Luxemburger Wort

Au nom du père et de la fille

Albert II, l’ancien roi des Belges, est le père biologique de l’artiste Delphine Boël – prouvé par un teste ADN

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L’ADN d’albert II a parlé. Lundi, le roi a pris connaissan­ce des résultats de l’analyse génétique à laquelle l’avait contraint la justice bruxellois­e. Ceux-ci indiquent qu’il est bien le père biologique de Delphine Boël. Dans un communiqué, après avoir reconnu l’évidence, Albert II a tenu à souligner qu’il n’a été mêlé à «aucune décision familiale, sociale ou éducative relative à Delphine Boël».

Ainsi prend fin le secret d’alcôve le moins bien gardé de Belgique. Car le lien biologique unissant Albert II à Delphine Boël, aujourd’hui âgée de 51 ans, ne faisait aucun doute. Les interviews de Sybille de Sélys Longchamps, la mère de l’artiste, les témoignage­s de proches et d’intimes, les photos jaunies ou non… avaient montré cette filiation sous toutes ses coutures. Cette évidence avait trouvé un écho plus retentissa­nt encore dans la presse après l’abdication d’albert II en 2013 en faveur de Philippe, son fils aîné. Le monarque était alors redevenu un simple citoyen, un vieil homme enjoint de rendre des comptes.

Une pression maximale

En 2013, Delphine Boël avait lancé une double procédure en justice: en reconnaiss­ance de paternité envers Albert II, mais aussi en «contestati­on de paternité» contre Jacques Boël, l’homme d’affaires brabançon qui l’avait élevée. Les défaites allaient alors se succéder pour le roi démissionn­aire. Une fois qu’un test ADN eût démontré que Jacques Boël n’était effectivem­ent pas le père biologique de Delphine, la pression se fit maximale sur Albert, contraint à son tour l’an dernier à une analyse génétique. La vérité allait donc apparaître au grand jour, ce n’était plus qu’une question de semaines ou de mois, mais Albert II refusait toujours de l’admettre. Pourquoi? Il a beaucoup été dit que la reine Paola s’opposait faroucheme­nt à cette reconnaiss­ance de paternité. Delphine avait été conçue en dehors du lit nuptial à un moment où le couple menait une vie dissolue. Elle était l’héritage de cette période trouble et finalement douloureus­e qui avait failli le conduire au naufrage.

Albert et Sybille de Sélys Longchamps, alors l’épouse de Jacques Boël, ont entretenu une relation amoureuse entre 1967 et 1984. «Pendant dix ans, Albert est allé quasi tous les soirs chez Sybille, il assistait au repas de Delphine

et la bordait; ils partaient en vacances à trois, avec des amis, sur le bateau d’albert; et en 1976, Albert a voulu divorcer de Paola», rappelait «Le Soir» en citant un proche. A l’époque, celui qui était encore pour les Belges le «prince de Liège» pensait à quitter Paola. Quant au sort de Delphine, il avait fait l’objet de plusieurs scénarios, de l’adoption au désaveu de paternité de son père légal Jacques Boël.

Politique ou déni?

Mais la longue réconcilia­tion de Paola et d’albert qui intervient sous le dais de la religion au milieu des années 1980 va modifier le cours des choses. Delphine est progressiv­ement tenue à l’écart. En 1993, le prince de Liège devient roi des Belges à la mort de son frère Baudouin.

Calcul politique ou déni? Volonté de sauver un couple qui avait échappé de peu au divorce? L’obstinatio­n d’albert II à refuser de reconnaîtr­e sa paternité en a choqué plus d’un depuis dans une Belgique qui pensait s’être libérée du carcan de la morale.

La reconnaiss­ance de paternité intervenue lundi soir garde un goût amer. Observateu­rs et chroniqueu­rs s’étaient trompés en pensant que le roi ferait le ménage dans sa vie au lendemain de son abdication. Depuis, d’autres pariaient sur le fait qu’il emporterai­t son secret dans la tombe. C’est finalement un test ADN, une analyse génétique froide et dépourvue de tout caractère émotionnel, qui a poussé Albert à exhiber son album de famille caché. La séquence manque cruellemen­t de panache.

En témoigne cet autre rejet de paternité, affective celle-là, consigné lundi dans un communiqué rédigé par l’avocat du souverain: «Le roi Albert tient à faire observer que, depuis la naissance de Madame Delphine Boël, il n’a été mêlé à aucune décision familiale, sociale ou éducative quelconque relative à Madame Delphine Boël et qu’il a toujours respecté le lien qui existait entre Madame Delphine Boël et son père légal [qui était Jacques Boël]».

La question de la motivation

Les motivation­s de Delphine Boël elles aussi font l’objet de nombreuses interrogat­ions. S’est-elle battue pour la vérité, pour sa dignité? A-t-elle refusé de n’être qu’une pièce rapportée, rabrouée, après avoir été l’enfant chérie d’un couple adultérin? Sa mère, Sybille de Sélys Longchamps a assuré autrefois au journal flamand Het Laatste Nieuws que «l’héritage n’a jamais été le but de la démarche de Delphine. Mais nous avons toutes sortes de problèmes pratiques (…). L’intention n’était pas de vendre du cinéma, mais de régularise­r ce que tout le monde savait déjà…»

Delphine Boël pourra peut-être porter le nom de son père «de Saxe Cobourg-gotha» – les juristes s’affrontent sur ce point. Elle aura droit à un quart de son héritage. Mais, parce qu’elle n’est pas née du mariage d’albert et de Paola, jamais elle ne pourra prétendre monter sur le trône de Belgique. Ainsi le veut la Constituti­on.

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Photo: dpa Elle a lutté longtemps: Un test ADN a maintenant prouvé que l’artiste Delphine Boël est la fille biologique d’albert II, ancien roi des Belges.

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