemin fut nommé évêque auxiliaire en janvier dernier, il voulait cesser son activité d’apiculteur. «Mgr Lagleize, évêque de Metz, m’a encouragé de continuer. Il m’a invité d’emmener mes ruches au jardin de l’évêché». Soucieux de ne pas créer un déséquilibre de la biodiversité, l’évêque auxiliaire met en garde devant une surpopulation d’abeilles domestiques en milieu urbain.
«Même en hiver, il faut être attentif à la ruche. Chaque saison a ses activités», précise Mgr Vuillemin en ouvrant le couvercle d’une ruche. «Il faut faire les bons gestes aux bons moments. L’apiculteur doit avoir l’humilité de l’observation et être attentif au détail. La vie de l’abeille nous montre la complexité de la biodiversité. L’abeille nous alerte des déséquilibres: la santé des abeilles nous renseigne beaucoup sur la santé d’autres insectes», souligne l’évêque auxiliaire qui a beaucoup d’admiration pour l’intelligence collective des abeilles.
L’évêque-apiculteur compare la diversité des métiers dans la ruche à celle de l’eglise: «Tous les métiers travaillent pour le bien de la collectivité – dans la ruche et dans l’eglise». Au même titre que l’apiculteur a vocation de prendre soin d’une colonie d’abeilles, l’évêque doit prendre soin du peuple qui lui est confié.
Devant l’arrière-fond d’une (re)lecture du Livre de la Genèse, Mgr Vuillemin invite les chrétiens à défendre une écologie globale: «Dieu donne à l’homme la capacité d’être un bon gérant de la Création».
Pour être les gardiens de cette Création, l’ancien curé-doyen d’epinal veut encourager les hommes, à l’image de l’apiculteur, d’observer attentivement l’environnement tout en évitant trois impasses: nier la réalité du dérèglement climatique et le pouvoir de l’homme sur le déséquilibre, faire confiance aveugle à la technologie et penser que l’on ne peut rien faire.
Pour Mgr Vuillemin qui a formé lui-même cinq apiculteurs, le respect de la Création est fortement ancré dans notre tradition spirituelle. «Notre spiritualité nous rappelle notre rapport à la nature. Tout est dans la Bible. Si des figures emblématiques comme saint François d’assise ou Hildegard von Bingen accordaient une grande place à l’écologie, la conscience pour l’urgence de la conversion écologique est une vocation chrétienne», ajoute le théologien qui, à l’âge de 21 ans, participait à un Congrès de Pax Christi en Corée labellisé «Respect de la Création».
L’abeille symbolise la miséricorde Cette vocation du chrétien de prendre soin de la Création, Mgr Vuillemin l’affiche ouvertement face à la «société de consolation qui se définit par un achat parfois compulsif». Ainsi figurent sur l’écu de l’évêque auxiliaire la ruche et trois abeilles. Dans le monde chrétien, l’abeille symbolise la miséricorde (le miel) et la souffrance (la piqûre) du Christ. Symbole de l’eglise, la ruche représente l’activité d’apiculteur du spécialiste en droit canon qui préside la section écologique du Conseil Famille et Société dans la Conférence des évêques de France. Son expérience d’apiculteur lui permet d’oeuvrer pour une «Eglise verte».