Courageux et coloré
«Souliers rouges», un conte pour jeune public au Théâtre d'esch/alzette
Sous la plume acérée et efficace d’aurélie Namur, le triste dénouement du célèbre conte de Hans Christian Andersen, «Les chaussons rouges», s’est mué en «Souliers rouges», un conte théâtral courageux et coloré qui prend dignement sa place dans le répertoire pour enfants du XXIE siècle. Les compagnies Les Nuits Claires et Agnello en ont donné une lecture poignante au Théâtre d’eschsur-alzette.
Dans cette version contemporaine, une jeune fille craintive a été recueillie par une mère adoptive sévère et insensible, qui brûle sans hésiter les chaussons rouges que Sophie a hérités de sa mère et auxquels elle tient énormément. Eplorée, celle-ci s’échappe dans le monde du rêve, où elle entrevoit le reflet de sa mère disparue et danse en sa compagnie.
Pendant ce temps, le diabolique Tristan Dersen se montre prêt à offrir les souliers rouges à Sophie, cherchant à entraîner l’enfant dans la triste spirale imaginée par le conte d’andersen et qui s’amorcera dès qu’elle se mettra à danser avec les chaussures ensorcelées aux pieds. Séduite par les propos de Dersen et malgré les efforts de sa marâtre pour mettre les souliers rouges hors de sa portée, Sophie s’en empare et se met à danser.
Très fâchée lorsqu’elle apprend que Sophie lui a désobéi, la mère adoptive se saisit d’une grande hache pour punir l’enfant. C’est alors qu’elle se rend compte que, contrairement à ce qu’elle croyait, Sophie est devenue prisonnière des souliers rouges. Au risque de se blesser, elle joint ses efforts à ceux de la jeune fille et, ensemble, elles parviennent à la libérer.
Sophie décide alors de partir à la recherche de Dersen pour le punir à l’aide de la hache, avant de retrouver sa mère adoptive. Réconciliées, elles se montrent prêtes à construire une relation basée sur le respect et l’affection.
Moments joyeux, situations graves
Si de nombreux moments joyeux, voire cocasses ont égayé l’histoire, l’enchaînement de situations graves et d’émotions poignantes ont constamment maintenu les spectateurs en haleine. Signé Nathalie Lerat, l’éclairage contrasté a habilement accentué la froideur de l’échange entre Sophie et sa mère adoptive, les machinations maléfiques de Dersen, la poésie du rêve de l’enfant, la chorégraphie des souliers ensorcelés le long du mur, ou encore la taille démesurée de la hache.
L’accompagnement musical, peu envahissant, dû à Antoine Blanquart, s’est distingué par son bon goût, alors que les costumes, conçus par Claire Farah, ont clairement appuyé le caractère de chaque personnage, sans entraver leurs mouvements.
Claire Engel a tenu le rôle de la jeune orpheline, s’exprimant d’une voix fluette et prenant des poses craintives au début de l’histoire. Très à l’aise dans les chorégraphies de Sophie Leso, elle les a interprétées avec beaucoup de sentiment. Son talent lui a permis de se transformer au fil du spectacle, gagnant en confiance et en présence scénique. C’est ainsi qu’après avoir attaqué avec un humour féroce le méchant Dersen, elle n’a pas manqué de fermeté lors de retrouvailles pleines d’espoir avec sa mère adoptive.
Véritable caméléon, Aurélie Namur s’est non seulement montrée irrésistible dans les rôles de marâtre opiniâtre sûre d’ellemême, de femme éméchée et insensible, ou de blessée comique, mais également d’une grande intelligence lorsqu’il s’est agi de prendre avec une tendresse gracieuse les traits de la mère disparue, ou de dévoiler une profonde transformation intérieure.
Si Yannick Guégan, fringant dans son costume aux tons écarlates, a conquis les spectateurs par ses gestes fluides et précis, son expression ouverte, sa voix aigüe et un débit de parole rapide ont quelque peu érodé le caractère machiavélique de son personnage. Il a surtout brillé dans les passages comiques et en incarnant la voix des souliers rouges, sans oublier son hommage pétillant à Hans Christian Andersen.