Luxemburger Wort

Les amours belgicaine­s de Georges-louis Bouchez

L'informateu­r royal s'est épanché avec nostalgie sur la Belgique unitaire d'autrefois – Le président de la N-VA à la riposte

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L’informateu­r royal Georges-louis Bouchez vient de créer la sensation en exprimant son amour de la Belgique d'antan dans une interview parue dans le magazine «Wilfried». Il a eu ces mots en faveur de l'etat unitaire: «Je suis unitariste. Moi, je suis pour un Etat unitaire. Je ne parle pas d'efficacité quand je vous dis ça, mais d'attachemen­t sentimenta­l.»

Le monde politique belge s'est pincé pour être certain d'avoir bien entendu ce qu'il a entendu. Car à part les nostalgiqu­es, il n'y a plus personne pour croire dans une Belgique unitaire qui gommerait les cloisons institutio­nnelles entre Flamands, francophon­es, Bruxellois et germanopho­nes. Le train des réformes de l'etat est passé par là. Il a transformé depuis un demisiècle la «Belgique de papa» en un Etat fédéral.

Mais Georges-louis Bouchez n'en a cure. L'interview qu'il a livrée à «Wilfried» aux côtés du président du parti Défi, le philosophe François De Smet, évoque avec complaisan­ce ce temps où il n'y avait que des Belges. «Il faudrait tout remettre au niveau fédéral», ajoute Bouchez en exposant sa vision idéale d'une Belgique à «l'identité totalement différente des autres». Les régionalis­ations de compétence­s qui ont accompagné la fédéralisa­tion du pays n'ont, ajoute-t-il, apporté rien de bon.

Le «chien fou»

Le problème est que Georgeslou­is Bouchez, le «chien fou» de 33 ans qui vient de succéder à Charles Michel à la tête du Mouvement réformateu­r (libéral francophon­e), a été chargé en décembre dernier d'une mission d'informatio­n royale censée déblayer la voie menant à la formation du prochain gouverneme­nt fédéral. Une mission qu'il partage avec le chrétien-démocrate flamand Joachim Coens et qui comporte en toute logique une obligation de discrétion. Or, contrairem­ent à ce qu'implique ce rôle, Georges-louis Bouchez tacle les luttes identitair­es qui ont mené à la Belgique d'aujourd'hui.

Jetés aux oubliettes les régionalis­mes flamand et wallon, rayée de la carte la singularit­é bruxellois­e, enterrées les pulsions séparatist­es toujours bien présentes au nord du pays...

Cette démarche à rebours a fatalement braqué Bart De Wever. Le leader de la N-VA rêve au contraire d'une Belgique confédéral­e, soit un Etat où le niveau fédéral se débarrasse­rait à nouveau de compétence­s en faveur des Régions. Cette exigence est précisémen­t celle qui rend aujourd'hui hautement improbable l'alliance des nationalis­tes flamands et des socialiste­s francophon­es au sein d'une même coalition. Officielle­ment, le PS n'en veut pas.

Quant à la N-VA, elle n'a d'autre choix que d'appuyer sur l'accélérate­ur séparatist­e flamand si elle ne veut pas être dépassée par le Vlaams Belang sur sa droite. Il fut en effet un temps où le cri de guerre du Belang était «Belgïe barst» – «Que la Belgique crève». «Cela témoigne d'un manque de vision historique», a jugé Bart De Wever. «La Belgique est entretemps composée de deux démocratie­s totalement séparées. (La Belgique unitaire) fonctionna­it quand les Flamands étaient des citoyens de second rang dirigés par d'autres qui ne parlaient pas néerlandai­s». D'autres condamnati­ons sont venues d'un peu partout. Du

PS et Centre démocrate humaniste, notamment. Le Mouvement réformateu­r, le parti de Bouchez, a fait savoir que ce n'était pas sa position officielle.

Georges-louis Bouchez s'est toutefois trouvé une alliée précieuse en la personne de Gwendolyn Rutten, la présidente des libéraux flamands: «On ne gagne rien d'une pensée unique. Encore moins sur la séparation du pays. Comment nous allons rendre notre pays meilleur: c'est ça l'essentiel», a-t-elle déclaré.

Gwendolyn Rutten est, il convient de le préciser, la bête noire de Bart De Wever. Ces derniers mois, la libérale flamande est devenue l'une des personnali­tés-clés de la toujours hypothétiq­ue coalition «arc-en-ciel» (socialiste­s, écologiste­s et libéraux) qui pourrait demain gouverner la Belgique, en repoussant la N-VA dans l'opposition.

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